Pour la Majorité présidentielle, l’adversaire n’avait pas de visage jusque-là, l’opposition étant à la recherche de son candidat commun. Or, si Jean-Pierre Bemba sort de la prison pour concourir à la prochaine présidentielle (selon les dires d’Eve Bazaïba), les présidentiables de l’opposition devoir revoir à la baisse leurs ambitions… A commencer par Félix Tshilombo, le grand et principal perdant dans ce retour.
Dans une élection à un tour comme en RD Congo, le problème réside dans le partage des responsabilités à la tête des institutions de la République : le Président de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement. A supposer que les acteurs politiques de l’opposition se mettent d’accord au sujet de la présidence de la République, il leur restera à se partage la présidence de l’Assemblée nationale, du Sénat ainsi que la primature. Soit quatre principaux postes seulement, qui rendent laborieux le “partage équilibré et équitable” du gâteau. Aussi, qu’on veuille l’admettre ou pas, le retour de Jean-Pierre Bemba sur la scène politique est de nature à compliquer des calculs déjà complexes.
Au plan «géopolitique», des auto-exclusions sont à retourer.
A l’Ouest (ex-Equateur, ex-Bandundu, Kinshasa et Kongo Central), il est évident que les présidentiables Adolphe Muzito et Martin Fayulu doivent trembler à la seule idée de voir Jean-Pierre Bemba se poser en candidat concurrent à la présidentielle
Autant le premier a déclaré sur RFI «Qu’on le laisse venir remplir sa mission au pays, et créer un nouveau rapport de force parce qu’il est encore populaire, il a une base politique, qu’il joue le rôle qui est le sien au sein de la classe politique congolaise», autant le second s’est illustré par un silence assourdissant en s’abstenant d’apporter son concours au concert de louanges en cours depuis vendredi 8 juin 2018 sur les médias périphériques.
Au Centre (Espace Kasaï), Félix Antoine Tshilombo doit se trouver dans le même état. A l’annonce de l’acquittement du Chairman du MLC, il a préféré stigmatiser la politique pratiquée par la CPI : «Donc, cette CPI, le fait d’être revenue sur ses charges qui ont fait payer dix ans de vie à un individu qui aujourd’hui vient d’être innocenté, ce n’est pas sérieux du tout», a-t-il déploré. Fatshi s’est toutefois abstenu de faire allusion au contexte politique actuel caractérisé par les enjeux électoraux. Mais il ne peut pas ignorer qu’il ne fait pas le poids face à Jean-Pierre Bemba. Et doit avoir conscience que le retour du patron du MLC peut lui faire perdre Kinshasa, le fief qu’il envisageait sans doute de mettre sur la table des négociations avec Moïse Katumbi pour la présidentielle.
A l’Est (ex-Katanga, ex-Kivu, ex-Province Orientale), Moïse Katumbi, «Chairman de l’Est», réalise à ses dépens qu’avec le retour du «Chairman de l’Ouest», le pouvoir resté 32 ans de suite entre les mains des «Equatoriens» risque de leur revenir alors que le Katanga, son Katanga, ne l’aura gardé que 13 ans et demi, 3 et demi sous Mzee Laurent-Désiré Kabila et 10 sous Joseph Kabila, Président de la République élu ; les 2 premières années du Raïs étant dans un pays sous plusieurs administrations et les 3 autres sous le 1+4.
Hélas, à cause de ses ambitions démesurées (il a été retourné contre Joseph Kabila), Katumbi fait subir à l’ex-province cuprifère la sentence biblique de Marc 3 : 24 selon laquelle “Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut subsister».
Certes, il a salué dans la date du 8 juin 2018 «un grand jour pour les Congolais». Il s’est même permis de rappeler les trois visites rendues à Jean-Pierre Bemba sans en indiquer la période. De toutes les façons, ce n’était pas à l’époque où il était gouverneur du Katanga et fédéral Pprd. Mais, au moins, à la différence de Fatshi, il en a appelé à l’unité de l’opposition. «…nous serons unis pour que l’opposition puisse gagner […] Avec cela, M. Kabila va voir que tout le monde est décidé», a-t-il déclaré.
Qu’à cela ne tienne ! Si Herman Cohen a finalement sorti de sa manche la carte Bemba, c’est parce que les lobbies américains pro-Katumbi doivent avoir été déçus de ses prestations, estiment les observateurs.
Toujours à l’Est, Vital Kamerhe a conscience de ne pas avoir des chances pour la magistrature suprême. Tant que la “bagarre” se limitait au tandem Katumbi et Fatshi, il caressait l’espoir de battre l’un et l’autre en misant sur son intelligence. Effectivement, il est intelligent, comme en atteste sa réaction à l’annonce de l’acquittement : «Jean-Pierre Bemba a eu 42% à l’élection présidentielle de 2006, c’est un gros poisson, un costaud. Le vrai jeu politique vient de commencer puisque que Bemba est incontestablement un grand leader de l’Ouest. Et notre pays fonctionne toujours malheureusement Est-Ouest. Maintenant l’opposition doit s’organiser pour avoir un candidat commun […] Bemba, mon frère, il ne faut pas quitter la CPI avec un esprit de vengeance ou avec beaucoup de rancœur. Pardonnez à vos ennemis».
En mettant l’accent sur la donne géopolitique Est-Ouest et le pardon, Kamerhe espère obtenir du Chairman candidat quelque chose. Précisément la primature manquée sous la première mandature de Joseph Kabila entre 2006 et 2011, le Vieux lion Pende – Antoine Gizenga – la lui ayant arrachée via le protocole d’accord Amp-Palu. Vital Kamerhe a conscience du fait que la sortie de Bemba vient laminer ses espoirs pour la présidentielle.
L’acquittement dérange l’Opposition
Face à tous ces enjeux, Jean-Pierre Bemba peut surprendre l’opinion en ne se déclarant pas candidat. Après tout, ceux qui souhaitent le voir affronter la Mp non pas pour son compte mais pour le leur ne lui ont jamais manifesté des signes de solidarité sincères.
En dix ans d’emprisonnement, il n’a été visité par Moïse Katumbi et Adolphe Muzito qu’après séparation d’avec Kabila. Fatshi, bien que résidant en Belgique, ne l’a fait qu’en prévision de la présidentielle de 2011. Vital Kamerhe, au courant du deal proposé par Joseph Kabila à Jean-Pierre Bemba en 2006 lorsque celui-ci avait reçu en sa résidence de Gombe celui-là, n’a été à La Haye que dans la perspective de la même présidentielle.
Bref, l’acquittement de JPB dérange sérieusement la classe politique. Principalement l’opposition. La spontanéité des réactions des opposants présidentiables a tout d’appels du pied qui laissent transparaître des inquiétudes manifestes.
Les présidentiables de l’opposition sont, à coup sûr, en train de méditer sur les propos attribués à un ancien ambassadeur de France par «La Libre Afrique», version katumbiste de «La Libre Belgique». «Bemba, c’est une bombe pour Kabila mais ce n’est pas un cadeau pour la démocratie. Tous ceux qui l’ont côtoyé à Kinshasa quand il était vice-président ou dans le bush quand il commandait la rébellion du MLC, vous le diront. Bemba, c’est un type violent, ce n’est pas la solution qu’il faut aujourd’hui pour la RDC», aurait déclaré ce diplomate non autrement identifié.
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum