Le procès en cassation dans l’affaire qui oppose Moïse Katumbi Chapwe au ministère public s’est ouvert mercredi 27 juin 2018 à Kinshasa. Pour s’interrompre une dizaine de minutes après et se voir renvoyé au 10 octobre prochain, comme on pouvait s’y attendre. « Les audiences introductives servent généralement à se rendre compte de la régularité des procédures », explique un avocat interrogé par Le Maximum.
Mercredi 27 juin, pourtant, les katumbistes se sont emmenés en nombre au siège de la CSJ, devenue entretemps Cour de Cassation à la Gombe, brandissant banderoles et calicots, et trahissant ainsi de réelles appréhensions sur la suite du plus sérieux des dossiers judiciaires de leur mentor. La veille de l’ouverture du procès, des proches du candidat à la candidature à la prochaine présidentielle, Olivier Kamitatu et Delly Sessanga, entre autres, se répandaient d’accusations de complot du pouvoir contre Moïse Katumbi. « La volonté du gouvernement congolais est claire. Faire condamner le plus vite possible et sans moyen de recours Moise Katumbi. Ce procès devrait se tenir au Tribunal de Grande instance de Lubumbashi et non à la Cour suprême. Ce choix illégal d’amener un simple citoyen congolais à la Cour suprême a été fait pour lui enlever toute possibilité de recours », postait Olivier Kamitatu sur son site twitter. Outre des leaders politiques de « Ensemble pour le changement », la plateforme katumbiste qui a opportunément remplacé le tonitruant Rassemblement des Forces Politiques et Sociales acquises au changement (RASSOP), de venu peu certain, des sympathisants du président du TP Mazembe ont été aperçus en grand nombre à la Gombe. Avec, au moins une trentaine d’avocats chargés de la défense des intérêts de l’accusé.
Comme de coutume en pareille procédure judiciaire, les avocats de Moïse Katumbi ont fait état d’irrégularités de forme qui ne permettaient pas l’ouverture du procès en cassation. Et notamment, que la date d’envoi à l’intéressé de la citation à prévenu (le 30 mars 2018), et du délai légal de comparution à partir de cette date qui est de 3 mois, le procès Katumbi ne pouvait s’ouvrir que le 30 juin prochain. L’entourage de l’accusé a également fait état d’irrégularités relatives à la citation à comparaître en qualité de témoin ( ?) adressé au sujet américain Darryl Lewis. L’homme, présenté comme garde du corps de l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga, se serait vu refuser de visa à l’ambassade rd congolaise dans son pays, a rapporté Olivier Kamitatu. Mais jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse, aucune source indépendante n’avait confirmé le fait.
Un dossier judiciaire sérieux
Le procès ouvert mercredi en dernière instance contre Moïse Katumbi dans le cadre de l’affaire de recrutement des mercenaires, c’est l’affaire judiciaire, plutôt sérieuse, qui est à la base de la fuite en avant déclenchée par l’annonce précipitée de la candidature de l’ancien gouverneur à la prochaine présidentielle, suivie de son exil en Europe.
Mi-juin 2016, d’anciens militaires américains et sud-africains sont invités au Katanga par une agence privée, « Pomba One Security », proche de l’ancien gouverneur de Moïse Katumbi. Ils sont présentés comme des experts en agriculture, mais les services d’immigration découvrent que ces drôles d’agronomes traînent derrière eux une sérieuse formation militaire et les interpellent. Acheminés d’urgence à Kinshasa, un des sujets américains du groupe, Darryl Lewis, tente de s’échapper à l’aéroport international de Ndjili avec des complicités non élucidées à la Monusco, mais est repris de justesse. L’homme est arrêté et interrogé en présence d’un représentant de l’ambassade américaine à Kinshasa, puis renvoyé dans son pays. Mais l’affaire des mercenaires n’en prend pas moins de l’ampleur. Des présomptions de recrutement de mercenaires pèsent sur Moïse Katumbi qui est formellement inculpé le 19 mai 2016 et placé sous mandat d’arrêt pour atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat. Il est entendu par le procureur général près la cour d’appel Lubumbashi lorsqu’il prend prétexte de soins médicaux à l’étranger pour solliciter et obtenir, grâce à des médecins complaisants, l’autorisation de quitter le pays à cette seule fin.
Candidature à la présidence pour s’immuniser
Mais auparavant, celui que l’on surnomme « le roi du Katanga » tente d’échapper aux poursuites judiciaires. Dès jeudi 4 mai 2016, trois heures à peine après le point de presse annonçant l’injonction faite au PGR par le ministre de la justice d’engager des poursuites contre le recruteur des mercenaires, Moïse Katumbi s’empressait d’annoncer avec force publicité sa décision d’accepter d’être le candidat de quelques partis assez peu représentatifs de l’opposition à la prochaine présidentielle. Alors que quelques jours auparavant il faisait encore état de sa volonté d’attendre des ralliements plus significatifs au G7 avant de se prononcer. Plusieurs observateurs, à Kinshasa et à travers le monde, avaient flairé l’astuce. L’ancien gouverneur tentait simplement de se mettre dans la peau d’un candidat président de la République, pour s’immuniser contre les conséquences de ses turpitudes. En mai 2016, ni le corps électoral, ni le calendrier des scrutins prévus en novembre 2017 au 23 décembre 2018 n’étaient encore fixés.
Le dossier de recrutement des mercenaires paraissait néanmoins on ne peut plus sérieux. Le 4 mai 2016, au cours du point de presse qui avait précipité l’annonce de la candidature à la présidentielle de l’ancien gouverneur de l’ex. Katanga, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, l’avait clairement affirmé : « nous disposons de suffisamment d’éléments… Nos services sont très bien outillés techniquement ». Le Garde des Sceaux faisait allusion à des rapports d’écoute téléphoniques attestant de conversations entre le sujet US, Darryl Lewis, son commandement basé aux Etats-Unis, et des complices qui courent toujours mais ne semblaient pas avoir quitté le territoire rd congolais au moment des faits. Outre Moïse Katumbi, ses proches collaborateurs, qui avaient couvert l’invitation des ex marines en RD Congo, des chefs d’église qui ont servi de couverture aux activités de ces ex militaires, devraient être entendus.
J.N.