Huit mois après la publication du chronogramme des élections qui débutent le 23 décembre 2018 par les législatives provinciales et nationales combinées à la présidentielle, la Commission Electorale Nationale (CENI) a fait preuve d’un grand professionnalisme en respectant rigoureusement ses engagements. Comme prévu, les grandes étapes avant la convocation de l’électorat et l’enregistrement des candidatures ont été respectées. L’ouverture des bureaux de réception et de traitement des candidatures à la députation provinciale est, elle aussi, effective depuis le 24 juin 2018. Cette étape qui marque l’intervention des acteurs politiques dans le processus pourrait constituer un grain de sable, à en juger par les informations relatives au dépôt des listes des candidats par les partis et regroupements politiques ainsi que les indépendants : à 48 heures de la date limite de dépôt, ce n’est pas encore l’affluence des grands jours dans le chef d’acteurs politiques qui semblent avoir minimisé la difficulté de la tâche.
Dès les premiers jours d’ouverture des BRTC, les préposés de la CENI ont fait état d’énormes erreurs d’appréciation des conditionnalités requises pour déposer les candidatures. Notamment autour des mandats et des accréditations, mais également autour des diverses pièces identitaires à joindre aux dossiers. « Il apparaît plus facile de vociférer des incantations devant les caméras de télévision que de rassembler des documents légaux », confie au Maximum le responsable d’un BRTC kinois du côté du quartier Kingabwa.
En fait d’incantations, l’UDPS/Le peuple de Valentin Mubake a cru devoir se rappeler à l’opinion en annonçant que le parti ne participerait pas aux prochains scrutins. « Les élections telles que définies dans les conditions actuelles ne permettent pas d’élire les futures vrais représentants du peuple », a claironné comme à son habitude l’ancien conseiller politique d’Etienne Tshisekedi devant des journalistes. L’homme qui a longtemps représenté l’aile dure et négativiste du parti du défunt sphinx de Limete soutient « ne pas vouloir crédibiliser un processus vicié ». Mais, en fait de crédit, c’est ce leader d’un parti politique qui n’a de parti que le nom qui en a bien besoin. « Beaucoup parmi les partis politiques manquent cruellement des moyens financiers sont contraints à la renonciation », explique-t-on à Kinshasa. Valentin Mubake et son UDPS/Le peuple en font partie, assurent des combattants de l’aile du même parti dirigé par Félix Tshilombo Tshisekedi, où on promet de déposer les listes dans les délais, quoiqu’il advienne.
Seulement, en fait de délais, 48 heures nous séparent de la fermeture des BRTC. Certes, les états-majors des partis et regroupements, même ceux pour qui les moyens financiers ne font pas défaut, s’affairent à la confection des dossiers depuis plus de 10 jours. Mais la tâche ne parait pas aussi facile qu’on l’aurait cru. « Beaucoup manquent des candidats mais passent leur temps à parler de la machine à voter. Même sans machine à voter, comment aller aux élections si on n’a pas de candidats ? », déclarait dans un tweet posté le 2 juillet, Stève Mbikayi du Parti Travailliste. Qui n’est pas très loin de la vérité, en fait. Une candidature à la provinciale, c’est au moins trois noms : celui du candidat et ceux de ses deux suppléants. Pour 10 sièges, par exemple, il faut multiplier 3 x 10 candidats. Cela fait 30 personnes, dont il faut rassembler pièces d’identité et pièces académiques qui ne souffrent d’aucune anomalie administrative. « Ce n’est pas de cartes de perte de pièces qu’on se procure dans la première commune kinoise venue », explique au Maximum, l’air affairé, un jeune candidat d’un parti politique de la MP.
Et lorsqu’on a réglé la question du nombre des candidats à aligner, il faut encore les passer au peigne fin, « pour ne pas courir le risque de voir la CENI rejeter la candidature », explique-t-on encore, l’administration électorale ayant fait savoir que les « doublons » ne seront pas éligibles à la candidature même si ils pourront voter. Sur les antennes d’une radio kinoise, Thierry Monsenempwo, le président de la Ligue des Jeunes de la Convention des Congolais Unis (CCU) de Lambert Mende Omalanga, assurait mercredi 4 juillet que sa plateforme (CCU & Alliés) s’affairait au tri de ces candidatures. Elle n’est sans doute pas la seule dans cette situation.
Même dans les grands partis ou regroupements politiques où les cautions des candidats ne posent pas problème, des anicroches administratives minent les chances de dépôt des candidatures à temps. Le week-end dernier, un candidat à la députation provinciale dans une des provinces du Kasai Oriental démembré disposait de tous les documents exigés pour aller déposer sa candidature dans son fief électoral. Sauf le mandat de sa nouvelle plateforme dirigée par un professeur d’Université, pourtant. Le précieux sésame lui avait fait rater, la semaine dernière, l’unique vol hebdomadaire d’une compagnie privée à destination de son fief électoral.
Nonobstant les difficultés manifestes que rencontrent même les partis et regroupements politiques les plus aguerris parce qu’ils en sont à leurs troisièmes participation électorale, la CENI ne démords pas de son chronogramme. Un communiqué rendu public le 4 juillet dans la journée est là, qui le rappelle crument aux acteurs politiques : « le retrait des formulaires et le dépôt des candidatures à la députation provinciale s’arrêtent impérativement le dimanche 8 juillet à 16 H 30 dans tous les Bureaux de Réception et de Traitement des candidatures », y lit-on.
J.N.