Ce n’est plus un secret. Les néo-libéraux au pouvoir à Bruxelles jouent un va-tout désespéré pour revenir dans l’ex Léopoldville, la capitale de l’ancienne colonie belge dont ils ne semblent pas avoir digéré près de 60 ans après l’accession à la souveraineté en 1960. Leur objectif est de mettre en œuvre des actions susceptibles de barrer la route à toute idée de réelle auto-détermination du peuple de cet immense pays au centre du continent africain. Didier Reynders, le chef de la diplomatie belge et ses amis semblent pour cela avoir résolu de stopper le processus électoral qui doit aboutir, en décembre prochain, au troisième cycle des élections démocratiques organisées sous l’ère Kabila, lesquelles présentent à leurs yeux l’inconvénient de conforter les réflexes souverainistes des anciens colonisés.
Au cours d’un périple sur le continent, la semaine dernière, Reynders, a fait le tour de quelques capitales de pays africains voisins de la RDC susceptibles de jouer un rôle dans ce véritable complot contre la souveraineté de son ancienne colonie. Pretoria, Luanda, et Brazzaville ont tour à tour reçu le patron de la diplomatie belge pour évoquer l’évolution de la situation politique à Kinshasa. Sous prétexte de préoccupations sécuritaires pour la région de l’Afrique centrale, le semblant de volonté d’autodétermination et d’indépendance des nouveaux dirigeants du continent affiché depuis quelques années a fondu comme beurre au soleil. En Afrique du Sud, comme en Angola et à Brazzaville, les chefs d’Etat africains ont récité à l’unisson la nécessité d’interférer dans le processus électoral en cours à Kinshasa.
Bruxelles réactive ses réseaux de déstabilisation
A Lusaka en Zambie, où le plénipotentiaire belge n’a pu se rendre, les relais occidentaux des périodes de la traite esclavagiste et de la colonisation ont fait l’affaire : la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), ceux que l’on appelle les princes de l’église catholique donc, ont été vanter les mêmes préoccupations extra-congolaises.
En RD Congo, peu ont perdu la mémoire et se souviennent, non sans effroi, que pour « dégager » leur ancien ami en RD Congo, le dictateur Mobutu Sese Seko, les agresseurs de l’ancien Zaïre en été 1996 avait négocié – et obtenu – l’appui militaire de certaines de ces capitales africaines dans ce qui deviendra deux ans plus tard la « première guerre mondiale africaine ». Selon les chiffres rendus publics par les experts onusiens, au moins 5 millions de rd congolais ont succombé directement ou indirectement aux affres de cette guerre ainsi imposée au pays de Lumumba par une coalition d’Etats voisins. A Kinshasa où les gesticulations de Bruxelles sont prises très au sérieux, le gouvernement a publié jeudi 13 septembre 2018 un communiqué de vive protestation qui assure de sa détermination à poursuivre en toute souveraineté son processus électoral.
En réalité, Bruxelles ne fait que réactiver ses vieux réseaux de déstabilisation de son ancienne colonie, lesquels n’avaient jamais été totalement abandonnés, à l’exception de Bujumbura au Burundi où l’accession au pouvoir du président Pierre Nkurunziza est venue perturber les calculs stratégiques occidentaux dans la région. Kigali, Kampala, Luanda et Lusaka ayant continué à jouer chacun selon ses intérêts du moment et ses humeurs, un rôle de déstabilisation de leur immense voisin dans l’objectif évident de l’empêcher de renaître de l’abîme dans lequel l’avaient enfoncé les stratèges occidentaux. Même si 22 ans après l’agression et la tentative de balkanisation du pays qui l’a suivie à la fin de la décennie ’90, les réalités ne sont plus les mêmes, et la mentalité et l’extraordinaire résilience de populations se sont plutôt fortifiées à l’épreuve de tant de souffrances injustes.
