En prétextant marcher contre la machine à voter et la présence d’électeurs sans empreintes digitales sur les listes électorales, vendredi 26 octobre 2018, l’opposition politique rd congolaise aura irrémédiablement compromis son unité tant rêvée, en révélant à ceux qui y croyaient encore qu’en réalité c’est « chacun pour soi Dieu pour tous » parmi ses leaders. L’extraordinaire ruée sur les brancards orchestrée contre l’UDPS/T et Félix Tshilombo dans les réseaux sociaux et dans la presse a livré ses premiers résultats lorsqu’arrivés à la hauteur du siège du parti tshisekediste, les manifestants se sont mis à vociférer des anathèmes contre un parti politique de l’opposition et son leader. Ce ne fut pas la meilleure façon d’exhorter à l’unité des forces hostiles au pouvoir en place, loin s’en faut. Mais ce fut une éclatante manifestation d’une réalité que nul ici n’ose avouer en public, pour ne pas s’aliéner l’électorat opposant aux scrutins de décembre prochain. Il s’agit, chez les leaders politiques de l’opposition et les candidats à la prochaine présidentielle de faire bonne figure et figure de rassembleur le plus longtemps. Ça peut rapporter quelques votes supplémentaires utiles au décompte final.
Réactions sur fonds d’égoïsme
Les réactions enregistrées à l’issue de la marche du 26 octobre 2018 dissimulent de plus en plus mal divisions et oppositions d’intérêts qui minent les rangs des adversaires de Joseph Kabila et de sa famille politique. « Félicitations à tous les Congolais pour cette immense mobilisation. Vous avez été au RDV & avez montré au monde votre engagement ! La lutte continue jusqu’à ce que Kabila abandonne cette machine illégale & revoit le fichier corrompu ! La RDC doit vivre des vraies élections ! ». C’est le message du dernier gouverneur du Katanga, l’Italo-Zambien Moïse Katumbi Chapwe, dont chacun sait qu’il ne veut nullement d’élections en 2018, avec ou sans la machine à voter. Parce qu’il n’a pas été autorisé à postuler à la prochaine présidentielle. A l’évidence, le chairman du TP Mazembe ment comme un arracheur de dents dans ce message posté vendredi dernier peu avant midi sur son compte twitter. Parce que la mobilisation du jour n’avait rien d’immense en l’absence remarquée de l’UDPS/T ; et aussi, que la lutte encouragée ne vise pas les élections de décembre 2018 mais des scrutins à tenir après l’instauration d’une nouvelle période de transition qui lui aurait permis de faire réviser la constitution pour lui permettre de devenir éligible. Les encouragements de Moïse Katumbi sont donc contraires, voire, hostiles, à l’UDPS/T de Félix Tshilombo Tshisekedi qui sont décidés à aller aux urnes avec ou sans la machine à voter, « pour placer le pouvoir kabiliste le dos au mur » au cas les élections ne seraient pas organisées à la date prévue, assure-t-on du côté de la 10ème rue Limete à Kinshasa. C’en est néanmoins bel et bien fini de l’idylle qui donna naissance au Rassemblement des Forces Politiques et Sociales acquises au changement dans la banlieue bruxelloise de Genval il y a quelques années à l’instigation des néolibéraux belges de Didier Reynders. Lorsqu’il était question de faire partir Joseph Kabila du pouvoir même avant les élections, par dialogues politiques interposés ou par des pressions populaires du genre « printemps arabes ». Les voies qui mènent vers l’accession au pouvoir d’Etat par un coup de force et par des voies électorales se sont irrémédiablement séparées et s’opposent, radicalement.
L’essentiel oublié : le candidat commun
« Félicitations à tous ceux qui ont marché avec entrain et détermination pour la destinée de la RDC. La mobilisation à travers toute la RDC été massive. Saluons le comportement responsable de la police qui a fait preuve de circonspection », a pour sa part déclaré le MLC Jean-Pierre Bemba le même vendredi 26 octobre à partir de l’Europe où il séjourne. Sa candidature à l’élection présidentielle ayant été fort logiquement retoquée par la CENI et la Cour constitutionnelle pour à la suite de l’«oubli » par ses mentors auteurs du déni de justice historique que fut son acquittement par une justice internationale décriée d’une condamnation « marginale » à 12 mois pour subornation (corruption) de témoins, l’ancien pensionnaire des geôles de la CPI se félicite, lui aussi, d’une mobilisation qui ne fut pas à la hauteur des espérances. Et qui dissimule le problème essentiel à résoudre d’ici la présidentielle : la candidature unique de l’opposition à faire valoir face au camp honni du président Joseph Kabila. Comme Katumbi, Bemba la renvoie aux calendes grecques. Les deux se sont font rappeler à l’ordre par Félix Tshilombo Tshisekedi.
Dans un message de félicitation à ses collègues, « Bravo aux amis de l’opposition pour les marches organisés ce jour dans plusieurs villes du pays. Je rappelle par la même occasion, le devoir de relever ensemble les défis de la candidature commune, du fichier corrompu et de la machine à voter. Restons unis pour le Congo », lit-on sur un posting effectué dès 11 h00 vendredi dernier, quelques heures avant la fin de la marche opposante à Kinshasa. Qui sonne comme un reproche : pour les élections de décembre, la question de la candidature unique est aussi importante que les revendications sur la machine à voter, semble vouloir dire l’héritier d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba. La tendance semble consister à repousser continuellement l’examen de la candidature unique de l’opposition autant que les élections elles-mêmes. On ne l’entend de la même oreille à l’UDPS/T.
La messe est dite sur le rêve d’une opposition unie : c’est une messe de requiem.
J.N.