Beni, Butembo, Goma, Bunia, Isiro, Kisangani, Lubumbashi, Kalemie, Goma, Mbandaka, Gemena, Gbadolite, Bandundu, Inongo … en lieu place de la campagne à l’Américaine promise ses parrains, Moïse Katumbi Chapwe, Jean-Pierre Bemba Gombo, Adolphe Muzito et autres Antipas Mbusa Nyamuisi, ce sont de sauts de kangourou que le candidat Lamuka aura effectué à travers l’immense RD Congo. Négligeant ainsi de pans entiers du territoire national qui auraient peut-être gagné à prendre connaissance du programme-alternative proposé par la nouvelle plateforme de l’opposition politique en RD Congo. Pire, Lamuka et son candidat auront totalement négligé ces campagnes de proximité connues pour être plus persuasives au profit de prestations impressionnistes que les foules ont tôt fait d’oublier. Surtout lorsqu’il faut faire face à la concurrence des adversaires politiques.
A l’analyse, ce n’est pas une campagne pour convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit, que Martin Fayulu a entrepris depuis le 5 décembre 2018 à Beni dans la province du Nord-Kivu. Ni le contenu du message transmis au cours des meetings animés dans les agglomérations qui lui ont réservé un accueil plutôt chaleureux et encourageant, ni le routing sélectif emprunté par le jet du candidat Lamuka, ne permettent d’affirmer que Martin Fayulu ait entrepris une campagne pour se faire élire en RD Congo. Nanti de la mission de préparer les esprits à l’organisation de nouvelles élections dans un laps de temps plus ou moins court (2 ans, selon les accords de Genève), ce président d’un petit parti politique kinois juché à la tête d’une plateforme qui ne paie pas de mine non plus (la Dynamique de l’opposition) s’est plutôt lancé dans une sorte de campagne négative, y compris pour sa propre personne. Appelant plus ou moins indirectement les électeurs “à ne pas être électeurs le 23 décembre 2018”. En dénonçant au cours d’un point de presse à Kinshasa, le 14 décembre, que Martin Fayulu n’exhortait même pas ses militants à voter pour lui, le porte-parole du gouvernement de la RD Congo n’était pas du tout à côté de plaque. Puisqu’aussi bien à Kinshasa que dans les provinces et villes de l’intérieur de la RD Congo, les affiches électorales du candidat n° 4 sont une denrée rare. Autant d’ailleurs que toute autre forme de campagne électorale par la voie des ondes ou de la télévision. Ce n’est pas un fait du hasard.
Routing éclectique
Le routing de campagne du « candidat unique » de Genève s’avère, lui aussi, trop sélectif et opportuniste pour prétendre s’assurer la conquête des les 40 millions d’électeurs inscrits sur les listes de la CENI. Il s’agit de « prestations pour donner le change » et diffuser une impression de popularité en vue de revendications politiques à venir, concluent des observateurs. Parce qu’en lui-même, Martin Fayulu et son parti politique (Ecidé) ne pèsent que 98 candidats à la députation nationale 2018, en tout et pour tout, dont plus de la moitié a postulé à Kinshasa. Pour se lancer en campagne pour la présidentielle, c’est évidemment trop maigre en terme de soutiens locaux. Le candidat Lamuka s’est donc logiquement appuyé sur les béquilles de ses parrains genevois, Antipas Mbusa, Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba, Adolphe Muzito … Le routing de campagne du « candidat unique » de Genève épouse donc les contours de leurs principaux fiefs électoraux, réels ou supposés. Il part de la région de Beni-Butembo et une partie de l’ex province Orientale, effectue un saut vertigineux dans l’ex Katanga, transite par l’ex province de l’Equateur avant de s’en retourner vers l’Ouest, dans les provinces du Bandundu, du Kongo Central et de Kinshasa.
Ce n’est certes pas assez, par rapport au territoire national. Mais les vides, Martin Fayulu et Lamuka ont cru pouvoir le combler en se posant en victimes d’entraves du pouvoir en place. Une théâtralisation qui peut s’avérer payante … mais à force de tirer sur la corde, elle finit par céder, comme on dit. Kindu au Maniema, Kabare, Uvira, Mwenga, Kalehe, Walungu au Sud-Kivu, Kolwezi, Likasi (au Katanga), Kananga (Kasai Central) Tshikapa (Kasai), Mbujimayi (Kasai Oriental), Lodja-Lusambo (Sankuru), Kikwit, Idiofa, Bulungu, Kenge … n’ont pas eu l’honneur de figurer sur le routing de celui que d’aucuns surnomment « le candidat des invalidés ». Manifestement parce que dans ces contrées, le terrain ne se prêtait pas à la théâtralisation des accueils triomphants et de transports en tipoy, comme à Mbandaka, à Gbadolite ou à Inongo.
Martin Fayulu et Lamuka semblent avoir choisi de ne pas se risquer en territoires incertains. Les prétendus obstructions du pouvoir en place, que rien ne prouve en dehors des accusations du principal intéressé, du reste, ne concernent comme par hasard que les fiefs les plus incertains la coalition de Genève. Ce fut le cas, lorsque Martin Fayulu décidait d’escamoter l’escale de Kindu où, on le sait aujourd’hui, une petite escouade de cadres Lamuka et quelques dizaines de militants constituaient le comité d’accueil. Il en est de même, selon des sources crédibles, du séjour annulé à Kolwezi, la terre du cobalt congolais tant convoité, qui s’avère un fief indomptable de Joseph Kabila et de son FCC. On en dirait autant des vastes provinces kasaiennes, rayées d’un trait de crayon rageur des plans de vols, sans doute.
Même retourné à Goma avant de repartir sur l’ex province de l’Equateur, Martin Fayulu n’a guère pensé à se rendre dans les principales et importantes agglomérations du Sud Kivu voisin où plus d’un million d’électeurs ont été enrôlés par la CENI.
La campagne électorale de Fayulu et Lamuka, c’est pour faire miroiter une popularité qui n’en est pas, en réalité. Mais qui peut servir pour revendiquer une impossible victoire à la présidentielle 2018.
J.N.