Plat de résistance Belge
Souffrances injustes et cyniques, c’est manifestement le plat de résistance du nouveau complot belge (et sans doute Occidental) contre la République Démocratique du Congo. La même semaine du 10 au 16 septembre 2018, sans se gêner le moins du monde, Bruxelles a convoqué une brochette d’acteurs politiques de l’opposition pour essayer de leur imposer de se choisir un candidat unique contre le candidat désigné par la famille politique du président de la République sortant, Joseph Kabila. Mais dans la capitale belge et de l’Union Européenne, les opposants rd congolais se sont vus assigner d’autres objectifs. Moïse Katumbi Chapwe, Jean-Pierre Bemba Gombo, Adolphe Muzito, Antipas Mbusa Nyamuisi, Vital Kamerhe et Félix Tshilombo Tshisekedi ont été instruits de taire leurs ambitions pour la présidentielle. Et d’exiger… le report des élections en vue de nouvelles négociations et de l’instauration d’une nouvelle période de transition. La formule avait déjà été expérimentée avec succès lors dialogue inter-congolais de Sun City en Afrique du Sud, lorsque Joseph Kabila avait consenti à codiriger la RD Congo avec d’anciens chefs de guerres par procuration soutenues par Kigali et Kampala, entre autres. C’est un remake que ‘Bwana Didier’ tente d’imposer aux opposants rd congolais depuis la semaine dernière à Bruxelles.
On prend les mêmes et on recommence
Ce qui choque certaines consciences en RD Congo, où les esprits sont à l’évidence plus éveillés qu’il y a 58 ans lorsque le pays accédait à l’indépendance, c’est ce cynisme belge à nul autre égal dans la tentative de reconquête d’une ancienne colonie. Les néo-libéraux et les milieux affairistes dans ce pays européen qui semble n’envisager le rapport au monde de leur Etat qu’à travers son contrôle total sur le Congo et ses ressources ne se voilent même plus la face en recourant à des acteurs politiques locaux inconséquents pour phagocyter le processus qui doit mener aux élections dans l’ex propriété du Roi Léopold II. Katumbi, Bemba, Muzito et Mbusa sont, en effet, tout ce qu’on veut sauf des enfants de chœur. C’est le cas notamment de l’ancien chef rebelle récemment et « miraculeusement » relaxé des geôles de la Cour Pénale Internationale aux Pays-Bas, les trois autres mousquetaires qui ont les faveurs belges auraient mérité un séjour durable derrière les barreaux en raisons d’énormes casseroles attachées à leurs pieds.
De Moïse Katumbi Chapwe, le dernier gouverneur de la province minière du Katanga, tout le monde sait qu’il ne s’est vertigineusement enrichi que grâce à un activisme criminel véritablement mafieux. Les premiers à s’alarmer de la facilité avec laquelle l’ex homme fort du Katanga accumulait les richesses personnelles avaient pourtant été les Occidentaux eux-mêmes, dont la presse ne put dissimuler les énormes gains engrangés par ce fils d’un Italien et d’une Zambienne en revendant sur les places boursières internationales des parts minières acquises dans les entreprises rd congolaises au Katanga. Des parts acquises par des méthodes à la limite du licite, frisant le banditisme économique, selon les lettres de dénonciations d’un avocat lushois, Jean-Claude Muyambo, qui assurait la défense de ses intérêts à l’époque des faits. Ce ne fut pas tout. Tout le Katanga sait que lorsqu’il décrétait l’interdiction d’exportation de minerais bruts de la RD Congo par la voie ferrée, Katumbi s’assurait en réalité le monopole de cette exportation grâce à des centaines de camions poids lourd de transport de minerais lui appartenant, les seuls qui bénéficiaient d’un sauf-conduit dans les postes douaniers et frontaliers de la riche province cuprifère. Ce sont des millions de tonnes de minerais de cuivre, de cobalt de zinc et même d’uranium, que Katumbi a pu ainsi exporter au nez et à la barbe des services officiels pour son compte personnel durant des années, selon une opinion largement partagée au Katanga. Le gouverneur-opérateur minier s’était manifestement constitué grâce à sa fortune ainsi acquise un cercle de puissants complices et amis dans les milieux des affaires, qui ont cru, sans doute à tort, qu’il ferait un bon représentant de leurs intérêts à la tête du pays. C’était compter sans les rigueurs de la constitution congolaise qui exclu de la fonction présidentielle tout détenteur d’une nationalité autre que congolaise d’origine.
