Ils s’y sont tous mis, bon gré mal gré, les leaders de l’opposition politique rd congolaise, pour mobiliser contre la machine à voter, mais aussi contre de bien imaginaires « enrôlés fictifs ». Mais les kinois, qui s’étaient massivement enrôlés en juillet 2018, ne s’y sont pas trompés, apparemment. Au « meeting gigantesque » annoncé à grands renforts de publicité depuis plusieurs semaines, aux abords d’une partie du boulevard triomphal en face du Stade des Martyrs à Kinshasa, peu se sont rendus. Et ceux qui ont effectué le déplacement du terre-plein en face de l’antre du football de la capitale rd congolaise se sont fait prier et attendre.
Selon le programme tenant lieu d’invitation à participer, la manifestation était prévue à 10 heures, samedi 29 septembre 2018. Mais à cette heure de la journée, force fut de constater que si la mise en place était fin prête, militants et combattants se comptaient encore sur les bouts des doigts. Deux heures plus tard, sur le lieu du rendez-vous flottaient plus de drapeaux des différents partis et regroupements politiques de l’opposition que de manifestants. Pourtant, tout était voulu en grand, très grand. Au bas de l’immense tribune réservée aux patrons de l’opposition politique gesticulent, vêtus de T-Shirt blancs, les membres du comité de sécurité. Dans un coin, bien en vue, du terre-plein au bord du boulevard triomphal se détachait un énorme portrait de Moïse Katumbi Chapwe, l’Italo-Zambien éconduit à la candidature pour la prochaine élection présidentielle par la Cour Constitutionnelle dont l’absence est omniprésente ici.
La bagarre des effigies
On peut aussi apercevoir, non loin de la tribune, une effigie collective représentant tous les autres leaders des partis politiques de l’opposition. L’UDPS/Limete, Félix Tshilombo Tshisekedi, a droit lui aussi à une effigie singletonne. Elle est mobile, parce que portée par de chauds partisans. Adolphe Muzito, le candidat à la présidentielle du Nouvel Elan, invalidé pour conflit d’intérêts avec le PALU, son parti dont il avait « oublié » de laisser le mandat à l’Assemblée nationale, s’est fait précéder par un groupe folklorique … Pende. C’est la tribu kwiloise à laquelle ils appartiennent, lui et le patriarche Antoine Gizenga, fondateur du Parti également candidat (invalidé pour des raisons administratives) à la même présidentielle. Le groupe de moins de 10 personnes arbore des T-shirt blancs à l’effigie de l’ancien Palu et égaille l’assistance par des danses du cru.
Mais la mobilisation s’annonce mauvaise. Il faut agir. On doit sûrement à l’UDPS/Limete la manœuvre improvisée de mobilisation supplémentaire par motocyclistes (weewa) interposés. Par dizaines, klaxonnant et parcourant avenues et quartiers alentours des communes de Kasavubu, Kinshasa et Lingwala, ils tentent d’attirer davantage de monde. Mais sans beaucoup de succès : vaquant à leurs occupations de survie quotidienne, les kinois ont dédaignent la « distraction ».
C’est seulement à 15 heures passées de quelques minutes, que les speechs des leaders introduits par le G7 Bertrand Ewanga Is’Ewanga peuvent commencer. Absents, le G7 Moïse Katumbi et le MLC Jean-Pierre Bemba s’adresseront aux combattants par télécommunications. Le dernier gouverneur de l’ex Katanga appelle les populations à chasser les tenants du pouvoir aux élections de décembre prochain. Et menace ceux de leaders politiques de l’opposition qui se hasarderont à trahir. « L’unité apparente des opposants n’est donc pas si certaine », notent ainsi les observateurs. Avant de se rassurer quelque peu, parce que lorsqu’il intervient, Jean-Pierre Bemba évite de menacer de foudres qui que ce soit. Je me réjouis de l’unité de tous les opposants. Cela fait longtemps que cela n’était pas arrivé, rassure-t-il. Avant de s’en prendre à la machine à voter et aux enrôlés dits fictifs, et de mettre en garde contre le coup que fomenterait les tenants du pouvoir à travers l’organisation des élections de décembre 2018.
Appels au rejet de la machine à voter
Parmi les leaders de l’opposition présents à Kinshasa, c’est Martin Fayulu qui monte le premier au créneau. « Nous voulons des élections, mais pas avec la machine à voter, ni avec les 10 millions d’électeurs fictifs », lance-t-il. Ajoutant que « nous cherchons une alternative crédible, et il nous faut quelqu’un qui peut changer les choses dans ce pays, et cette personne se trouve dans l’opposition ». Le message semble passer, juste le temps que l’UNC Kamerhe s’annonce. Le président de l’UNC est accueilli aux cris de Toboyi trahison (Nous ne voulons pas de trahison) scandés par la foule qui ne semble pas avoir oublié les propos tenus récemment par son prédécesseur à la tribune à son sujet. Mais, bon tribun, VK ressasse les refrains en vogue parmi les opposants sur la machine à voter, les électeurs dits fictifs et l’insécurité à l’Est, qu’il rend dans les 4 langues nationales. L’astuce réussit à 100 %. La fin de son speech est saluée aux cris de Tolimbisi yo (Nous te pardonnons).
Viennent les tours du SYENCO Freddy Matungulu et du Nouvel Elan Adolphe Muzito. Le premier fustige le discours souverainiste de Joseph Kabila et exige l’acceptation du soutien de la communauté internationale dans le processus électoral. Le second appelle les combattants à accepter le candidat commun de l’opposition qui sera désigné sur la base d’un programme commun, que ce soit Fatshi, Kamerhe, Fayulu ou Matungulu.
Le clou de la manifestation, c’est Félix Tshilombo, dont les combattants sont assurément les plus nombreux ce samedi 29 septembre sur le boulevard triomphal. Il est accueilli aux cris de Ye waana ! (c’est lui !) scandés par la quasi-totalité de l’assistance. « L’opposition a pris l’engagement d’être unie et de ne jamais vous trahir. Celui qui le fera, vous devez le sanctionner », dit-il. Avant de caresser les combattants des différents partis politiques dans le sens du poil en rendant hommage à ceux qu’il présente comme des prisonniers politiques et d’opinion. « Ils sont victimes de la barbarie de Kabila. Nous ne les oublions pas », lance-t-il à l’assistance. Qui le prend au mot et l’invite à rendre hommages aux Ujanas, ces filles mineures dont la prostitution défraie la chronique à Kinshasa. Et flop, ç’est la bourde. « Elles sont aussi victimes de la dictature », répète Fatshi à la suite des badauds qui lui font face.
Fatshi livre son show
Le meeting prend fin après l’intervention de Félix Tshilombo Tshisekedi. Mais en tout et pour tout, les leaders des partis politiques de l’opposition n’auront réussi à mobiliser que 5000 partisans, selon un communiqué de la police signé du Général Sylvano Kasongo, le Commandant de la Ville-province de Kinshasa. “Le Commissaire provincial félicite les éléments commis à cette activité politique pour le professionnalisme dont ils ont fait montre dans l’encadrement de plus ou moins cinq mille militants venus répondre à l’invitation des partis politiques”, lit-on dans ce communiqué publié le 30 septembre 2018. Estimation plus que vraisemblable, compte tenu de la capacité d’accueil du Stade des Martyrs situé en face du lieu de rassemblement de samedi dernier. La plus grande installation sportive du pays est crédite de quelque 60.000 places : « l’affluence place triomphal ne représentait pas plus du contenu d’une tribune du stade des Martyrs », commente un confrère sportif au Maximum.
J.N.