Le Conseil de sécurité des Nations-Unies a tenu, le 27 août 2018, une séance d’information sur ce qu’il a appelé « la situation en République Démocratique du Congo ». Où il ne se passe rien sur le plan sécuritaire. Tout au moins, rien de suffisamment nouveau pour justifier une réunion de même niveau que celles qui sont ou devraient être convoquées sur la situation en Syrie, en Libye … s’étonnent certains dans l’opinion à Kinshasa. A cette occasion, les membres du conseil ont entendu, notamment, les points de vue des Etats-Unis d’Amérique sur … le processus électoral en RD Congo. Quand bien même le pays de Ronald Trump, en proie à des sérieuses inquiétudes relatives aux immixtions russes dans ses dernières élections présidentielles, a entrepris de sanctionner à tout va quiconque fourrerait ses narines dans le processus du choix du 1er citoyen des Etats-Unis d’Amérique.
Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine
Avec un rare aplomb, Nikki Haley, l’ambassadeur américain près les Nations-Unies, s’inquiète des questions électorales dans un pays membre, donc indépendant et souverain (elle le souligne elle-même au passage, du reste). Se demandant comment la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) transportera-t-elle le matériel électoral vers 90.000 bureaux de vote, et s’il y aura suffisamment des machines à voter, et tant d’autres questions techniques qui, même en RD Congo, relèvent de la stricte compétence de la centrale électorale.
En réalité, c’est un plaidoyer pour l’acceptation du soutien logistique de la MONUSCO qu’a développé Nikky Haley lundi dernier au Conseil de sécurité de l’ONU, doublé d’une subtile demande (ou menace) de report des scrutins combinés du 23 décembre 2018, en fait. « Les autorités congolaises devraient permettre à la MONUSCO de fournir un soutien logistique et de transport. La MONUSCO dispose déjà d’actifs que la mission est prête à déployer. Les autorités congolaises devraient également laisser les électeurs utiliser des bulletins de vote en papier; Il s’agit d’une méthode de vote fiable, testée, transparente et facile à utiliser. La RDC peut et doit utiliser les mêmes opérations qu’elle a mises en œuvre avec succès en 2006 et en 2011, notamment avec le soutien des Nations Unies. Les bulletins de vote en papier ont été assez bons pour que le président Kabila soit élu, et ils devraient être suffisamment prudents pour élire son successeur », avance la représentante des Etats-Unis. Exactement comme si elle se prononçait sur les élections sénatoriales dans un des 36 Etats qui composent son pays.
En RD Congo, et sans doute dans de nombreuses capitales du continent où l’interventionnisme américain dans les affaires politiques intérieures qui ne le concernent gène de plus en plus, l’intervention de Nikki Haley au conseil de sécurité a plus que révolté. D’autant plus que s’agissant des problèmes matériels, logistiques et techniques qui entourent l’organisation des élections en RD Congo, l’ambassadrice américaine semble évoluer avec la délicatesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Notamment, lorsqu’elle appelle la CENI à laisser les Congolais utiliser les bulletins de vote en papier. Les préposés de l’administration électorale l’ont dit et répété à maintes reprises : aussi bien le système de vote en papier que le comptage manuel des bulletins de vote restent de mise. Seul change, la qualité du bulletin, qui est imprimé grâce à une machine-imprimante qui remplace le bulletin kilométrique d’antan.
Hymnes de l’incapacité congénitale des Africains
L’intervention de l’Américaine est, comme la plupart de celles qui ont été entendues lundi dernier au siège des Nations-Unies à New York, une véritable insulte à la capacité des Africains en général et des Congolais en particulier, de se sortir par eux-mêmes des difficultés auxquelles ils font face sans intervention ou appui extérieur. C’est l’éternel refrain de l’hymne du nègre incapable. A qui il faut coûte que coûte empêcher de révéler qu’il sait et peut se tirer d’affaire lui-même.
L’intervention d’Anne Gueguen, la représentante permanente adjointe de la France d’Emmanuel Macron aux Nations-Unies, baigne elle aussi dans les mêmes eaux néocolonialistes et françafricaines. Les élections rd congolaises « … sont celles du peuple congolais. La France réaffirme son plein respect de la souveraineté de la RDC, et encourage le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le bon déroulement du processus électoral, et la tenue d’élections libres, inclusives et transparentes, dans le respect du calendrier et de la Constitution », assure-t-elle en liminaire, pourtant. Mais n’en appelle pas moins « … le gouvernement congolais à lever l’interdiction générale de manifester et à libérer au plus vite les prisonniers politiques, conformément aux « mesures de décrispation » prévues par l’Accord de la Saint Sylvestre, brandies quelques minutes plus tôt, il est vrai, par Mgr Uthembi de l’église catholique romaine rd congolaise. A quatre mois des élections que tout le monde a donné l’impression d’appeler de tous ses vœux, il paraît contre-indiqué de vanter la liberté de manifester plutôt que celle, plus fondamentale dans une démocratie, d’élire ses dirigeants. Tout comme, aux yeux de certains analystes, il est de plus en plus superflu d’évoquer des mesures de décrispation qui ne pourront pas, de toute façon, mieux décrisper la situation politique que la sanction des urnes par les 40 millions d’électeurs rd congolais.
Départager par le vote présente l’avantage de régler dans la durée la fameuse décrispation politique. En multipliant les conditionnalités avant d’aller aux urnes, dont l’imposition d’une assistance logistique dont la RD Congo ne veut pas, la communauté internationale semble vouloir subordonner les scrutins de décembre prochain à des exigences externes qui n’ont rien à voir avec les réalités sur le terrain des opérations en RD Congo. C’était déjà le cas en 2011, selon les révélations aussi bien de l’alors président de la CENI, le pasteur Ngoy Mulunda, que de Joseph Kabila lui-même.
J.N.