Bemba, le repris de justice est un sacré client
Pour sa part, retoqué par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), puis par la Cour constitutionnelle pour subornation de témoins dans le procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui l’a opposé à la Procureur Générale près la CPI à la Haye, Jean-Pierre bemba, sur qui les néo-libéraux belges semblent avoir reporté leur choix après l’échec de la carte Katumbi à la tête d’une opposition de pacotille en RD Congo, n’a pas meilleure mine. Loin s’en faut. Ses mentors en Belgique et en Occident auraient eu quelques scrupules qu’ils se seraient bien gardés de réchauffer le dossier d’un chef de guerre poursuivi pour des infractions aussi graves que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Même si après l’avoir enfermé derrière les barreaux de la prison de Scheveningen durant 10 ans, il s’était trouvé trois juges sur cinq de l’instance judiciaire internationale à pour rendre possible ce schéma du désespoir. A la CPI, l’ancien chef de guerre rd congolais fut poursuivi pour les crimes commis par ses troupes en Centrafrique en 2002 et 2003. Mais dans la même période, en RD Congo, les troupes bembistes défrayèrent la chronique dans une affaire d’exactions particulièrement odieuses contre des populations pygmées à Mambassa dans la province de l’Ituri, autant que de nombreux crimes de pillages et viols un peu partout par où elles étaient passées.
A l’évidence, les préoccupations qui président au choix de clients belges pour diriger par procuration le Congo-Kinshasa ont peu à voir avec le bien-être des populations « indigènes ».
Par ailleurs, vice-président de la République chargé de l’économie et des finances sous le régime dit du 1 + 4, l’ancien bagnard de Scheveningen n’est rien d’autre que celui à qui la RD Congo doit la promulgation du scandaleux Code minier de 2002 qui fit la part excessivement belle aux multinationales occidentales, au détriment du Trésor congolais. Dont les redevances minières furent strictement limitées dans une fourchette de 1 à 2,5 %. Il y a de quoi faire l’impasse des crimes les plus odieux, qui n’ont d’égal que ceux commis par les Belges eux-mêmes, ou encore par leurs préposés aux crimes rwandais et ougandais.
Le crime n’ayant pas été parfait, les comploteurs avaient oublié, dans leur empressement une condamnation « auxiliaire », mais à titre définitif, de leur nouveau cheval de Troie pour subornation (corruption) de témoins, ce qui le rendait inéligible aux termes de la loi électorale en vigueur en RDC. Et de deux…
Muzito, la Belgique le tient à la barbe
L’ancien 1er ministre PALU (Parti Lumumbiste Unifié), dont le dossier de candidature à la présidentielle a également été retoqué par la CENI et la Cour constitutionnelle début septembre, a lui aussi été prestement récupéré par les faiseurs de rois de Bruxelles et associé à leur croisade anti-électorale. L’homme est pourtant loin d’être un saint, aussi bien pour ses anciens camarades du parti en RD Congo, qui estiment notamment qu’il a profité des avantages matériels et financiers indûment acquis grâce au PALU pour s’acoquiner avec d’anciens mobutistes, ces adversaires jurés des lumumbistes. En Belgique, les Muzito, Monsieur et Madame, ne sont par ailleurs pas inconnus des services judiciaires qui sollicitèrent naguère de la RD Congo une entraide judiciaire leur permettant d’entendre le 1er ministre PALU sur procès-verbal en février 2016. La justice belge soupçonnait en effet Mme Chantal Muzito d’avoir perçu un acompte évalué à 20.000 sur 500.000 Euros à verser d’un homme politique et d’affaires Belge, Serge Kubla, placé sous mandat d’arrêt depuis un an dans le cadre d’un dossier de « corruption concernant une personne qui exerce une fonction publique dans un Etat étranger ». C’était une commission pour faciliter des investissements du Groupe Duferco qui convoitait la sidérurgie de Maluku en périphérie de Kinshasa ainsi que des actions de l’Etat rd congolais (60 %) dans la Société Nationale de Loterie (Sonal). Seulement, Serge Kubla était non seulement rémunéré par Duferco mais il entretient en plus l’un ou l’autre compte bancaire d’où il retirait du cash en Suisse et à Malte à l’insu du fisc de son pays. Ici, les montants des transactions étaient plus importantes et attiraient l’attention des juges belges : la Socagexi Ltd, une société écran créée à Malte par Serge Kubla facturait les services rendus par l’homme d’affaires belge à Duferco au titre de ‘frais de consultance’. Ce sont bien quelque 260.000 Euros/an qui furent ainsi casqués depuis 2009. Entre 2010 et 2013, M. Kubla avait retiré 450.000 Euros en cash des guichets d’une banque au Grand-Duché de Luxembourg, confortant ainsi les soupçons de blanchiment d’argent qui entraîneront son incarcération début 2015 à la prison de St Gilles en Belgique. L’homme politique Wallon (MR) a, depuis, démissionné de ses fonctions de bourgmestre élu en raison de ce scandale. Mais les autorités belges ont fait semblant d’« oublier » l’implication d’Adolphe Muzito dans ses frasques. Tout au moins pour cette affaire de blanchiment d’argent relancée en 2017 et manifestement encore en cours en Belgique. Où on sait par quel bout faire pression et plier l’ancien premier ministre congolais.
