Deux réunions de concertations entre les leaders des partis politiques et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) à Kinshasa n’ont pas détourné d’un centimètre la ligne droite vers la tenue des scrutins de décembre 2018 en RD Congo. Les opérations relatives à la réception et au traitement des dossiers de candidature aux élections provinciales se clôturent bel et bien dans 24 heures, le 13 juillet 2018. Ce sera la fin des ajouts, retraits et substitutions des candidatures des députés provinciaux, conformément à l’article 16 de la loi électorale. Respect des textes légaux en vigueur et du calendrier électoral ont, en effet, été les maîtres mots incontournables de la rencontre qui s’est tenue mardi 10 juillet 2018 au siège de la CENI. Malgré les pressions politiques exercées par des acteurs politiques peu conséquents, qui guettent la moindre occasion pour retarder les échéances, et en faire porter la responsabilité à leurs adversaires politiques. L’administration électorale rd congolaise maintient le cap et tout indique que les scrutins combinés du 24 décembre 2018 se tiendront. Notamment, parce que les populations qui se sont enrôlées en masse (plus de 40 millions d’inscrits sur les listes électorales), ont elles aussi opté pour la voie des urnes pour départager au finish les protagonistes de l’arène politique au pays de Patrice-Emery Lumumba. Et pas autrement.
En RD Congo en ce mois de juillet 2018, l’opinion est donc plutôt abasourdie par les pressions exercées sur les autorités et la CENI alors que le processus vers les élections tient sur ses rails. Beaucoup s’étonnent de l’attention de ce qu’on appelle « la communauté internationale » sur l’évolution de situations politiques normales qui n’ont pas attiré le moindre foudre de guerre à beaucoup d’autres Etats du continent. Pour ne pas chercher bien loin, nombreux sont les rd congolais qui se rappellent que Brazzaville, Kigali et Luanda, qui ont organisé leurs élections présidentielles il y a peu, n’ont pas eu le bénéfice des mêmes attentions prétendument bienveillantes de la communauté internationale.
Au Congo-Brazzaville, Denis Sassou Ngouesso remportait haut la main la présidentielle du 20 mars 2016 avec 60, 39 % des voix sans avoir été pressé de recevoir quelque préposé de l’ONU ou de l’UA que ce soit. Pourtant, le chef de l’Etat de ce pays voisin de la RD Congo, âgé de 72 ans au moment des scrutins, venait d’achever deux mandats présidentiels à la tête de son pays. C’est à la faveur d’une modification constitutionnelle controversée, puisqu’elle lui permettait de briguer un 3ème mandat supplémentaire après les deux constitutionnellement prévus, que Denis Sassou Ngouesso s’est maintenu au pouvoir et préside aux destinées de son pays jusqu’à ce jour.
Une année plus tard, le 5 août 2017, le président sortant du Rwanda, Paul Kagame, remportait lui aussi la présidentielle organisée dans ce pays également voisin de la RD Congo avec la bagatelle de 98 % des voix. Sans émouvoir quiconque à travers la planète, malgré le fait que le Chef de l’Etat ainsi réélu dirigeait le Rwanda depuis 23 ans, l’équivalant d’un peu plus de 4 mandats présidentiels de 5 ans chacun.
En Angola, un autre voisin de la RD Congo, Joao Lourenço et le MPLA ont remporté la présidentielle du 24 août 2017 avec 64 % des voix. Le nouveau Chef de l’Etat remplaçait à ce poste Edouardo Dos Santos, un autre cacique du MPLA qui dirigeait ce pays depuis quatre décennies.
Au Congo-Brazzaville, au Rwanda et en Angola, la communauté dite internationale n’a pas fait preuve d’empressement particulier à influer sur les fins de mandats de Denis Sassou Ngouesso, Paul Kagame et du MPLA. Dans ces trois pays, pas de visites de secrétaires généraux des Nations-Unies ni de président de la Commission de l’Union Africaine ni avant, ni pendant, ni après des présidentielles aussi décriées à l’interne. Non sans raison, de plus en plus de gens en RD Congo s’interrogent sur ce qui vaut tant d’attentions à ce pays.
