C’est la vitesse de croisière. La campagne électorale pour la présidentielle du 23 décembre 2018 a pris un tour particulier au début de la semaine avec l’entrée en lice des candidats « communs » de l’opposition dans la province du Nord-Kivu. Le tandem Félix Tshilombo Tshisekedi-Vital Kamerhe a pris d’assaut la ville volcanique de Goma, mardi 4 décembre. Mercredi, 24 heures plus tard, c’est Martin Fayulu Madidi, le candidat des candidats invalidés à l’élection présidentielle, qui s’est à son tour lancé à l’assaut des… boycotteurs des élections dans la même province à partir de Beni, dans le Grand Nord.
A l’aéroport de Mavivi, à une dizaine de kilomètres de la ville de Beni, le jet qui a emmené la délégation Fayulu avec également à son bord Eve Bazaïba, la secrétaire générale du MLC, Adolphe Muzito et Freddy Matungulu, s’est posé autour de 17 h 30’ locales. 3 à 4.000 personnes, selon des sources locales, attendaient ici depuis plusieurs heures. Et presqu’autant le long du parcours et au Rond-Point du 30 juin sur l’unique boulevard de Beni, où le président de l’Ecidé et de la Dynamique de l’opposition a animé un meeting populaire.
Quelques milliers d’ultra sur 185.600 enrôlés
Beni, c’est 675.600 électeurs enrôlés pour les scrutins du 23 décembre (dont 182.800 pour la seule ville). On ne peut donc pas affirmer que la première sortie de campagne de Martin Fayulu ait drainé l’ensemble de ce que ce territoire meurtri depuis plusieurs années par le terrorisme ADF compte d’électeurs. Néanmoins, le candidat de la coalition Lamuka s’est retrouvé en terre fertile pour livrer le message de la restauration de la paix, dont tous et chacun rêve ici. « Elu, je déplacerai l’Etat-Major de l’armée ici à Beni pour pacifier Beni et toute la province du Nord-Kivu », a clamé Martin Fayulu, oubliant ou ignorant que la ville abrite déjà un Etat-Major FARDC (Sukola) en campagne d’éradication des rebelles ADF en collaboration avec la brigade d’intervention de la force Monusco.
Des promesses électorales paradoxales, dont il ne semble pas que beaucoup s’en soient rendus compte ici. Parce que Martin Fayulu a aussi invité ses auditeurs de Beni à « rejeter les machines à voter » qui étaient arrivées la veille dans la ville sans lesquelles aucun scrutin ne pourra se tenir tiendra pas de scrutin le 23 décembre 2018. «Nous devons dire à Nangaa qu’ici à Beni, nous ne voulons voir aucune de ses machines lors des élections prochaines », a scandé le candidat de la coalition Lamuka. Mais aussi, que «au jour du 23 décembre, demandez les bulletins de vote. Si n’y a pas des bulletins de vote, il n’y a pas de vote non plus. S’il n’y a pas de bulletins, nous n’allons pas nous entendre avec Nangaa. La machine à voter est contre la loi. C’est-à-dire que tout le monde demande les élections à la date du 23 décembre, mais qu’ils viennent avec des papiers. Ne donnez à personne la chance de voler notre élection, ne donnez pas la chance à Shadary de voler notre élection à cause de la machine à voter».
Leaders experts ès légendes d’infamies
Dans cette contrée où des leaders d’opinion sont portés sur les légendes d’infamie, accusant à tour de bras leurs adversaires politiques d’être la cause de tous les maux qui s’abattent sur elles, de tels propos sont susceptibles de provoquer des réactions déstabilisatrices. Dans un passé récent, on a vu des opposants radicaux prétendre le plus sérieusement du monde que tout ce qui va mal ne peut être que l’œuvre des autorités en place à Kinshasa, y compris l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola, c’est une mèche allumée que Martin Fayulu a ainsi délibérément lancée dans un torrent d’huile bouillante.
Et de fait, aussitôt terminé le speech du « candidat dernier de la classe » selon le mot de Vital Kamerhe, des jeunes surexcités qui n’attendaient manifestement que d’être encouragés se sont rués l’affiche de campagne géante d’Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat N°13 du Front Commun pour le Congo, qu’ils ont tenté d’incendier avant de la lacérer.
Tout se passe comme si, faute de pouvoir gagner l’élection présidentielle Fayulu est bien déterminé à la saboter systématiquement.
J.N.