La pétition lancée en faveur de la candidature unique du cardinal archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo Pasinya, à la prochaine présidentielle pour le compte de toute l’opposition récolte des fortunes diverses. Si la Dynamique Chrétienne pour l’Unité et le Développement (DCUD) de l’ancienne ministre des Transports Odette Babandoa, à l’origine de cette initiative que des sources disent initiée en fait par le prélat, assure que la récolte des signatures « va bon train », il n’en est pas de même chez nombre d’acteurs politiques significatifs de l’opposition, qui ne parviennent pas à taire leurs ambitions et faire place nette à l’ancien tout puissant président de la Conférence Nationale Souveraine et du Haut Conseil de la République, Parlement de Transition de la fin de la IIème République mobutiste.
Jusqu’à présent, seul Martin Fayulu Madidi de l’ECIDE (Engagement Citoyen pour le Développement), a signé la pétition Babandoa pour soutenir la candidature de l’archevêque kinois. Même si le principal intéressé, échaudé par diverses tentatives infructueuses de ravir le « trône » au départ de Mobutu, se garde bien de se prononcer sur cette « proposition » qui laisse plus d’un compatriote pantois en RD Congo. Lui-même candidat à la candidature à la présidentielle du 23 décembre 2018, Martin Fayulu ne se gêne pas pour soutenir néanmoins, toute honte bue, qu’il existe « … seulement deux personnes qui font le consensus dans ce pays. C’est le Cardinal Monsengwo et le docteur Denis Mukwege ». L’élu de Kinshasa l’a déclaré à la presse lundi 23 juillet 2018, en marge de la cérémonie de publication de la déclaration commune de l’opposition à la paroisse Notre Dame de Fatima à Kinshasa. Se référant à ce qu’il appelle « un vote » (sur les réseaux sociaux !) au terme duquel plus de 10 millions de Congolais se seraient exprimés. Le Cardinal Monsengwo serait venu en première position et le gynécologue Mukwege de l’Hôpital d’Etat de Pangi à la deuxième place, rapporte ce restaurateur kinois converti à la politique. « S’il y a un problème au niveau de la candidature commune des politiques, alors allons dans la société civile et nous avons des hommes valables », a suggéré Fayulu, pince sans rire.
Candidature unique, plus qu’un problème
Chez les politiques, précisément, il y a manifestement plus qu’un problème. Aucun parmi les potentiels candidats de l’opposition au ‘top job’ en RD Congo ne semble disposé à concéder quoi que ce soit à qui que ce soit. Pas dans les rangs de l’UDPS/Tshisekedi en tout cas, où il apparaît que nul n’a oublié les « coups » montés par l’ancien président de la Conférence Nationale Episcopale du Zaïre contre Tshisekedi père, le défunt 1er ministre élu à la CNS subtilement renvoyé sur les carreaux en faveur d’une « troisième voie » devenue célèbre, incarnée par… l’actuel speaker du Sénat, Léon Kengo Wa Dondo, qui vient de se rallier au Front Commun pour le Congo de Kabila. L’alors archevêque de Kisangani avait alors eu beau jeu de manipuler l’inflexibilité du sphinx de Limete en plaçant sur orbite son ami Kengo. Présent à Notre Dame de Fatima le 23 juillet pour le compte de l’UDPS/Tshisekedi, Jean-Marc Kabund, ci-devant secrétaire général du parti, a déclaré sans ambages que « l’UDPS a son candidat président de la République et c’est Monsieur Félix Tshisekedi ».
Les katumbistes eux aussi ne se montrent guère très enthousiastes devant la perspective de s’aligner derrière l’archevêque kinois. « Nous avons notre candidat Moïse Katumbi, mais Monsengwo peut faire le consensus, il est tout sauf médiocre », avance prudemment l’un d’entre eux, Moïse Moni Della, dont le frère n’est autre que le bras droit de Moïse Katumbi Chapwe. « Attendons voir si et seulement s’il va accepter d’être le candidat du consensus », suggère-t-il.
Prétextes attentistes
Même prétexte attentiste face à la pétition Babandoa à l’UNC de Vital Kamerhe. Le secrétaire général du parti, l’avocat Jean-Baudouin Mayo Mambeke, a déclaré sur les ondes de la radio Top Congo FM qu’il faut attendre que le cardinal se prononce sur la question. Alors que Molendo Sakombi, le secrétaire interfédéral du même parti rapportait que « A ce jour, le président Vital Kamerhe n’a pas connaissance d’une telle candidature, mais si cela s’avérait, l’UNC pourrait prendre langue avec lui comme avec d’autres candidats président de la République pour rechercher un candidat commun du peuple ». Des propos qui ont l’avantage de la clarté : ici, cardinal ou pas, Monsengwo est un candidat à la présidence comme un autre, avec lequel l’UNC entend « rechercher un candidat commun ». Ce n’est pas la même chose que renoncer à ses ambitions en sa faveur. Loin s’en faut.
Pour que s’impose la candidature unique de Laurent Monsengwo pour le compte l’opposition politique en RD Congo, il faudrait que Félix Tshilombo, Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba, Adolphe Muzito, Vital Kamerhe, Freddy Matungulu et Martin Fayulu, Tshiani Mwadiamvita et tous les autres candidats déclarés à la présidentielle renoncent. C’est leur hésitation, ou leur refus qui explique la prudence du cardinal-politicien.
J.N.