Le report par Kinshasa d’une rencontre prévue entre Joseph Kabila, Antonio Guterres et Moussa Faki provoque des vagues, comme si ces représentants des Nations Unies et de l’Union Africaine détenaient quelque pouvoir souverain sur la RD Congo et ses autorités politiques. Human Right Watch, une Ong internationale derrière laquelle se dissimulent de puissants groupes d’intérêts qui ne peuvent intervenir à découvert dans la conduite des affaires internes d’un Etat souverain, avançait le 11 juillet 2018 que cette visite aurait été l’occasion de transmettre au Chef de l’Etat rd congolais, Joseph Kabila, « un message ferme ». Un jour plus tôt, intervenant sur la RFI, un activiste de la même Ong se révoltait contre ce qu’il considérait comme un pied de nez de Kabila à la communauté internationale, et donc une forme d’indocilité coupable. « La visite conjointe d’Antonio Guterres et de Moussa Faki aurait été l’occasion de transmettre à Kabila un message « ferme et coordonné » sur les conditions minimales qui doivent être respectées pour que le prochain scrutin soit crédible, ainsi que sur les mesures que l’ONU et l’UA lui imposeraient s’il s’abstenait de les mettre en place », soutient le communiqué publié par Hrw. L’Ong britannique n’avait pas déployé les mêmes efforts pour dissuader les Chefs d’Etats voisins de la RD Congo de briguer de mandats supplémentaires après avoir présidé aux destinées de leurs pays respectifs durant au moins 3 décennies. Ni quiconque aux Nations-Unies et à l’Union Africaine où siègent le Congo-Brazzaville, le Rwanda et l’Angola en tant que pays souverains membres de la communauté des Nations jusqu’à ce jour.
«On peut comprendre que Joseph Kabila se rebiffe. Il y a comme un deux poids deux mesures dans les attitudes de la communauté internationale sur la RDC », déclare au Maximum professeur de droit international de l’Université de Kinshasa. Qui, du reste, n’est pas le seul à partager ce type de conviction. « La volonté de régenter la vie politique de notre pays est trop flagrante », selon un chercheur kinois de l’Université Pédagogique National.
Sur l’avenir de la RD Congo, il y a donc plus qu’anguille sous roches comme on dit. Invité par nos confrères de la RFI mercredi 11 juillet 2018, le politologue belge d’origine congolaise, Bob Kabamba de l’université de Liège, révélait que la fameuse communauté internationale préparait trois scénarios d’intervention sur la politique interne de la RD Congo au cas où Joseph Kabila se permettait, comme ses collègues de l’Afrique Centrale, de briguer un 3ème mandat présidentiel consécutif : une intervention militaire, un coup d’Etat et une révolte populaire. Ce faisant, l’universitaire, en bon nègre de service, n’annonçait rien de vraiment neuf sur cet immense pays au cœur du continent dont les ressources du sous-sol font l’objet d’une convoitise qui ne s’encombre même plus des habillages habituels.
Ce qu’il y a de nouveau, et que l’on évoque que très peu, c’est la réaction des rd congolais, les premiers concernés par ce qui se passe dans leur pays. « Elles sont loin derrière, les années ’60, lorsque des compatriotes à peine instruits courbaient l’échine face à la recolonisation qui s’est substituée à l’indépendance », explique, convaincu, ce professeur de sciences politiques à l’Université de Kinshasa. Selon lui, rien n’indique qu’un recours à la force permettra de gérer durablement ce pays. « Les rébellions des années ‘2000 ont démontré la limite du recours à la force armée dans un pays immense comme la RD Congo où on peine lourdement à déraciner des mouvements rebelles enfouis aux fins des forêts vierges de la région », soutient-il.
Ce qu’il y a de nouveau aussi, c’est que Kinshasa est loin de courber l’échine face aux menaces qui pèsent sur l’avenir politique du pays. Joseph Kabila a monté la 10ème force militaire africaine au nez et à la barbe de la prétendue communauté internationale, malgré tous les embargos d’achats d’armements dont son pays fait l’objet. A l’occasion d’un discours à la nation, le 29 juin 2018, le N° 1 congolais attirait encore l’attention de ses compatriotes sur les menaces qui pèsent sur le pays. Tout en assurant que la démocratisation et la voie électorale constituaient les seules remparts contre « les ingérences de toutes sortes ». Parce qu’elles sont les seules à préserver la liberté et la dignité des Congolais. L’homme semble prêt à tout pour ce faire. De plus en plus de ses compatriotes aussi.
Après tout, le ciel n’est jamais tombé ni sur Brazzaville, ni sur Kigali, ni encorre moins sur Luanda.
J.N.