Antipas Mbusa, le parrain des égorgeurs de Beni
Même s’il n’a pas formellement déposé sa candidature à la présidentielle 2018, l’autre chef-rebelle du lot d’acteurs politiques de l’opposition réunis à Bruxelles la semaine dernière, Antipas Mbusa Nyamuisi, aurait lui aussi mérité les attentions de la justice internationale. L’ancien patron de l’Armée Libération du Congo (ALC), la branche armée du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Kisangani-Mouvement de Libération (RCD-K-ML) est pointé du doigt par plusieurs observateurs, qui le soupçonnent d’être derrière l’insécurité et les tueries qui continuent d’endeuiller aujourd’hui encore la région de Beni-Butembo dans la province du Nord-Kivu, jadis sous le contrôle de la rébellion pro-ougandaise qu’il a dirigée jusqu’à en 2003. Plus que ces soupçons qui attendent de prendre corps, en 2014, un rapport onusien sur la violation de l’embargo d’armes à destination de la Rd Congo révélait l’implication de Mbusa, qui manipule notoirement des groupuscules mai-mai depuis ces années rebelles, dans les problèmes sécuritaires au Nord-Kivu. Le rapport cite nommément le chef maï-maï Bana Sultani Selly alais « Kava wa Selly », qui s’est allié aux rebelles du M23 avec le soutien de Mbusa Nyamwisi. Des officiers des forces armées congolaises et des dirigeants locaux, le commandant Hilaire Kombi, qui a déserté des forces armées congolaises en juin 2012, a récupéré des dizaines d’armes chez Nyamwisi, à Beni, avant de rejoindre Selly dans la vallée du Semiliki. Plusieurs semaines plus tard, le lieutenant-colonel Jacques Nyoro Tahanga a rejoint les rangs de la FOLC sur instructions de Nyamwisi, afin d’en assumer la direction politique. Mbusa Nyamwisi a également recruté quelques politiciens de l’ethnie Nande pour le compte à la fois de la FOLC et du M23. Le 3 août 2012, une petite unité de la FOLC a attaqué sans succès la ville frontière de Kasindi, espérant y récupérer des armes. Nyamwisi s’est rendu à plusieurs reprises à Kigali pour y rencontrer des responsables rwandais et a désigné un agent de liaison à Gisenyi, Andy Patandjila, écrivent les rapporteurs onusiens. Selon qui tant Hilaire Kombi que Jacques Nyoro Tahanga communiquaient régulièrement avec Sultani Makenga, l’un des dirigeants les plus sanguinaires du tristement célèbre M23. C’est depuis la publication de ce rapport onusien que Mbusa Nyamwisi s’est exilé à l’étranger, craignant d’être arrêté et transféré à la CPI.
Les trois candidats exclus de la présidentielle rd congolaise du 23 décembre 2018 et Antipas Mbusa Nyamwisi, qui a toujours clamé sa préférence pour une solution militaire pour déguerpir Joseph Kabila, est donc loin d’être des enfants de chœur. Face à eux, les Vital Kamerhe et Félix Tshilombo Tshisekedi, encore en course en RD Congo, n’ont pas fait le poids aux yeux des tireurs de ficelles à Bruxelles. Pas plus que Martin Fayulu qui s’est joint aux « concertateurs de Bruxelles » pour appeler à un meeting commun de l’opposition le 29 septembre 2018 à Kinshasa. Sans doute en attendant de voir venir.
J.N.