Au terme de cinq jours des travaux de leur assemblée plénière annuelle, le 29 juin 2018, les évêques de l’église catholique de la RD Congo ont rendu publique une déclaration appelant à « sauver le processus électoral ». Une déclaration de plus, voire, de trop, de ces membres du clergé catholique, sans doute les plus politiques de la planète. En RD Congo, l’opinion a droit à au moins un message politique de ces évêques-politiciens par mois, même plus, ce qui a fait dire à un chroniqueur que « l’Eglise catholique veut redevenir une institution politique au Congo comme au bon vieux temps de la colonisation belge ». Ce que ne prévoit ni la constitution qui règle la vie publique du pays comme dans les tous les Etats modernes, ni les autres textes légaux en vigueur. Les prestations politiques des prélats catholiques énervent d’autant plus les lois de l’Etat laïc qu’est, et demeure, la RD Congo. Autant qu’elles mettent à mal les sacro-saints principes démocratiques qui régissent le fonctionnement des institutions nationales.
Comme chacun le sait, l’organisation et le fonctionnement interne de l’église catholique romaine ont pour soubassement les principes de choix et de nomination des autorités cléricales. Comme sa Sainteté le Pape lui-même, les évêques, archevêques et cardinaux sont discrétionnairement nommés par le Pape et restent en fonction aussi longtemps que l’âge le permet. Les prélats qui s’arrogent le droit de se prononcer chaque jour au nom du peuple congolais ne sont donc pas désignés par ce peuple mais par une autorité étrangère devant laquelle ils sont redevables. A l’inverse des autorités politiques nationales qui, d’une manière ou d’une autre, sont comptables de leurs actions à divers niveaux de responsabilité étatique aux électeurs et aux populations qui leur ont accordé le pouvoir de parler et d’agir en leur nom.
Plus que tous les messages et déclarations des évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) de ces dernières années, celui du 29 juin 2018 transpire de manière flagrante l’usurpation des pouvoirs politiques. Sous prétexte de mission de bons offices auprès des acteurs politiques rd congolais, fin 2016, les évêques de l’église catholique romaine s’installent résolument dans les affaires strictement politiciennes et « glissent » interminablement dans la distribution des bons et mauvais points. A la majorité au pouvoir à Kinshasa, particulièrement. Le comble de cette politisation du sommet de l’église catholique en RD Congo a été atteint lorsque les évêques ont prêté les installations cultuelles aux acteurs politiques de l’opposition radicalisée. Le parti-pris a choqué et profondément divisé les fidèles, à Kinshasa notamment, où le plus grand nombre d’entre eux s’est abstenu de s’engager sur les sentiers de la ‘djihad’ inaugurés par leurs bergers.
Dans leur dernier message, les évêques de la CENCO prétendent avoir le droit de se prononcer sur les questions de politique politicienne en raison de la mission prophétique qui leur aurait été confiée de gérer les âmes. Une sorte de pouvoir ad aeternam donc, puisqu’ainsi que chacun le sait, les âmes sont réputées immortelles, autant que les charges de gestion (par les évêques, prêtres et autres…). Seulement, à cet égard également, les princes de l’église catholique romaine usurpent manifestement. Pour la bonne et simple raison que toutes les âmes rd congolaises ne sont pas de confession catholique et ne relèvent donc nullement de l’autorité des évêques de la CENCO. Outre les autres grandes confessions religieuses que les églises protestantes, kimbanguistes, musulmanes et orthodoxes, en RD Congo pullulent un grand nombre de groupes religieux plus ou moins structurés qui regroupent de plus en plus d’adhérents. Juger et condamner au nom des toutes les âmes de la RD Congo, dont certaines ne sont même pas chrétiennes, en ignorant superbement et de manière aussi condescendante les autres confessions religieuses est une pratique d’une rare arrogance que les princes de l’église catholique romaine en RD Congo ne se gênent pas d’afficher. Manifestement parce que les pouvoirs politiques dont ils se targuent plongent leurs racines dans la douloureuse histoire de la traite esclavagiste et de la colonisation plutôt que dans une prétendue « gestion divine d’âmes en perdition ».
J.N.