Un meeting populaire à Ndjili Ste Thérèse ce mardi 29 janvier 2019. C’est ce qu’a annoncé le week-end dernier la coalition Lamuka du candidat malheureux à la présidentielle 2018, Martin Fayulu Madidi. Le joker des candidats invalidés à la même présidentielle, Jean-Pierre Bemba Gombo, Moïse Katumbi Chapwe et Adolphe Muzito, soutenus par des milieux politiques et de puissants miniers occidentaux, dont Glencore, est connu par avoir contesté avec véhémence les résultats proclamés par la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) et confirmés par la cour constitutionnelle. Martin Fayulu s’est lancé depuis lors dans ce qu’il présente comme un combat pour la vérité des urnes. C’est-à-dire, des actions d’envergure d’incitation à la révolte populaire.
Lundi 21 janvier à Kinshasa, Fayulu et Lamuka avaient déjà convoqué un rassemblement populaire sur avenue de l’Enseignement dans la commune de Kasavubu devant le siège de ses alliés du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba. L’affaire a capoté, littéralement. Seuls quelques dizaines de combattants avaient répondu à l’appel de l’élu kinois dont le parti (Ecidé) et la plateforme politique (Dynamique de l’Opposition, DO) n’ont obtenu en tout et pour tout que 6 sièges dans la nouvelle Assemblée nationale. En lieu et place du meeting, Fayulu a entrepris, lundi dernier, d’arpenter les rues de quartiers à forte densité de population de la capitale, pour mobiliser d’incertaines troupes.
Rendez-vous chez les ndjilois
Le rendez-vous de ce mardi à N’djili Ste Thérèse, un quartier tout aussi densément peuplé de Kinshasa, s’inscrit dans la suite logique de cette démarche de mobilisation des … ‘combattants’ derrière la cause du « rétablissement de la vérité des urnes » version Fayulu. Une énième tentative donc, et un nouveau test de popularité pour cet homme présenté comme vainqueur de la présidentielle du 30 décembre dernier, mais qui peine lourdement à présenter à la face de la justice de son pays et à l’opinion ceux qui l’auraient élu si triomphalement (62 % des voix, selon ses affidés de l’église catholique de l’Ouest congolais !).
En réalité, Martin Fayulu, c’est de zéro qu’il doit repartir après une campagne électorale où il a plus que largement bénéficié de l’apport de ses partenaires : le MLC de Jean-Pierre Bemba, le G7 de Moïse Katumbi, le RCD-K-ML de Mbusa Nyamwisi Antipas … et une partie de l’église catholique qui continue à caresser le rêve de l’accession à la présidence de la République d’un second originaire de l’Ouest du pays (après Joseph Kasavubu en 1960). Mais le flirt Lamuka accuse des signes évidents de fin de parcours. Dans la coalition née miraculeusement dans un établissement hôtelier cossu de Genève en Suisse en novembre dernier, les rats commencent à quitter le radeau aussi rapidement qu’ils y avaient accouru, appâtés par la perspective de prébendes de leurs mentors.
MLC : des couleurs républicaines
Le MLC de Jean-Pierre Bemba a clairement affiché ses couleurs, à la fin de la semaine dernière, en se déclarant partant pour une opposition républicaine. C’est-à-dire, une opposition constructive, au sein des institutions nationales. Ces mêmes institutions dont Fayulu conteste véhémentement la plus haute, le Président de la République. Le parti bembiste ne suivra donc pas le candidat Ecidé et sa DO dans sa cavalcade en vue de rétablir ‘sa vérité’ des urnes. Nous ferons de l’« Opposition républicaine et constructive. Nous avons 22 députés. Nous ferons une opposition responsable : contrôle parlementaire, législation, contrôle budgétaire », déclarait Jean-Jacques Mamba, un porte-parole du parti bembiste à des confrères en ligne samedi dernier. L’engagement des cadres et des combattants de l’ancien mouvement politico-militaire aux côtés du candidat malheureux à la dernière présidentielle sera donc désormais … plutôt nuancé.
