Confirmé archevêque de Kinshasa la capitale, jeudi 1er novembre 2018, Mgr Fridolin Ambongo Besungu n’a pas résisté longtemps aux sollicitations de la presse à sensation. Face à ces couteaux à double tranchant que sont les médias, le prélat n’en sort pas indemne et trahit une certaine ambivalence, entre ses obligations pastorales et ses penchants pour la politique politicienne qui ont fait tant de mal à l’image de l’Eglise catholique romaine rd congolaise ces dernières années.
Mercredi 7 novembre à partir de Rome où il séjourne, l’archevêque kinois a accordé une interview digne d’un « combattant » de l’opposition politique radicalisée à un confrère de RFI, qui devrait alimenter la polémique politique plutôt que l’apaiser.
Vœux pieux contredits par les propos agressifs
A quelques deux semaines de la messe solennelle de prise de possession de son pouvoir canonique prévue le 25 novembre prochain au Stade des Martyrs de Kinshasa, le nouveau N°1 de l’Eglise catholique dans la capitale rd congolaise n’a pas fait dans la dentelle. « Il ne faudrait pas que le processus électoral et les décisions politiques viennent diviser le peuple de Dieu qui est dans l’archidiocèse de Kinshasa » a, certes, déclaré d’entrée de jeu Fridolin Ambongo. Mais manifestement sans trop y croire lui-même car ces déclarations à l’emporte-pièce en faveur d’un camp contre un autre ont, de l’avis de tous les observateurs, malmené ce vœu pieux. Les pourfendeurs du prélat estiment que sa rhétorique « oppositionnelle » sans fards sur fond de révisionnisme étaient en plus marquées au coin du sceau de usurpation flagrante de légitimité.
Au micro de Christophe Boisbouvier, mercredi dernier, l’archevêque de Kinshasa n’a pas hésité ainsi à soutenir que la décision du président Kabila de renoncer à un mandat supplémentaire serait le fruit du travail abattu par lui-même et ses collègues évêques en décembre 2016. Un mensonge impossible à avaler par la majorité présidentielle qui fut partie prenante au dialogue conduit par les évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo, lequel s’était soldé par un échec retentissant à la fin du premier semestre 2017. « C’est depuis le début de son quinquennat en 2011 Que Joseph Kabila et sa famille politique martelaient sur tous les tons que la Constitution congolaise (qui exclut toute éventualité de troisième mandat consécutif à la présidence de la République) serait strictement et scrupuleusement respectée. Lors du dialogue avec l’opposition du centre interdiocésain de Kinshasa sous la médiation des évêques, ces derniers avaient plutôt tenté notoirement de substituer à cette loi fondamentale le fameux accord de la Saint Sylvestre », explique au Maximum un participant à ces négociations. Avant de souligner qu’en réalité, Joseph Kabila Kabange n’a jamais eu l’intention de briguer un troisième mandat présidentiel consécutif et qu’il n’a eu de cesse tout au long de son deuxième mandat de clamer son intention de respecter et faire respecter la constitution. « Ce ne sont certainement pas les évêques qui lui en ont soufflé l’idée, et Mgr Ambongo ne dit pas la vérité lorsqu’il prétend que leur intervention y a été pour quelque chose ».
Des marches qui ont tué sans rien améliorer
Tout comme il n’est pas vrai non plus que les marches organisées à l’instigation du très belliqueux Cardinal Monsengwo, prédécesseur de Mgr. Ambongo à la tête de l’archevêché catholique de Kinshasa l’église fin décembre et début janvier derniers aient contribué en quoi que ce soit à l’évolution ultérieure de la situation politique en RD Congo. C’est connu maintenant, et dans le camp présidentiel, on ne met pas des gants pour le dire, les organisateurs de ces manifestations politiques ne visaient rien moins que le renversement « révolutionnaires » des institutions établies en vue d’instaurer une nouvelle période de transition politique que la Constitution, qu’Ambongo invoque par ailleurs dans une lecture assez confuse des événements pour expliquer une situation dont il s’attribue en même temps la paternité, ne prévoit nulle part.
