La chambre haute du parlement de la RD Congo a voté mercredi 13 juin 2018, moins d’une semaine après la chambre basse, le projet de loi autorisant la convention de coopération militaire et technique avec la Fédération de Russie, signé le 21 juillet 1999, après un débat général et l’économie du texte présenté par le ministre de la Défense nationale, anciens combattants et réinsertion, Crispin Atama Tabe.
Cette convention stipule que la RD Congo et la Russie concrétiseront leur coopération militaire et technique par la livraison d’armements, de matériels de guerre et d’autres biens de destination spéciale. Elle prévoit l’envoi des spécialistes pour concourir à la réalisation des programmes communs dans le domaine militaire et technique.
Expliquant la portée de la convention aux sénateurs, le ministre de la Défense nationale, anciens combattants et réinsertion a souligné la nécessité pour les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) de défendre l’intégrité du territoire national avant d’exhorter le peuple Congolais, à travers ses représentants, à s’approprier cette convention.
L’avantage de ce partenariat stratégique avec la Russie est que les FARDC ont besoin en ce moment d’un nouveau souffle puisqu’elles sont en train de “monter en puissance”, avec les hommes forts et des équipements adéquats, ainsi que des infrastructures modernes, en vue de répondre aux défis multiformes et aux nouvelles formes de menaces contre l’intégrité du territoire, a notamment, expliqué Crispin Atama Tabe. En termes conventionnels, en fait. Parce que derrière la convention ressuscitée avec la Russie (dont la signature remonte pourtant à 1999, sous Mzee Laurent-Désiré Kabila) se cache en réalité le ras-le-bol de Kinshasa.
Embargo de fait depuis 2003
En matière d’approvisionnement en armements, la RD Congo ploie sous un embargo de fait depuis 2003, lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies adoptait la Résolution 1493 qui stipulait notamment que « … tous les États, y compris la République Démocratique du Congo, prendront, pour une période initiale de 12 mois à compter de l’adoption de la présente résolution, les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects, depuis leur territoire ou par leurs nationaux, ou au moyen d’aéronefs immatriculés sur leur territoire ou de navires battant leur pavillon, d’armes et de tout matériel connexe, ainsi que la fourniture de toute assistance, de conseil ou de formation se rapportant à des activités militaires, à tous les groupes armés et milices étrangers et congolais opérant dans le territoire du Nord et du Sud-Kivu et de l’Ituri, et aux groupes qui ne sont pas parties à l’Accord global et inclusif, en République Démocratique du Congo ». En réalité, soucieux de l’affaiblissement militaire de la RD Congo, la communauté internationale, essentiellement euro-occidentale, se garde de vendre des armes autres que létales aux Fardc. Une source au ministère de la Défense Nationale rapporte au Maximum la mission effectuée Europe, par l’alors ministre de la Défense Nationale, Chikez Diemu, pour discuter de cette question de l’approvisionnement des Fardc en armes, au plus fort de la rébellion du Général Kundabatware. Elle se clôtura par une fin de non-reçevoir. Sous prétexte du principe de protection des civils, Kinshasa ne pouvait se procurer des armes, alors que ses agresseurs soutenus par des Etats voisins étaient confortablement équipés.
Demander la permission avant de s’armer
En 2008, le conseil de sécurité donna l’impression d’assouplir l’embargo sur l’importation d’armes de guerre par la RD Congo en adoptant les Résolution 1807 (suivie de la Résolution 2293 en 2016) sans vraiment apporter de modifications substantielles. Puisqu’elle contraignait un Etat membre des Nations-Unies, souverain et indépendant, à notifier préalablement le comité de sanctions de toute commande d’armements !
Depuis les années 2003, les Fardc se procurent de l’armement en contrebande, quasiment, des pays de l’ex. Union Soviétique, particulièrement. C’est ce que dénonçait, fin novembre 2009, le porte-parole du Gouvernement rd congolais. Au cours d’un point de presse, Lambert Mende Omalanga répliquait à la déclaration d’un porte-parole onusien en expliquant que si son pays n’était plus juridiquement sous embargo depuis 2008, dans les faits, la RD Congo ne pouvait toujours pas se procurer des armes auprès des « fournisseurs habituels » « … qui sont spécialement les Occidentaux ». Ces fournisseurs sont soumis à une sorte de code de bonne conduite qui les rend réticents à vendre des armes à un pays qui a figuré sur la liste des pays soumis à un embargo. « Les armes qu’on vues au défilé militaire du 30 juin 2010 – lors de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance – le peuple congolais les a payés parfois 10 fois plus cher que ne les paient ses voisins », avait expliqué le ministre de la communication et médias de la RD Congo.
Mercredi 13 juin 2018, quelque 18 années après, rien n’indique que la situation a évolué. Pour se procurer de l’armement de qualité requis pour la montée en puissance de son armée, la RD Congo a été obligée de se tourner vers la Russie de Vladimir Poutine. C’est en termes plus explicites, ce que Crispin Atama Tabe, le ministre de la Défense Nationale, a dû expliquer aux sages du Sénat pour obtenir le vote de la convention militaire RD Congo – Russie. Comme son collègue de la communication et médias en 2008, le plénipotentiaire rd congolais de la Défense Nationale a, lui aussi, fait état d’un embargo de fait contre son pays. « Quand je suis arrivé au ministère de la Défense, en 2015, le président de la République m’a demandé d’étudier les voies et moyens pour élever le niveau de notre armée nationale. On s’est rendu compte que les accords signés avec nos partenaires traditionnels comme la France, la Belgique et les Etats-Unis, par exemple, ne se limitent qu’à la formation des militaires. Et, selon eux, tant qu’il y aura des groupes armés dans le territoire national, il n’y a aucun moyen de nous livrer des matériels de guerre. C’est un embargo non dit. C’est pourquoi, nous avons estimé qu’il était nécessaire de réveiller cet accord avec la Russie qui va nous permettre d’avoir non seulement de la formation mais surtout de nous doter des matériels nécessaires », a expliqué en substance le ministre de la Défense.
J.N.