Le coup a raté. Paul Kagame et ses amis, dont le Brazza-Congolais Denis Sassou Ngouesso, l’Angolais Joao Lourenço, le Tchadien Idriss Dheby, le Guinéen Alpha Condé, et le Zambien Edgar Lunga, n’ont pas réussi l’exploit de se rendre à Kinshasa lundi 21 janvier 2019 pour y opérer un remake du schéma gambien. Parce que la stratégie avait tout perdu de son originalité, entre autres, et aussi parce que Kinshasa et la RD Congo ne sont pas la petite Gambie et Yahya Jammeh, l’ancien chef de l’Etat de ce pays accusé de fraude électorale et éjecté par ses pairs de la CEDEAO. C’était en janvier 2017.
La manœuvre avait pourtant tout d’un coup de poker. A un mois de la fin de son mandat d’un an à la tête de l’Union Africaine (UA), le chef de l’Etat Rwandais Paul Kagame, circonvenu par le Français Emmanuel Macron et des libéraux Belges, a tenté un coup de force électoral en RD Congo. A la faveur d’une rencontre dite de haut niveau et consultative (faute de pouvoir convoquer formellement un sommet qui réunirait tous les chefs d’Etat du contient) sur la situation dans cet immense pays de la CIRGL et de la SADC, le 18 janvier 2019, le groupe de chefs d’Etats chaperonnés par Paul Kagame a d’abord exprimé « des doutes sérieux quant à la conformité des résultats provisoires proclamés par la Commission Electorale Nationale Indépendante avec les suffrages exprimés ». Avant de prendre la décision inédite d’en appeler à la suspension des résultats définitifs des scrutins du 30 décembre 2018 par la cour constitutionnelle, la plus haute institution judiciaire en RD Congo, prévue 24 heures plus tard, le 19 janvier 2019. En attendant que ce conglomérat, plutôt informel puisqu’évoluant hors des structures officielles de l’organisation régionale africaine, ne dépêche de toute urgence une délégation conduite comprenant le président de l’UA pour dialoguer avec les parties prenantes congolaises. La réunion convoquée d’urgence à Addis-Abeba entendait ainsi substituer la proclamation officielle des résultats de la présidentielle rd congolaise à « … un consensus pour sortir de la crise post-électorale ». Carrément.
Crise post-électorale ou dédoublement de résultats électoraux ?
Seulement, de crise post-électorale, il n’y en avait pas du tout en RD Congo mais plutôt un dédoublement de résultats électoraux proclamant chacun un président de la République élu. Le 10 janvier 2019, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), seule instance chargée de l’organisation et de la proclamation des résultats électoraux selon la constitution et les lois de la RD Congo, avait proclamé provisoirement Félix Tshilombo Tshisekedi de l’UDPS/T vainqueur de la présidentielle du 30 décembre 2018. Mais elle avait été précédée et donc quasiment doublée dans cet exercice par … une mission d’observation électorale. En l’occurrence, celle de l’église catholique romaine rd congolaise, qui avait largué sur le terrain quelque 17.000 observateurs électoraux pour observer … près de 80.000 bureaux de vote éparpillés sur l’ensemble du territoire national.
La sainte fuite en avant catholique
Dès le 4 janvier 2019, soit 5 jours après les votes, les évêques catholiques dont la mission d’observation avait été financée par des pays et des organisations de l’Union Européenne, annonçait qu’ils connaissaient le vainqueur de la présidentielle, Martin Fayulu Madidi en fait. « La Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) constate que les données à sa disposition issue des procès-verbaux des bureaux de vote consacrent le choix d’un candidat comme président de la République », soutenait le communiqué lu par l’Abbé Donatien Nshole, le porte-parole des évêques, au cours d’un point de presse convoqué à cet effet.
L’exploit ressemblait à s’y méprendre à un hold up électoral clérical sur fond d’escroquerie. Parce que non seulement les observateurs de l’église catholique romaine ne pouvaient avoir couvert plus du quart des bureaux des 80.000 bureaux de vote, mais pire, ils ne pouvaient disposer de procès-verbaux auxquels n’ont droit que les témoins des candidats et des partis et regroupements politiques, selon les lois en vigueur en RD Congo. A l’évidence, les catholiques voulaient créer une impasse qui appelle un arbitrage … Ils l’ont obtenu avec le dépôt d’une requête en contestation des résultats provisoires de la présidentielle introduite le 11 janvier 2019 par le ‘candidat commun’ de l’opposition désigné à Genève en novembre dernier, Martin Fayulu ; et la réunion consultative dite de haut niveau convoquée à l’instigation de Paul Kagame une semaine plus tard à Addis-Abeba.
Kinshasa ne plie ni ne rompt
Cependant, Kinshasa ne s’en est pas laissé conter. Samedi 19 janvier 2019, comme prévu par le calendrier électoral, la cour constitutionnelle a formellement rendu son verdict sur les requêtes en contestation introduites par deux des protagonistes à la présidentielle du 30 décembre dernier, dont Martin Fayulu. Le candidat proclamé vainqueur par les hommes de Dieu a été proprement débouté, faute de preuves de ses allégations de victoire. Aucun des procès-verbaux vantés par lui-même et ses amis catholiques n’ayant été versé au dossier introduit à la cour pour étayer les 60 % de voix dont il se prévaut ostentatoirement.
Et la réunion d’Addis-Abeba s’est avérée une arnaque kagaméenne de plus contre son immense et riche voisin. C’est ce dont s’est chargé de clamer tout haut … le secrétaire général des Nations-Unies en personne. S’exprimant vendredi 18 janvier sur la situation en RD Congo, Antonio Guteress a minimisé le communiqué appelant à la suspension des résultats définitifs de la présidentielle rendu public par la bande à Kagame. Parce qu’il ne s’agissait pas d’un sommet de l’Union Africaine mais plutôt d’une rencontre de chefs d’Etat de pays invités par le président de l’UA. « Le processus électoral en RDC s’achèvera sans violences et avec un plein respect de la volonté et de la décision de la population », avait tranché, sûr de lui, le patron des Nations-Unies.
Dans un communiqué, dimanche 20 janvier 2019, la Commission de l’Union Africaine que préside le Tchadien Moussa Faki Mahamat prenait note de la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle par la cour constitutionnelle rd congolaise. Et expliquait que la visite de la délégation de haut niveau qui devait se rendre à Kinshasa le 21 janvier 2019 était reportée. L’arnaque a capoté.
J.N.