C’est l’échec de ses tentatives d’insurrection généralisée qui a permis de poursuivre le processus électoral, conformément à la constitution, et non l’inverse. La médiation des évêques de l’Eglise catholique romaine rd congolaise sollicitée ‘expressis verbis’ par le président Kabila avait, à cet égard été carrément dévoyée par la haute hiérarchie de celle-ci pour se consacrer à une nouvelle – et très maladroite – tentative de mise à l’écart du chef de l’Etat avant l’installation de la nouvelle institution correspondante issue des élections comme l’exige la constitution.
C’est le même objectif que les organisations de manifestations politico-chrétiennes parties de toutes parts vers nulle part en même temps poursuivirent par la suite avec la bénédiction des calottes sacrées dans la capitale.
Il appert de plus en plus clairement aujourd’hui, selon ces analyses que, contrairement aux affirmations péremptoires de l’archevêque métropolitain de Kinshasa dans son entretien avec RFI, les victimes de ces manifestations sont bel et bien mortes pour rien, parce que Joseph Kabila n’a pas quitté le pouvoir avant les élections prévues en décembre prochain, malgré l’activisme politique des évêques de la CENCO pour contrarier la tenue desdites élections et imposer une « trasition sans Kabila » que Mgr. Ambongo avait eu le toupet de qualifier de « Plan B » comme si il avait le droit de vie et de mort sur les institutions politiques au pays de Lumumba…
Sur cette question électorale, justement, Mgr Fridolin Ambongo, comme son prédécesseur à la tête de l’archidiocèse de Kinshasa, le Cardinal Monsengwo, trahit un parti-pris contre-productif caractéristique chez une partie des princes de l’église catholique romaine en place à Kinshasa, résolument hostile au « pouvoir politique issu de l’Est de la RD Congo », ainsi que cela se dit tout bas. Les déclarations du nouvel archevêque kinois, qui passe par pertes et profits les crimes pour lesquels Jean-Pierre Bemba (dont on dit qu’il est le cousin germain) a été poursuivi et condamné par la Cour pénale internationale, sont très loin d’honorer le pasteur qu’il est. « On ne comprend pas par quelle alchimie cléricale un évêque en vient à estimer que la subornation de témoins est un délit mineur non assimilable à la corruption », se plaint ce fidèle catholique, professeur de droit dans une des universités congolaises. L’archevêque, qui revendiquait il y a encore quelques mois un passé d’« étudiant révolutionnaire » (sic !) semble n’avoir rien perdu de son activisme extrémiste d’alors. C’est sans sourciller ni s’embarrasser d’arguties juridiques qu’il a qualifié l’invalidation par la Cour constitutionnelle de la RDC des candidatures de Jean-Pierre Bemba et Adolphe Muzito de « décision politique », au micro de RFI.
Desseins putschistes mal dissimulés
Mgr Fridolin Ambongo a également maladroitement dissimulé les projets putschistes qu’une partie de l’opinion attribue à certains princes de l’Eglise catholique en proposant un mode ‘sui generis’ de vote de prédilection pour la présidentielle sans se référer à quelque disposition constitutionnelle ou légale que ce soit à la base de sa proposition. « Par exemple pour l’élection présidentielle comme il n’y a pas trop de candidats, on pourrait utiliser le papier et pour les autres élections on pourrait utiliser la machine ! Là il y a trop de candidats ! Ça, ça pourrait être une solution intermédiaire, mais faudrait-il encore qu’il y ait la volonté politique », a-t-il asséné, pince sans rire, au micro de Christophe Boisbouvier. Attestant ainsi que pour lui et certains de ces pairs, c’est la présidentielle qui pose problème et non pas les autres scrutins électoraux. « En réalité, le dialogue, les manifestations politiques, les démarches diplomatiques, les élections … tout cela ne vise qu’un seul objectif chez ces évêques : faire disparaître Joseph Kabila et son projet de société souverainiste », analyse ce membre du gouvernement dégoûté par tant de sans-gêne de la part d’un membre si haut placé du clergé catholique qui s’est confié à nos rédactions.
Ce n’est pas la meilleure façon de pacifier les cœurs.
J.N.