Vendredi 8 juin 2018, la Chambre d’appel de la Cour Pénale Internationale (CPI) a décidé, à la majorité de 3 voix sur 5, d’acquitter Jean-Pierre Bemba Gombo des charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour lesquelles il avait été condamné, en 2010, à 18 ans de prison. Après 10 années passées derrière les barreaux en raison des exactions perpétrées par les troupes de l’Armée de Libération du Congo (ALC), la branche militaire du Mouvement de Libération du Congo (MLC), l’acteur politique rd congolais, vice-président de la République entre 2003 et 2006 puis candidat vaincu à la présidentielle 2006 est ainsi acquitté comme par enchantement. La sentence de la CPI, vendredi dernier, a provoqué des scènes de sincères liesses parmi les partisans du « Chairman » à Kinshasa et dans l’ex province de l’Equateur, notamment. Ainsi que de nombreuses réactions parmi la classe politiques.
Par la bouche de son porte-parole, Lambert Mende Omalanga, le gouvernement rd congolais s’est contenté de prendre acte de la décision judiciaire, qu’il s’est néanmoins refusé de commenter. L’autre porte-parole de la majorité au pouvoir, Alain Atundu Liongo, s’est montré un peu plus disert en soutenant que « Jean-Pierre Bemba est une personnalité qui vient bousculer les équilibres au sein de opposition. Sa libération sera plus une préoccupation pour l’opposition plutôt que pour la Majorité Présidentielle », le 9 juin 2018.
Cependant, dans les rangs de l’opposition, la plupart des ténors se sont empressés de publier des messages de réjouissances, d’encouragements et de sympathies. Qui cachent mal un désarroi profond, selon certains observateurs, qui estiment que la remise en liberté du patron du MLC bousculent les ambitions politiques de plus d’un ici : «on voit mal Jean-Pierre Bemba retourner au pays pour se ranger derrière un Félix Tshilombo, Moïse Katumbi ou encore Vital Kamerhe», tranche cet analyste interrogé par Le Maximum le week-end dernier. Il faisait allusion aux propos de Moïse Katumbi Chapwe qui, au cours d’un meeting de sa plateforme électorale quelques heures plus tôt, avait annoncé que les discussions sur une éventuelle candidature unique de l’opposition à la prochaine présidentielle allaient bon train.
Le porte-parole de la Majorité Présidentielle (MP), Alain Atundu Liongo l’a rappelé à des confrères en ligne samedi dernier, de nombreux autres observateurs aussi : les dernières prises de position politiques du chairman du MLC n’ont pas été très accommodantes pour ses collègues de l’opposition. Au moins à deux reprises, de la lointaine capitale des Pays-Bas à la Haye, Jean-Pierre Bemba a pris le contre-pied parfait des atermoiements intéressés de l’opposition rd congolaise en intimant à ses lieutenants restés au pays l’ordre de participer aux concertations nationales organisées au Palais du Peuple de Kinshasa et de signer l’Accord du 31 décembre 2016. Plus tôt que de perdre du temps à marchander des strapontins ministériels : l’homme acquitté au début du week-end dernier par la CPI paraît ainsi animé de l’intention d’aller droit à l’essentiel. Et vite, de préférence.
Dans l’enthousiasme qui a entouré l’annonce de l’acquittement de Jean-Pierre Bemba Gombo, Eve Bazaiba, la secrétaire générale du MLC a annoncé la convocation, le 12 au 13 juin 2018 du congrès qui désignera le candidat du parti à la prochaine présidentielle. Les prédécesseurs de l’ancien condamné de la CPI dans la course au top job en RD Congo se sont empressés de le présenter comme un renfort plutôt que comme leur leader, mais rien n’est donc moins sûr. L’homme a plus de comptes à régler que des amitiés à fêter chez les opposants.
A commencer par Moïse Katumbi Chapwe, le candidat à la présidentielle qui s’est offert un certain nombre de lieutenants ex. MLC à coups de billets verts. Au sein de « Ensemble pour le changement » plastronnent José Endundo Bononge et Olivier Kamitatu, mais également Delly Sessanga. Les deux premiers anciens « amis » de Jean-Pierre Bemba dans la rébellion MLC ont la particularité d’avoir témoigné à la CPI contre leur ancien leader en 2010, rappellent des confrères en ligne. Et le premier rassemblement populaire organisé par les katumbistes a révélé qu’ils ne pèsent guère plus que 3 ou 4 sièges parlementaires, au mieux. Ce n’est pas assez pour traîner JPB dans son sillage.
Même s’il s’est empressé, lui aussi, de saluer un acquittement qu’on ne l’a jamais entendu appeler de ses vœux, l’UNC Vital Kamerhe dont le parti s’est vidé de la plupart des cadres éligibles (qui ont migré chez Katumbi) ne pèse guère mieux. De même que Félix Tshilombo Tshisekedi, « qui a beaucoup perdu de l’héritage politique paternel en se lançant dans une alliance de dupes avec Katumbi », selon cet analyste interrogé par Le Maximum.
S’il est libéré, Jean-Pierre Bemba ne viendra pas renforcer l’opposition. Il confortera sa position (de leader) dans l’opposition.
J.N.