Les fissures de l’édifice Lamuka ne relèvent pas du seul parti de Jean-Pierre Bemba. Au G7 de Moïse Katumbi, le réalisme politique avait déjà contraint d’importants leaders politiques à tourner, carrément, le dos au candidat décidément très peu commun choisi à Genève. Pour battre campagne électorale dans leurs provinces kasaïennes d’origine, l’AMK (Alliance des Mouvements Kongo) Claudel Lubaya et Delly Sessanga avaient dû proclamer ‘urbi et orbi’ leur allégeance au candidat CACH (Cap pour le Changement), Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi. C’était la condition requise à la fois pour ne pas perdre leur électorat … et éviter de se faire étriper vifs dans ces provinces largement acquises au nouveau Président de la RD Congo.
Kyungu, un pied dedans
Le plateau des défections au sein de Lamuka semble s’élargir davantage avec les déclarations et les appels du pied de Gabriel Kyungu wa Kumwanza, le patron du regroupement katumbiste dans l’ex province du Katanga. La campagne électorale autant que les résultats de la présidentielle du 30 décembre dernier ont démontré que dans cette partie du pays, le nouveau Chef de l’Etat n’avait besoin ni du G7, ni de Kyungu wa Kumwanza, ni, encore moins donc de Moïse Katumbi pour se faire place au soleil. L’accueil délirant réservé au ticket Fatshi-Kamerhe dans la capitale de la province cuprifère, en décembre dernier, a en effet démontré à la face du monde que « le Katanga n’était pas qu’un club de football », selon la formule heureuse d’un internaute partisan de Fatshi.
Appelé à présider au bureau provisoire de la prochaine assemblée nationale parce qu’il est le député les plus âgé de la législature qui commence, Gabriel Kyungu wa Kumwanza se retrouve donc de plein pied dans les institutions de la République. Que le candidat de sa coalition politique, Martin Fayulu, dénonce et combat au nom de la vérité des mêmes urnes qui auront plébiscité … Kyungu, entre autres. Le choix du dernier président de l’assemblée provinciale du Katanga semble donc clair : pas question de fouler aux pieds les résultats de la présidentielle confirmés par la plus haute instance judiciaire du pays. Fin politicien, celui que l’on surnomme « Baba wa Katanga » s’emploie plutôt à rapprocher son mentor, Moïse Katumbi Chapwe, avec Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi. Une mission difficile du fait notamment d’effroyables distorsions de vérités malicieusement répandues par Katumbi sur son ex meilleur ami Fatshi. Comme cette vaste et plutôt méchante campagne de dénigrement du nouveau Président de la République dans les médias katumbistes occidentaux, qui s’est étalée jusqu’au-delà de la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle.
Le Katumbi allié de Fatshi refait surface
Désormais, c’est le Katumbi allié de Fatshi que Kyungu place en avant dans toutes ses apparitions publiques. « Jamais nous ne pourrons nous ériger en obstacle vis à vis de Félix Tshisekedi. À Genève, Moïse Katumbi a voté à deux fois pour Félix Tshisekedi contre l’avis de certains cadres du G7 », a déclaré le patron du G7 à la presse le 26 janvier 2019. « La victoire de Félix Tshisekedi, c’est ma victoire. Je demande à la population de savourer cette victoire », affirme-t-il encore. Sans plus d’allusion à l’autre victoire à la même présidentielle, celle que revendique le candidat Lamuka.
Au niveau interne, Martin Fayulu devra donc se résigner de plus en plus à ne compter que sur ses propres forces, désormais. Et sur le soutien plus ou moins tribal de l’un ou l’autre leader politique de son Bandundu d’origine, ainsi que des prélats extrémistes d’une partie de l’église catholique de l’Ouest. Le meeting du 29 janvier 2019 est un rassemblement de la remise des compteurs à zéro pour lui, même si nul parmi les siens ne le crie tout haut.
J.N.