Les dernières évolutions de la situation politique en RD Congo semblent avoir laissé l’Union Européenne plus que pantoise. La désignation du candidat du Front commun pour le Congo (FCC), la méga plateforme politique de Joseph Kabila, a désarmé plus d’un en confirmant les promesses de respect de la constitution de son pays par le plus jeune des chefs d’Etats d’Afrique subsaharienne, pourtant clamé à cor et à cri depuis sa deuxième prise de possession de ses hautes charges au début de son deuxième mandat consécutif. De même, sans doute, que le processus électoral qui poursuit son bonhomme de chemin sans coup férir sans le concours habituel des partenaires occidentaux, conformément à son engagement de mettre cet exercice par excellence de la souveraineté d’un peuple que sont les élections à l’abri des tripatouillages et des interférences étrangères sous prétexte d’appui au processus électoral.
Le calendrier électoral rendu public par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) début novembre 2017 est observé et respecté au petit détail près. Et, ainsi que l’assurait encore le vice-président de la centrale électorale jeudi 30 août 2018, à quatre mois des scrutins combinés du 23 décembre 2018, « le train a quitté la gare, il ne faut pas être distraits ».
Le même jeudi 30 août, l’Union Européenne (UE) est sortie de la torpeur dans laquelle l’avait momentanément plongée la succession, plutôt rapide, des événements en RD Congo. Dans un communiqué rendu public à Bruxelles par Maja Kocijancic, son porte-parole, l’UE a mis à profit la publication des listes provisoires des candidats aux élections générales pour rappeler ses états d’âme. Non pas sur les candidatures aux législatives provinciales et nationales qui traduisent un extraordinaire engouement des Rd Congolais pour ces joutes désormais inéluctables – rien que pour la députation nationale, 15.502 dossiers de candidatures ont été déclarés recevables pour 500 sièges à pourvoir ! – mais pour s’appesantir sur les candidatures à l’élection présidentielle, celle-là même où les européens, plus « maîtres autoproclamés du Congo » que jamais, espèrent coûte que coûte interférer on ne sait sur quelles bases juridiques ou simplement morales !
Les candidats des Occidentaux ?
Mais même pour ces candidatures à la prochaine présidentielle rd congolaise, quelque 25 dossiers ont été déposés à la CENI, qui en a invalidé 6, renvoyant les postulants s’en justifier devant la cour constitutionnelle, conformément aux lois de la République. Ce sont donc ces candidatures provisoirement retoquées qui ont donné à Bruxelles l’occasion de s’immiscer dans les problèmes de politique strictement interne de la RD Congo. Une fois de plus. Pour rappeler que « L’accord politique de la Saint Sylvestre et la résolution 2409 du Conseil de sécurité des Nations Unies appellent à un processus véritablement inclusif qui puisse aboutir à des élections crédibles, transparentes et pacifiques, facteurs indispensables pour arriver à un résultat accepté par toutes les parties et à une stabilisation durable en RDC ».
Les observateurs s’étonnent et notent le peu de cas fait par Bruxelles de la Constitution, la Loi des lois en République Démocratique du Congo, volonté du peuple congolais qui l’avait adopté par referendum en 2006 qui, elle aussi prône l’inclusivité et la crédibilité des élections. Tout autant qu’elle définit les conditions d’éligibilité à remplir par quiconque postule à une fonction publique et permet ainsi la coexistence pacifique et la stabilisation du pays pour en assurer le développement et l’épanouissement autocentré de populations.
Notions fourre-tout, interprétables dans tous les sens
Mais il ne faut pas chercher bien loin pour cerner les préoccupations réelles de donneurs de leçons des capitales occidentales qui n’ont pas arrêté de jouer des pieds et des mains pour interférer lourdement comme ils en avaient pris l’habitude depuis 1960, sur l’évolution politique de la RD Congo dans le but évident de servir leurs propres intérêts économiques et financiers. « L’ouverture de l’espace politique et démocratique, le respect des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales et la mise en œuvre des « mesures de décrispation politique restent nécessaires pour le succès des élections », décrète l’UE qui a ainsi raté une belle occasion de se taire car personne en RDC n’a jamais dit, ou fait, le contraire. Tout comme rien dans l’ordre juridique en vigueur dans ce pays et en Afrique n’érige l’Union européenne en juge du niveau d’ouverture démocratique dans ce pays africain indépendant de la Belgique depuis près de 60 ans, sauf à démontrer qu’avoir été des puissances coloniales confère une sorte de droit de regard et d’interférence des européens sur un pays anciennement colonisé !
