Ce n’est qu’en début d’après-midi et à quelques heures de la fermeture des bureaux d’enregistrement des candidatures aux législatives et à la présidentielle 2018, mercredi 8 août 2018, que le suspens a été levé sur le candidat à la présidentielle du Front Commun pour le Congo (FCC). Au cours d’une dernière réunion des plus hauts responsables de cette nouvelle plateforme électorale dont il est l’autorité morale, dans son cabinet de travail du quartier GLM sur l’Avenue de l’Ouganda à la Gombe, Joseph Kabila a formellement jeté son dévolu sur Emmanuel Ramazani Shadary, le secrétaire permanent du PPRD. L’information a été divulguée au cours d’un point de presse animé quelques minutes après la fin de la réunion par le ministre de la Communication et Médias, porte-parole du Gouvernement, Lambert Mende Omalanga. Elle a fait l’effet d’une bombe et s’est répandue comme une traînée de poudre. Parce que depuis des années, l’opinion publique formatée par les médias dits globaux attendait du Chef de l’Etat de la RD Congo qu’il se comporte comme « tout le monde dans la région » en se cramponnant au pouvoir après avoir tripatouillé la constitution. Mais en le partageant avec les superpuissances auto-proclamées de la planète, les Occidentaux, par des hommes-liges africains interposés.
Promesse maintes fois répétée
Pourtant, Joseph Kabila n’a eu de cesse de répéter qu’il respecterait scrupuleusement la constitution et que son pays sous son leadership, allait faire l’expérience d’une alternance pacifique au sommet de l’Etat … Dans tous les discours annuels sur l’état de la Nation prononcés devant le parlement réuni en congrès, le Chef de l’Etat rd congolais est revenu sur la question et a assuré ses compatriotes de sa ferme intention de s’en tenir strictement au prescrit constitutionnel. Mais rien n’y a fait. Probablement parce que ce qu’une certaine opinion, à l’interne comme à l’externe, attendait de Joseph Kabila, « ce n’est pas seulement qu’il ne rempile pas pour un troisième mandat au pouvoir mais qu’il cède des parcelles de souveraineté aux puissances occidentales », ainsi que l’explique ce professeur de droit international de l’Université de Kinshasa. Mardi soir encore, de prétendus experts ès politique africaine comme Bob Kabamba de l’Université de Liège pontifiaient doctement que Kabila allait déposer sa propre candidature à la prochaine présidentielle le lendemain matin. Des confrères à Kinshasa n’étaient pas en reste. « Des mesures sécuritaires particulières sont prises à Kinshasa et dans les grandes villes du pays, qui ne trompent pas l’intention de Kabila de mater toute résistance à sa candidature » ou « Kabila arrive », lisait-on ci et là. Malgré les nombreux signes précurseurs émis par le locataire du Palais de la Nation à Kinshasa.
Le dernier discours de Joseph Kabila sur l’état de la Nation, le 19 juillet 2018, était pourtant assez clair sur l’état d’esprit de l’orateur. «Notre engagement à respecter la Constitution demeure lui aussi non équivoque. Il s’agit pour nous, d’abord, d’honorer le sens de notre lutte ; ce pourquoi nous nous sommes tant sacrifiés avec tant d’autres compagnons tombés sur le champ d’honneur, à savoir : redonner la parole longtemps confisquée à notre peuple et libérer ses énergies en vue de rebâtir un pays souverain et indépendant», avait déclaré le quatrième président de la République Démocratique du Congo du haut de la tribune du Palais du Peuple à Kinshasa. Joseph Kabila vantait à cette occasion un « … modèle démocratique (qui) a fait ses preuves », une affirmation qui incite à se demander, depuis la désignation d’Emmanuel Ramazani Shadary, candidat à la présidentielle 2018 pour le compte du FCC, comment il a été possible pour des chroniqueurs de se leurrer à ce point sur les projets présidentiels.
Encore que ce ne fut pas le seul « signe des temps » qui soit passé sous le nez et à la barbe d’éternels astrologues autoproclamés des politiques au pays de Lumumba. Refusant de plier face aux pressions sans fards d’une certaine communauté internationale (occidentale), Joseph Kabila avait délibérément reporté, le 9 juillet 2018, la visite à Kinshasa du secrétaire général de l’ONU et du président de la Commission de l’Union Africaine. Des sources à présidence avaient lâché un morceau de la vérité en expliquant que le Président de la République se préparait à se prononcer sur des questions de politique cruciales et « ne souhaitait pas (donner l’impression de) de sa laisser influencer ». Dix jours après, le 19 juillet au Palais du Peuple, un Joseph Kabila chaleureusement applaudi par ses partisans confirmait cette information : « Ce ne sont ni des accusations gratuites et infondées ni des pressions ou menaces inconsidérées, et encore moins des sanctions arbitraires et injustes qui nous détourneront de la voie que nous nous sommes pourtant tracée nous-mêmes, volontairement et librement».
Projet bouclé depuis belle lurette
Tout porte à croire qu’en ce moment-là, et même longtemps avant, le Raïs (président de la République en swahili) rd congolais avait déjà bouclé son projet d’alternance au sommet de l’Etat mais dans le contexte d’une politique souverainiste que l’on comprend mieux aujourd’hui. Pour autant qu’on veuille s’en donner la peine. « Ce n’est pas un fait du hasard si le candidat du FCC compte parmi les acteurs politiques placés sous le coup des sanctions de l’UE et des Etats-Unis. C’est un défi que le jeune Chef d’Etat entend relever depuis longtemps », note un analyste chevronné interrogé par Le Maximum.
L’heureux candidat ne s’y est pas trompé, lui non plus. A l’occasion du dépôt de son dossier à la CENI, mercredi 8 août, l’ancien ministre de l’Intérieur et actuel secrétaire permanent du PPRD a déclaré que «C’est l’occasion ici de remercier le Dieu tout puissant pour la grâce qu’il nous a faite et remercier sincèrement l’autorité morale du Front commun pour le Congo, son Excellence Monsieur, le chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange, un homme exceptionnel en Afrique, même à travers le monde qui tient parole, qui a dit qu’il n’y aura pas de problème, il n’y aura pas de troisième mandat, aujourd’hui il a tenu parole après la concertation de tous les cadres du FCC».
Emmanuel Ramazani Shadary candidat du FCC à la présidentielle du 23 décembre 2018, c’est le terme d’un long projet politique de refondation d’un Etat démocratique et souverain en RD Congo. Les premiers jalons en furent plantés avec l’adoption par referendum d’un nouveau texte constitutionnel, suivi de l’organisation de deux élections démocratiques, législatives et présidentielles. Les troisièmes scrutins prévus fin décembre prochain consacreront cette « passation civilisée du flambeau au sommet de l’Etat entre un président sortant et un président entrant » dont parlait un autre proche collaborateur de Kabila, Lambert Mende dans un débat pour l’émission « Internationales » diffusée en 2015 par RFI et TV5 sans convaincre les éternels chercheurs de poux sur des têtes chauves. Mais sans doute aussi le parachèvement de la restitution de l’initiative politique aux populations rd congolaises avec l’organisation d’élections locales et municipales. Et la boucle sera bouclée, pour Joseph Kabila. Difficile de faire mieux. Nul avant lui n’aura proposé mieux jusque-là.
J.N.