Entre Bruxelles, la capitale du Royaume de Belgique, l’ancienne (et toujours ?) puissance colonisatrice de l’immense RD Congo, et Kinshasa, ce n’est plus la lune de miel. Loin s’en faut. Les relations diplomatiques entre les deux Etats, qui s’étaient sérieusement envenimées depuis plusieurs mois, marquées notamment par la fermeture de la Maison Schengen dans la capitale rd congolaise et le rappel de l’ambassadeur du Royaume de Belgique à Kinshasa pour des consultations qui se sont éternisées, ne se sont guère améliorées. Kinshasa reproche à Bruxelles ses immixtions dans les affaires intérieures rd congolaises, auxquelles le gouvernement des néo-libéraux en place en Belgique n’entend manifestement pas renoncer.
La semaine du 10 au 15 septembre 2018 aura été caractérisée par une offensive diplomatique à nulle autre pareille, déployée par la Belgique pour interférer dans le processus électoral en RD Congo. Sous prétexte de principes démocratiques discutables, puisqu’ils heurtent de front la souveraineté de l’Etat indépendant qu’était censé être devenu le Congo de Léopold II depuis le 30 juin 1960.
Pour la énième fois durant le second et dernier mandat constitutionnel du président de la République en place jusqu’à son remplacement par le nouveau président de la République élu au terme d’élections fixées au 23 décembre prochain, selon les lois rd congolaises, Bruxelles a convoqué une brochette de leaders politiques de l’opposition, « pour les faire regarder dans la même direction », selon les termes d’un quotidien opposant paraissant à Kinshasa. La direction bruxelloise sur le processus électoral rd congolais, c’est carrément le report des scrutins auxquels ne participent pas ses hommes-liges : le dernier gouverneur de la province minière du Katanga, Moïse Katumbi ; et l’ancien chef de guerre miraculeusement relaxé par la CPI en juin dernier, Jean-Pierre Bemba. A la désignation d’un candidat unique de l’opposition à la prochaine présidentielle, les leaders radicaux ont préféré subordonner les scrutins de décembre à des conditionnalités utopiques qui renvoient subtilement à de nouvelles négociations entre acteurs politiques.
La même semaine, le vice-premier ministre et ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, s’est lancé dans un croisade africaine pour rallier les Chef d’Etats du continent à une stratégie de pressions, voire, d’intervention militaire pour contraindre Kinshasa à ne pas tenir ses élections sans le soutien et l’intervention étrangère. A Luanda en Angola, à Brazzaville au Congo situé de l’autre côté du fleuve du même nom, le patron de la diplomatie de l’ancienne métropole de la RD Congo a obtenu des anciennes colonies portugaise et française des discussions sur la situation politique dans un pays présumé indépendant, assortie de propositions d’immixtion en règle.
Volant au secours des anciens colonisateurs, un groupe d’évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) s’est offert un voyage aux frais … de sa Majesté le Roi et du contribuable belge, sans doute, en se rendant à Lusaka en Zambie, une autre capitale riveraine de l’immense RD Congo. L’objet du voyage clérical fut le même que celui du ministère belge des Affaires étrangères : convier le Chef de l’Etat Zambien à interférer dans le processus électoral rd congolais. Sous prétexte qu’il serait susceptible de plonger la sous-région africaine dans l’insécurité plus ne l’ont fait les processus électoraux au Congo-Brazzaville et au Rwanda, deux autres pays voisins de RD Congo.
Bruxelles s’est donc résolument lancé dans une diplomatie pour subordonner la vie politique intérieure de son ancienne colonie aux questions sécuritaires sous régionales. Et Kinshasa a, plutôt fermement, réagi. Entre les deux capitales, c’est la guerre ouverte, désormais. Ça passe ou ça casse.
Réagissant aux initiatives de la capitale de l’Union Européenne et des Etats du continent qui y prêtent le flanc, la RD Congo a rendu public, le 12 septembre 2018, un communiqué dénonçant le projet de recolonisation d’inspiration belge et s’opposant à toute ingérence extérieure dans le processus électoral en cours. Au terme d’un communiqué signé du patron de la diplomatie rd congolaise, Léonard She Okitundu, « le gouvernement tient à réitérer fermement son refus de toute ingérence en la matière tant de la part des pays voisins que des autres partenaires bilatéraux », lit-on. « Le gouvernement n’acceptera d’autant plus aucune interférence à cet égard que ce qu’on ne se permet pas dans d’autres pays en vertu des obligations découlant du Droit international en général et de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques en particulier, ne saurait a fortiori être toléré en République Démocratique du Congo », écrit le vice-premier ministre et ministre rd congolais des Affaires Etrangères.
La deuxième d’indépendance de la RD Congo est lancée, contre l’ancien colonisateur belge, c’est le point de non-retour, mais aussi contre les capitales africaines insuffisamment affranchies des diktats néocoloniaux : Luanda, Brazzaville ou Kigali. Ça passe ou ça casse.
J.N.