Pour l’essentiel, le communiqué du 30 août est réducteur du processus électoral mis en œuvre en RD Congo à des concepts fourre-tout comme « l’ouverture démocratique », le « respect des droits de l’homme », les « mesures de décrispation politique », l’«inclusivité » et la « crédibilité » des opérations électorales, selon l’entendement de Bruxelles. A en juger par ce communiqué, plus de 40 millions d’inscrits sur les listes électorales, quelque 20.000 dossiers de candidatures enregistrés pour les prochains scrutins, ce n’est pas encore de l’ouverture démocratique, ni du respect des libertés, ni encore moins de la décrispation politique. Ce serait le goulag parce que quelques « clients » des belges (six au total) ont été déclarés (provisoirement) non éligibles au regard des normes fixées par la Constitution et les Lois du pays !
Derrière des notions désincarnées, le désaveu du processus
Les notions désincarnées subjectifs et suggestifs auxquels recourt l’UE, cachent en réalité le désaveu et l’appel au sabotage par le boycott du processus électoral qui doit permettre aux populations de la RD Congo d’élire en toute liberté et indépendance leurs dirigeants en décembre prochain. Rien de moins. Certes, « l’UE reste disposée à appuyer le processus électoral en concertation avec les acteurs congolais concernés et continuera de travailler en étroite coopération avec les pays de la région, l’Union Africaine, la SADC et les Nations Unies qui peuvent jouer un rôle essentiel dans le chemin vers les élections », assure le communiqué de Maja Kocijancic. Mais les faits, têtus, démentent ces bonnes intentions. Notamment lorsque Bruxelles croit devoir émettre des observations techniques sur l’organisation des scrutins rd congolais en conseillant la publication des listes électorales (du reste prévue par le calendrier publié par la CENI et annoncée le même jour par Norbert Basengezi, le vice- président de la centrale électorale congolaise) et en recommandant « un consensus » autour de l’utilisation de la machine à voter, un mécanisme de rationalisation des opérations électorales par la réduction du volume du bulletin de vote et l’impression simultanée des procès-verbaux des bureaux de vote initié par la CENI à la demande de la classe politique toutes tendances confondues lors des négociations du centre interdiocésain de Kinshasa en décembre 2016.
Consensus sur la machine à voter, un prétexte pour re-dialoguer
Cette dernière question qui traduit en réalité les phantasmes d’une phalange radicalisée de l’opposition politique autant que la partialité de Bruxelles qui a pris fait et cause pour celle-ci en RD Congo, c’est un prétexte pour tenter de forcer un nouveau report des scrutins qui est soutenu sans fards. A l’occasion de l’élection présidentielle de 2006 (financée par les partenaires étrangers) et de 2011 (partiellement financée par les mêmes partenaires), « on voyait déjà la photo de Joseph Kabila dans les kits bureautiques dans le stylo prévu par la CENI pour le vote », a rappelé jeudi dernier le vice-président de la centrale électorale à la presse, expliquant à quel point la campagne d’intoxication autour de la machine à voter, une ingénierie de la CENI avec un partenaire sud-coréen, manque de crédibilité. On se serait fié aux cris d’orfraie de l’opposition radicale que les deux premières élections démocratiques organisées en RD Congo depuis 1960 ne se seraient jamais tenues. On s’y fierait que les 3ème, prévues en décembre 2018, ne se tiendraient pas. « Avec ces machines à voter, le pays aura gagné en termes d’argent, de temps pour ne pas aller jusqu’en Aout 2019 avec des bulletins pré-imprimés utilisés en 2006 et 2011 qui n’ont pas empêché que les élections soient traitées de catastrophiques. Le problème est donc ailleurs et pas dans le recours à ces machines à voter », a encore expliqué Norbert Basengezi, plaçant ainsi le doigt sur le vrai problème qui se dissimule derrière la question du « consensus » revendiqué sur la machine à voter : l’allongement du temps avant d’aller aux urnes en RD Congo. Le recours à la machine à voter est en fait une réponse technique de la CENI aux requêtes, notamment de l’opposition politique rd congolaise qui, soupçonnant Joseph Kabila de vouloir s’éterniser aux commandes de l’Etat, avait exigé en 2016 l’organisation des scrutins présidentiels, législatifs provinciaux et nationaux en une seule et unique séquence avant la fin de l’année 2018. Revenir aux bulletins de vote pré-imprimés est impossible sans renvoyer la date prévue pour les élections. C’est manifestement ce que se permet l’opposition politique, soutenue curieusement par l’UE. Cela s’appelle vouloir une chose et son contraire.
