La popularité ne s’échange pas. Pas comme une veste ou une paire de chaussures. C’est la leçon de réalisme à tirer du retour à Kinshasa, pourtant annoncé à grand renfort de publicité, de Martin Fayulu Madidi. Le candidat à la présidentielle 2018 pour le compte de la Dynamique de l’Opposition (DO), récemment désigné candidat d’un groupe de 5 leaders de l’opposition (3 en fait, parce que Freddy Matungulu et Adolphe Muzito doivent encore prouver qu’ils pèsent plus que des leaders tribaux) a été accueilli par une foulé évaluée à 2800 personnes selon la police (3000 selon les sources indépendantes). Le gros de ces troupes comprenant les militants des partis politiques du G7 katumbiste, le MLC de Jean-Pierre Bemba ainsi que quelques combattants de la DO elle-même, s’est ébranlé tôt le matin vers l’aéroport de Ndjili, drapeaux et drapelets au vent, à bord de véhicules de transports en commun loués pour la circonstance.
Devant le siège de la DO sur l’avenue de l’Enseignement dans la commune de Kasavubu s’était agglutinés, dès les premières heures du jour également, de grappes de combattants qui ont dû passer une grande partie de la journée à échanger des invectives avec leurs voisins d’en face, les combattants de l’UNC de Vital Kamerhe auxquels s’étaient joints des conducteurs de motos que l’on assimile généralement aux sympathisants de l’UDPS/T. Il y avait, à l’évidence, de l’étincelle en l’air. Et les services du Général Kasongo Sylvano, prévenantes, se tenaient à quelque mètres de là, prêtes à intervenir.
Entorses sur le programme convenu
C’est aux alentours de 13 heures locales que l’aéronef ramenant le restaurateur kinois, accompagné de Freddy Matungulu et Adolphe Muzito a atterri à l’aéroport international de Ndjili. Selon le programme convenu avec les autorités urbaines, Martin Fayulu devait aussitôt se rendre devant le siège de son parti dans la commune de Kasavubu, où une tribune était érigée en vue d’un bref meeting devant ses supporters. Mais l’homme, connu pour cette propension à duplicité et à la roublardise qui lui ont assuré les lauriers de Genève, a tenté de convertir l’accueil à Ndjili en déferlement à travers les rues de la capitale vers Kasavubu. Pour faire comme le MLC Jean-Pierre Bemba qui, au terme d’une marche à pieds dévastatrice de l’aéroport au stade Tata Raphaël, fit basculer la capitale dans l’horreur à la fin de la campagne électorale 2006. Mercredi 21 novembre, les services de police ne se sont pas laisser duper. Du gaz lacrymogène a été largué pour disperser la foule entraînée par un groupe d’agitateurs professionnels peu avant les quartiers chauds de Kingasani, et le cortège du candidat président escorté vers le lieu de rassemblement convenu.
Pour la première fois depuis plusieurs mois, une manifestation de l’opposition politique a ainsi failli dégénérer. Le retour à Kinshasa du MLC Jean-Pierre, qui avait enregistré une plus grande affluence de sympathisants à l’aéroport de Ndjili et le long du parcours vers le centre-ville, fut sans incident. Autant que le meeting organisé fin septembre 2018 par les opposants réunis sur le boulevard triomphal, qui rassemblé quelque 5000 personnes sans incidents majeurs. 2000 âmes revenchardes rameutées par le candidat président Fayulu ont brillé par des agressions verbales et physiques sur les forces de l’ordre. Le communiqué publié par les services du Général Kasongo Sylvano, le patron de la police de la capitale, indique « le long du parcours, la police a essuyé des insultes et violence avec jet de projectiles de la part de quelques inciviques. Ces incidents ont occasionné des dégâts humains et matériels dont 05 policiers blessés et 04 véhicules de la police endommagés ». Des sources indépendantes, qui confirment ces assauts contre les forces de l’ordre, renseignent qu’à la hauteur de la 10ème rue Limete, les combattants réunis sous la bannière de Lamuka ont échangé les mêmes invectives avec ceux de l’UDPS/T habituellement agglutinés là.
Agents de police agressés
Revenu à Kinshasa à quelques heures du lancement officiel de la campagne électorale par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Martin Fayulu s’est montré peu disert face aux combattants qui l’attendaient sur le boulevard Triomphal, promettant un meeting dans les heures qui suivaient. Néanmoins le candidat président de Genève s’est confié à la presse. ” L’état d’esprit est que nous devons à tout prix arracher l’alternance démocratique. Pour arriver à ça il faut les élections crédibles c’est-à-dire élections avec bulletins papiers, sans machine à voter, avec un fichier clair, nettoyé pour que demain quand les Congolais auront posé l’acte, il faut que les résultats soient en concordance avec l’acte qu’ils auraient posé. [Dans ces conditions vous espérez gagner ?] bien sûr avec les bulletins papiers nous allons surveiller la tricherie, nous ne connaissons pas la machine à voter, de toutes les façons elle est illégale. Le peuple congolais a dit pas de machine à voter, élections crédibles, apaisées et transparentes “, a expliqué cet acteur politique connu pour ne jamais dévoiler le fond de sa pensée. Fayulu ne dit pas aux kinois que le vote et le mandat qu’il sollicite est d’une durée de deux ans, selon les accords de Genève. Probablement parce qu’il n’y croit pas trop lui-même, à cette clause de 2 ans de mandat présidentiel pour organiser de nouvelles élections. Encore une roublardise en perspective, dont feront les frais non plus Vital Kamerhe et Félix Tshilombo Tshisekedi, mais cette fois-ci Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, ces nouveaux mentors.
« Avec ou sans machine à voter, Fayulu ira aux élections », confie au Maximum une source kwiloise crédible. Selon laquelle la rhétorique du candidat Lamuka sur la machine à voter et le nettoyage du fichier électoral est produite pour rassurer ses nouveaux alliés, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. Et pour contester les résultats, le moment venu, c’est-à-dire après avoir échoué. « Mais en ce moment-là, le patron d’un petit parti politique obscur sera devenu un interlocuteur incontournable dans l’opposition. C’est le but qu’il poursuit », explique encore la source. D’autres sources indépendantes qui connaissent le restaurateur kinois depuis ses années chez les Américains de Mobil, assurent que Martin Fayulu a un ego encore plus surdimensionné qu’un Jean-Pierre Bemba. Et qu’aussitôt le top job en vue, il se détournera sans le moindre scrupule de ses nouveaux amis. « C’est l’homme des Israéliens. Il se rend presque tous les deux mois dans ce pays où il entretient de sérieuses relations politiques et d’affaires », confie-t-il.
Wait and see.
J.N.