Au cours du conseil des ministres du 8 juin 2018, le gouvernement a accordé son feu vert à la création de commissions ministérielles chargées de préparer le dossier du bloc pétrolier n° 2 pour le déclassement par décret d’une zone à intérêt pétrolier dans le parc de la Salonga et des blocs n° 4 et 5 du Graben Albertine pour le déclassement de 172.075 hectares (21,5%) du parc des Virunga. Des propositions de déclassement attendues depuis de nombreuses années en RD Congo, en fait, où l’opinion n’est plus dupe des visées annexionnistes de ces portions du territoire national qui font l’objet de sérieuses convoitises extérieures. A l’Est du pays, particulièrement, beaucoup savent que la RD Congo se débat dans une insécurité récurrente dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri à cause notamment des ressources pétrolières enfouies dans ses parcs nationaux et lacs. Selon des estimations, le seul parc des Virunga recèlerait environ 6.758 milliards de barils de pétrole et pourrait apporter quelques 7 milliards USD de recettes budgétaires additionnelles à un pays dont le budget annuel des recettes peine à dépasser le seuil de 4 milliards de dollars.
Les réactions à la décision du conseil des ministres du 8 juin ont d’autant moins tardé qu’elles étaient connues depuis plusieurs années, elles aussi. Des groupes d’intérêt occidentaux dissimulés derrière de pseudo organisations de défense de la nature ayant toujours clamé leur hostilité à l’exploitation pétrolière dans les parcs nationaux rd congolais sous prétexte de « protection de l’environnement ». Même si, par ailleurs, les mêmes groupes n’ont jamais réussi, lorsqu’ils ont osé, à convaincre les puissances mondiales pollueuses du même environnement à plafonner leurs émissions des gaz à effets de serre, par exemple. Le parc de la Salonga abrite près de 40 % de la population mondiale des bonobos, et celui des Virunga constitue un habitat vital pour de nombreuses espèces protégées, dont les derniers gorilles des montagnes, argue l’ONG britannique Global Witness.
La protection des bonobos et des gorilles des montagnes passerait donc avant l’amélioration des conditions de vie des populations de la RD Congo dont le PIB oscille autour de 4 %. Il faut donc sacrifier les intérêts vitaux de quelque 80 millions d’âmes aux besoins distractifs de touristes occidentaux, ce qui revient pratiquement à une recolonisation des vastes étendues de ce pays continent qui appartint tour à tour au rusé roi des Belges Léopold II puis à la Belgique.
Quelques jours avant le conseil des ministres du 8 juin 2018, dont le compte-rendu n’a été rendu public que le 29 juin, l’ambassadeur de l’Union Européenne en RD Congo, le belge Bart Ouvry, réagissait bruyamment contre la perspective d’ouvrir les parcs des Virunga et de la Salonga à l’exploitation pétrolière. « Les parcs des Virunga et de la Salonga renferment peut-être du pétrole, mais les revenus générés grâce au tourisme et l’hydroélectricité et en termes d’emploi des aires naturelles semblent plus prometteurs que l’exploitation du pétrole », écrivait-il sur son compte twitter. Le diplomate européen qui se transformait ainsi en décideur de ce qui était bon pour le Congo et les Congolais réagissait à une dépêche de l’Agence Congolaise de Presse rapportant les conclusions d’une journée scientifique sur les ressources naturelles des parcs nationaux de la RD Congo organisée à l’Université de Kinshasa samedi 23 juin 2018.
Contre des exploitations pétrolières, partielles, puisque le gouvernement fait état de projets de désaffections partielles des parcs des Virunga et de la Salonga, se lève donc une véritable entente néocoloniale, voire raciste. Le 3 juillet 2018, l’acteur de cinéma Leonardo Di Caprio prenait, lui aussi, le parti des adversaires de la RD Congo en dénonçant tout projet d’exploitation pétrolière dans les parcs congolais. Comme s’il s’agissait d’un bien sans maître. « Il y a quelques années, nous avons produit le documentaire ‘Virunga’ pour sensibiliser sur la nécessité de protéger les derniers gorilles des montagnes. Les nouvelles récentes sur les menaces pétrolières nous rappellent la nécessité de rester vigilants dans la protection des Virunga », soutient-il dans un tweet. Sur les populations civiles riveraines du parc des Virunga, qui souffrent le calvaire imposé par des groupes armés entretenus par des groupes d’intérêts mercantilistes occidentaux pour déstabiliser l’immense RD Congo, aucun mot. « Elles ne sont pas aussi dignes d’intérêt que les gorilles de montagne », soupire, écœuré, un étudiant de l’Université du Graben à Goma. Qui rappelle que « de toutes façons, les affrontements armés dans la région ont causé la mort directe ou indirecte de plus de 5 millions de personnes au début des années ‘2000, selon les estimations de l’ONU, sans que cela n’émeuve outre mesure tous les Leonardo Di Caprio du monde ».
Une manière de confirmer que l’intérêt des Congolais ne sera jamais aussi bien défendu que par les Congolais eux-mêmes. En RD Congo, cette conviction est de plus en plus répandue. Déclasser 20 % des 7.800 km2 du parc des Virunga et des 36.000 km2 du parc de la Salonga pour financer le développement et l’émergence d’un pays abandonné de tous n’est sûrement pas préjudiciable aux intérêts des Congolais. Même à long terme.
J.N.