Jusqu’au moment où nous mettions sous presse, aucune démonstration crédible n’a été faite de ce que derrière la machine à voter se tenait un quelconque « gadget » tricheur, les explications de la CENI n’ayant en fait été démenties par aucune observation technique contraire sérieuse. Les craintes exprimées, notamment par Nikki Halley, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU devant le conseil de sécurité des Nations-Unies il y a quelques semaines, relatives à la « fiabilité » de ces machines ne sont manifestement fondées que sur… les bonnes relations qu’elle entretiendrait avec certaines ONG comme Human Rights Watch qui se prélassent depuis des années dans un anti-kabilisme fanatique à la limite du racisme. Depuis avril 2018, 1.200 machines à voter fonctionnent dans le cadre des tests de sensibilisation des électeurs et aucune n’est tombée en panne en 4 mois d’utilisation, explique la CENI. Devant la presse à Kinshasa, le 30 avril 2018, Norbert Basengezi, a révélé que la Russie a utilisé 22.000 de ces machines sans problème car seulement 30 sur les 22.000 sont tombées en panne. Tout comme l’Irak, qui en a utilisé 62.000, dont seulement 253 étaient tombées en panne. Qui dit mieux ?
Outre Atlantique et à l’UE, on se serait contenté d’élections de façade …
En réalité, de véritables élections en RD Congo, l’UE et ses amis outre-Atlantique n’ont jamais voulu. Comme en 2006, lorsqu’elle ne consentait à financer que la présidentielle et les législatives au détriment des élections provinciales, locales et municipales qui pourtant assurent la démocratisation intégrale la vie publique d’un Etat. « Ce qui intéresse les Occidentaux, c’est une démocratie de façade qui leur permette de préserver leurs intérêts en Afrique », confie au Maximum un diplomate africain en poste à Kinshasa.
En 2011, les mêmes partenaires occidentaux de la RD Congo avaient donné de la voix pour exiger de Joseph Kabila qu’il s’interpose pour que la commission électorale n’organise pas de scrutin. Devant la fin de non- recevoir de cette requête, ils fermèrent le robinet de leur appui à cette dernière, obligeant le gouvernement à sacrifier des dépenses sociales pour parer au plus pressé. Rien n’indique que cette position ait évolué d’un iota, malgré les apparences. Depuis le lancement du processus électoral en cours par la révision du fichier électoral en juillet 2016, la CENI n’a reçu aucun sou de « ses partenaires » au processus électoral. Toutes les sollicitations se sont heurtées à des conditionnalités attentatoires aux lois congolaises et à l’indépendance de la centrale électorale ; les mêmes que celles contenues dans la déclaration de l’UE du 30 août 2018. Alors que même plus d’une centaine de techniciens de la communauté internationale, 132 exactement, collaborent avec ceux de la CENI à la division électorale de la MONUSCO et dans le cadre du PNUD/PACEC, selon les révélations de Norbert Basengezi à la presse.
Il en est donc du fameux consensus à requérir sur la machine à voter que du prétendu soutien de l’UE et des partenaires internationaux au processus électoral en RD Congo : pour l’Europe, pas d’élections sans mise sous subordination extérieure du Congo. Inacceptable.
J.N.