C’est sur les coups de 9 h 32’, le 1er août 2018, que le jet privé qui ramenait Jean-Pierre Bemba Gombo en RD Congo a atterri à l’aéroport international de Ndjili, comme prévu. Après quelque 10 ans de détention dans les geôles de la Cour Pénale Internationale (CPI) à la Haye, le patron du Mouvement de Libération du Congo, assagi et plus réfléchi selon ses propres aveux aux médias, n’en a pas moins posé quelques problèmes aux services de sécurité et autres autorités urbaines.
Accueilli à sa descente d’avion par une délégation du MLC conduite par Eve Bazaiba, la secrétaire générale, Jean-Pierre Bemba est apparu serein et en parfaite état de santé, même si les cheveux qui se raréfient au sommet du crâne attestent des ravages des années passées derrière les barreaux. « Mes très chers compatriotes. Après une décennie d’absence, je suis en route vers la terre de mes ancêtres, ma patrie la République Démocratique du Congo. Je me réjouis d’avance de vous y retrouver ce mercredi 1er août 2018 », écrivait-il sur son compte twitter, quelques heures avant de s’envoler vers Kinshasa. Et de se lancer dans une sorte de baroud d’honneur et d’orgueil ravalés.
La capitale rd congolaise, pas rancunière pour un sou, a réservé un accueil chaleureux à l’ancien chef rebelle kinois, même si le chiffre de 1 million de personnes attendu à l’aéroport et le long du parcours du cortège bembiste n’a pas été atteint. Mercredi à l’aéroport international de Ndjili où des nombreux combattants du MLC s’étaient rendus, la police a dû faire preuve d’un professionnalisme exceptionnel pour éviter des bavures. Plusieurs minutes avant l’arrivée du jet privé, mais aussi dans l’heure qui a suivi l’atterrissage de l’aéronef, que l’ancien pensionnaire de la CPI a mis coà ntester les mesures de sécurité convenues avec les autorités policières, les combattants surexcités en ont fait voir de toutes les couleurs aux agents de l’ordre. Injures et chants hostiles (aux policiers et au pouvoir en place) ont rivalisé d’ardeur jusqu’à l’apparition du cortège, entouré par un impressionnant dispositif de protection.
Des gaz lacrymogènes ont été largués pour permettre au cortège de se frayer un passage, ci et là. A la hauteur du quartier Kingasani dans la commune de Kimbanseke, mais également vers le Pont-Matete dans la commune du même nom, des blessés ont été enregistrés parmi les militants dispersés. A la hauteur de Mikondo, à quelques km de l’aéroport international de Ndjili, un groupe de militants du MLC s’est carrément attaqué aux forces de police, lançant des projectiles dont au moins un a failli atteindre Jean-Pierre Bemba au visage. C’est grâce à la vigilance des éléments commis à la sécurité du cortège que le patron du MLC s’en est tiré sain et sauf, a expliqué le Général Sylvano Kasongo dans un communiqué.
En fait, Bemba et ses hommes n’ont pas respecté les consignes de la police qui recommandaient au cortège de ne pas rouler à moins de 40 km/heure. Premier problème.
L’itinéraire discuté avec les autorités policières a, lui aussi, subi quelques modifications, Jean-Pierre Bemba et sa suite ayant exigé de faire escale au siège du parti dans la commune de Kasavubu. De sérieux incidents ont été enregistrés après le départ du cortège de l’Avenue de l’Enseignement, lorsqu’à la hauteur de la place Assanef dans la commune de Lingwala, le chairman du MLC a exigé de se rendre à la résidence familiale sise avenue Mpumbu dans la commune de la Gombe.
Ce n’était pas convenu. « Il s’agit d’un quartier présidentiel, en plus. Il y a plusieurs ambassadeurs et ambassades qui s’y trouvent. On ne peut donc pas permettre le désordre et tout rassemblement à ces endroits-là », expliquaient des sources policières aux médias. Sur boulevard Triomphal, à la hauteur du Palais du Peuple, des heurts ont opposé les forces de police aux militants, perturbant la circulation jusque sur l’ex. avenue du 24 novembre, plusieurs km plus loin. La police a, ici aussi, usé de gaz lacrymogènes pour disperser la foule qui suivait le cortège bembiste, après une bonne demi-heure de discussions dues au fait que JP Bemba et ses hommes tenaient à se rendre avenue Mpumbu. Alors qu’il n’était pas prévu que le cortège traverse la commune de la Gombe pour des raisons d’ordre sécuritaire, selon un communiqué signé du Général Kasongo Sylvano, le patron de la police dans la capitale rd congolaise. L’Hôtel de Ville de Kinshasa avait réservé une suite à l’Hôtel Memling pour le patron du MLC et sa famille, en attendant qu’une solution soit trouvée sur la résidence définitive de la famille.
Selon des sources du Maximum, derrière la volonté de l’aîné des enfants Bemba Saolona d’occuper la résidence familiale, non loin du siège du PPRD dans la commune de la Gombe, se cache un conflit familial en gestation et une provocation politique. Sur avenue Mpumbu, les lieux sont occupés depuis le décès de Jeannot Bemba en juillet 2009, par la veuve Bemba Saolona, Pierrette Mbombo, et les enfants du défunt dont elle est la mère. En voulant s’y loger de force, Jean-Pierre Bemba voudrait en même temps déguerpir sans autre forme de procès sa belle-mère, explique-t-on. Mais sans doute aussi, provoquer les services chargés de la sécurité de Joseph Kabila, le Chef de l’Etat rd congolais qui réside à GLM, non loin de là.
Quelques heures seulement après son arrivée à Kinshasa, mercredi dernier, Jean-Pierre Bemba Gombo s’est révélé tel qu’en lui-même. En contrevenant aux instructions sécuritaires décidées de commun accord avec les autorités policières, défiées par le non-respect de la vitesse du cortège, et en engageant un bras de fer familial et politique autour de la résidence paternelle. Même si à Kinshasa, chacun sait que l’homme dispose de plus d’une résidence, dont celle qui l’hébergeait dans la même commune de la Gombe avant son incarcération à la CPI.
J.N.