Comme prévu dans le calendrier électoral rendu public le 5 novembre dernier, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a officiellement convoqué l’électorat, le 23 juin 2018, avant de procéder à l’ouverture des bureaux d’enregistrements et de réception et de traitement des candidatures (BRTC), dimanche 24 juin dans la journée. Le même dimanche, les premières listes des candidats à la députation provinciale ont été déposées, par le parti présidentiel, le PPRD. Tandis que de nombreux autres partis et regroupements politiques, à l’instar du Centre de Germain Kambinga, se déclaraient solennellement prêts à emboiter le pas au PPRD, et qu’au moins une frange de la société civile, dite « Forces vives » encourageait les acteurs politiques à ne pas rater ce train des élections résolument sur le départ.
A l’opposition radicale, la convocation de l’électorat et l’ouverture des BRTC, que l’on croyait renvoyées aux calendes grecques, n’ont pas été les bienvenues. Loin s’en faut.
Au cours d’un meeting politique le 23 juin 2018 à Lubumbashi, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, le coordonnateur des troupes katumbistes dans l’ex province du Katanga déclarait que « Ensemble pour le changement », la plateforme électorale (!) de l’ex gouverneur de l’ancienne province du Katanga ne prendrait pas part aux élections sans … Moïse Katumbi Chapwe. Au cours de ce meeting qui s’était déroulé sans incidents, l’essentiel du message avait consisté à « dire que le peuple congolais en général et les katangais en particulier exigent le retour de Moïse Katumbi. Nous savons que le pouvoir a peur de Katumbi, mais quoi qu’il en soit Katumbi reste notre plan A et B. Nous sommes pour l’unité de l’opposition, mais nous ne pouvons pas aller aux élections sans Katumbi », a en substance martelé l’ancien président de l’Assemblée provinciale de la défunte province du Katanga. Sans parvenir à dissimuler les fissures qui minent inexorablement l’unité tant vantée de l’opposition, qui ne tient plus dès lors qu’il est question de sacrifier la participation électorale à l’autel d’un individu, fût-il le richissime et très « généreux » ancien roi du Katanga. « Nous avons également déclaré que nous refusons la machine à voter », a ajouté Kyungu wa Kumwanza, sans plus de conviction, tant il semble que pour les précédentes opérations initiées par la CENI, l’expérimentation de la machine à imprimer les votes des électeurs récolte un grand succès auprès des électeurs. « Ils sont beaucoup plus nombreux que les quelques acteurs politiques qui récusent la machine à voter. Ce sont eux, les électeurs, qui traîneront les politiciens vers les urnes et pas l’inverse », commente un politologue de l’université de Lubumbashi, présent au meeting de Lubumbashi samedi dernier.
Certes, à Kinshasa, les propos de Kyungu wa Kumwanza ont reçu un écho favorable auprès du député UNC Mayo Mambeke, ci-devant secrétaire général du parti de Vital Kamerhe, inconsolable candidat malheureux à la primature du gouvernement d’union qui a suivi l’accord de la Saint Sylvestre. Mais ici aussi, le cœur n’y est vraiment plus. « … Le processus électoral en RDC appartient au peuple congolais et non à Monsieur Nangaa. S’il ne sait pas organiser les élections dans un climat de confiance minimale entre les acteurs politiques d’une part et entre la CENI d’autre part, alors il y a lieu de conclure qu’il n’a pas compris le rôle de la CENI et le sien. C’est très regrettable pour un fils du pays qui a décidé d’affronter sa nation. Il peut retenir qu’on ne joue pas avec toute une nation car ses sanctions sont souvent diffuses. L’arrogance de Nangaa qui a dépassé les limites, est inexplicable”, a déclaré Mayo à des confrères en ligne. Glissant délibérément une confusion dans les esprits entre la nation congolaise et le groupuscule d’opposants radicaux qui proclament de plus en plus mollement leur hostilité à un processus qui est en train de dépasser le tournant décisif à la satisfaction d’une grande majorité de Congolais.
En réalité, les rangs des radicaux opposés aux scrutins de moins en moins contournables du 23 décembre 2018 se vident comme une peau de chagrin. A commencer par l’UNC de Vital Kamerhe dont « chacun sait qu’elle ne pourra jamais s’offrir le luxe de ne pas participer aux prochaines élections. Le parti de Vital Kamehre prépare sa base aux prochaines échéances, comme l’atteste les propos d’un de ses portes paroles qui affirmait récemment devant la presse que l’UNC dispose de listes des députés provinciaux depuis 2015, qu’il suffit de réactualiser », a expliqué au Maximum un ancien cadre de ce parti politique.
Le même état d’esprit s’observe au sein de l’UDPS/10ème rue, Limete où Félix Tshilombo Tshisekedi et ses hommes n’en mènent pas large sur la question. Le 22 juin 2018, Jean-Marc Kabund, le secrétaire général du parti déclarait encore à Actualités.cd. que « jamais il n’y aurait des élections dans ce pays avec la machine à voter », ajoutant, comme pour se donner une contenance que « La CENI ne peut organiser les élections sans les parties prenantes, nous sommes une des parties prenantes, si la CENI veut organiser les élections uniquement avec la majorité, je sais que le peuple en dira un mot. Nous avons dit que nous n’irons pas aux élections avec cette machine et le fichier dans son état actuel. Ce fichier doit être corrigé ». Avant de rectifier plus que substantiellement le tir 24 jours plus tard, le 24 juin, aussitôt que l’ouverture des BRTC a effectivement eu lieu à Kinshasa : « Nos listes sont déjà prêtes mais nous avons posé des préalables en amont. Il faut que la CENI clarifie la question de la machine à voter, que nous rejetons avec force, et celle du fichier électoral corrompu … », a alors claironné l’adjoint de Félix Tshilombo à nos confrères de 7sur7.cd.
Ici, aucun observateur sérieux ne voit l’aile dite « messianique et familiale » de l’UDPS réitérer les erreurs politiques du passé, lorsque le parti conduit de main de fer par le défunt Etienne Tshisekedi avait choisi de boycotter les scrutins de 2006, abandonnant son électorat à d’autres acteurs politiques de l’opposition, principalement au Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba Gombo. Des signes qui ne trompent pas sont émis à cet effet. Outre que Tshilombo a récemment désigné des mandataires attitrés du parti auprès de la CENI, réagissant à l’attentat dont le Chef de l’Etat Zimbabwéen a fait l’objet le week-end dernier, l’héritier Etienne Tshisekedi s’est clairement prononcé sur les élections en général. « Je condamne fermement l’attaque terroriste sur le Président du Zimbabwe, E. Mnangagwa. J’appelle le peuple Zimbabwéen à éviter le choix de la violence, pour privilégier la voie des urnes, par des élections libres et crédibles. L’Union Africaine doit aider le continent à rejeter ces pratiques », a posté le président de l’UDPS/Tshisekedi sur son compte tweeter. Il serait tout de même renversant qu’après s’être exprimé de la sorte, Fatshi, comme il se surnomme dans les réseaux sociaux, change du tout au tout son point de vue sur les élections s’agissant de son propre pays.
Dans les travées de l’opposition radicale, la résistance à l’appel des urnes et des électeurs s’avérera d’autant plus faible que le Mouvement de Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba, las des tergiversations intéressées d’opposants « alimentaires », se montre déterminé à prendre part à la compétition en décembre prochain.
Demain nous en dira plus.
J.N.
SCRUTINS DU 23 DECEMBRE 2018 : Les opposants fléchissent
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