Quelques semaines après avoir discuté de la situation politique interne de la RD Congo en France et en Belgique, en l’absence notable de ce pays membre de la SADC dont l’Angola occupe la présidence tournante pour un an, Joao Lourenço semble avoir choisi de rentrer dans les rangs en s’alignant derrière le point de vue des Chefs d’Etats de l’organisation. Vendredi 22 juin 2018, à l’ouverture solennelle de la 22ème Réunion de l’Organe de politique, défense et sécurité de la SADC, le chef de l’Etat angolais a déclaré « reconnaître que les avancées enregistrées dans le processus électoral rd congolais ainsi que dans l’application de l’Accord politique du 31 décembre 2016 présageaient un dénouement heureux de la situation politique à Kinshasa ». Joao Lourenço prenait ainsi de nouvelles distances d’avec ses déclarations antérieures lors de son dernier périple européen, qui l’avait conduit en France et en Belgique, notamment. Lesquelles avaient beaucoup déplu à Kinshasa où on n’appréciait guère de voir ainsi un voisin discuter avec les autorités politiques de ces Etats de la lointaine Union Européenne. Le successeur d’Eduardo Dos Santos au pouvoir à Luanda s’était alors laissé aller à évoquer des « raisons sécuritaires régionales » pour soutenir les positions occidentales, considérées rien moins que comme impérialistes par Joseph Kabila, sur la situation politique interne d’un pays membre de la SADC. Exhortant Kinshasa au respect d’accords politiques parce que parrainés (« bénis » avait-il dit en substance) par l’Eglise catholique et invitant son homologue, Joseph Kabila, à ne pas briguer un troisième mandat présidentiel de suite. Même si lui-même trônait depuis peu à la tête d’un parti politique au pouvoir de manière ininterrompue en Angola depuis l’accession de ce pays voisin de la RD Congo à l’indépendance en 1974, c’est-à-dire il y a 43 ans.
Déclarations désobligeantes
Les déclarations de Joao Lourenço en France et en Belgique avaient, de toute évidence, débordé le cadre de ses responsabilités à la tête de l’Etat angolais aussi bien qu’à la présidence tournante de la SADC dont il n’avait reçu aucun mandat pour discuter de la situation d’un Etat membre en Europe. Et Kinshasa n’a pas mis des gants pour protester le plus énergiquement possible.
Le 8 juin 2018, l’ancien ambassadeur de la RD Congo en Angola, Gustave Beya Siku, profitait d’une entrevue d’adieux avec le chef de l’Etat angolais au terme de son mandat pour calmer le jeu. « Il n’existe aucune friction entre l’Angola et la RDC », déclarait à la presse le diplomate rd congolais, rappelant néanmoins que le processus électoral se déroulait normalement dans son pays. Sans toutefois faire oublier à l’opinion que le 26 mai, le chef de la diplomatie rd congolaise, Léonard She Okitundu, avait formellement convoqué les représentants rwandais, angolais et français en RD Congo pour se plaindre du traitement des affaires internes de Kinshasa sans y avoir associé le principal concerné en Europe, relayé de peu dans les médias par le ministre de la Communication et Médias, porte-parole du gouvernement qui. Des conciliabules dans le dos de la RD Congo étaient assimilables à un complot, quoique Joao Lourenço s’en soit défendu avec véhémence par la suite. A l’évidence, un certain froid était perceptible dans les relations entre Kinshasa et Luanda.
Riposte diplomatique de Kinshasa
Lundi 11 juin 2018, She Okitundu, s’était rendu en personne à Luanda où il a rencontré le président Lourenço. Pour l’informer des avancées du processus électoral dans son pays. « Nous sommes dans un processus et nous voulons que les élections aient lieu le 23 décembre », a expliqué à la presse le patron de la diplomatie rd congolaise. Ajoutant que « nous ressentons le besoin d’informer le président Joao Lourenço, en tant que président de l’organe de coopération politique, de la défense et de la sécurité de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) », a-t-il ajouté. Tandis que son homologue angolais, Manuel Augusto, indiquait qu’il était dans l’intérêt de l’Angola que les élections dans le pays voisin se déroulent sans incidents, rétrécissant ainsi à son seul pays des répercussions sécuritaires qui, en réalité, étaient de nature à affecter presque tous les pays de la SADC et non pas seulement l’Angola. C’est peut-être cette appropriation maximaliste et cette transformation d’éventualités en certitudes qui ont dérangé à Kinshasa, selon certains observateurs. Et contraint la RD Congo à y mettre le holà.
Retour à l’orthodoxie
Vendredi dernier, à l’ouverture de la 22ème Réunion de l’organe de politique, défense et sécurité de la SADC, Joao Lourenço est revenu sur le sujet. Pour assurer que « nous croyons que la situation en RDC s’achemine vers un dénouement heureux, autant que nous avons été informés par les autorités congolaises ». Le Chef de l’Etat Angolais et président de l’organe de la SADC estimait en effet que le bouclage de l’enrôlement des électeurs et la garantie du budget pour les élections étaient des signes qui pourraient aider à apaiser les tensions internes et consolider la confiance mutuelle entre toutes les parties.
En fait, Joao Lourenço se réalignait sur les positions officielles de la SADC, de l’Union Africaine et des Nations-Unies qui s’accordent sur la nécessité pour les parties rd congolaises à respecter les accords qui prévoient les élections comme voie de sortie de la crise politique qui a élu domicile dans ce pays.
Au terme de la réunion de la double troïka des chefs d’Etats et de gouvernements de la SADC, le 24 avril 2018 à Luanda, les signataires avaient invité « les acteurs politiques en RD Congo à rester attachés à la mise en œuvre du calendrier électoral et de veiller au maintien d’un climat propice à la tenue d’élections pacifiques et crédibles ». Ils avaient aussi « assuré la République Démocratique du Congo qu’ils continue(ront) à soutenir le processus électoral, le renforcement de la stabilité politique, le maintien de la paix et de la sécurité ».
Il n’y avait pas été question ni d’éventuelles conséquences du climat politique ni des « risques » que susciterait un troisième mandat de Joseph Kabila.
J.N.