Un incident politico-administratif a opposé, mardi 2 juin 2018, le bourgmestre de la commune de la Gombe à Kinshasa, à la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) autour des banderoles affichées à la devanture du Centre interdiocésain. Elles appelaient les populations kinoises et rd congolaises à s’opposer à un 3ème mandat du président Joseph Kabila et à s’opposer à toute modification de la constitution, carrément. Accompagné de policiers, le bourgmestre de la Gombe a fait arracher les banderoles catholiques, « parce qu’elles avaient été affichées sans l’aval de ses services », s’était-il expliqué sur les ondes des médias locaux un jour plus tard.
L’incident de la Gombe a, naturellement, fait les choux gras des médias périphériques, promptes à l’amplification de tout ce qui concoure à produire une image négative des Etats « immatures » du continent noir, et de la RD Congo en particulier. La désormais affaire « Dolly Makambo » apparaissant comme un cas-type de non-Etat et d’arbitraire au sommet qui a mis aux prises un bourgmestre représentant le pouvoir public et une sorte d’institution supra-légale, l’église catholique romaine de la RD Congo. D’autant plus qu’en réaction à la réaction du préposé de l’Etat, la CENCO s’est fendue d’un communiqué de protestation menaçant le bourgmestre de la commune de la Gombe de toutes les foudres divines de son apanage et de vengeance populaire.
A l’origine de l’incident Dolli Makambo se trouve, cependant, cette initiative cléricale extrêmement politicienne qui consiste à inciter les populations à s’opposer au président de la République en fonction, même sous le prétexte qu’il en serait à son dernier mandat légal. C’est une initiative qui consacre l’arbitraire parce qu’elle procède d’une usurpation du droit à donner lecture des lois de la République, que la même constitution ne reconnaît qu’à la Cour constitutionnelle. « La RD Congo est un Etat laïc », rappelle à ce sujet un professeur de droit de l’Université de Kinshasa, pour indiquer que pour rien au monde l’église, catholique fût-elle, ne devrait s’ériger en instance arbitrale et supra-légale. C’est également la constitution qui le stipule, et la CENCO viole le texte fondamental voté par referendum populaire lorsqu’elle tente de placer ses sympathies politiques particulières à l’ensemble des rd congolais.
Le communiqué, puéril et tiré par les cheveux, rendu public samedi 2 juin 2018 par les catholiques, trahit cette tendance de certains princes de l’église catholique romaine à se considérer comme maîtres après Dieu en RD Congo, estiment certains observateurs. L’argumentaire développé par l’inénarrable Abbé Donatien Nshole, qui confond à dessein la personne de Dolli Makambo à l’autorité publique qu’elle représente conforte cette image d’une église réduite à patauger dans les bas-fonds des caniveaux des luttes d’intérêts politiciens, si humains et si rabaissants. « En RD Congo, la crise des valeurs gangrène jusqu’à la sainte église catholique qui n’est plus du tout une lumière », commente, navré, ce chrétien catholique pratiquant d’une paroisse de la capitale. « Faire croire à la population ou aux fidèles que c’est l’église qui décide de la légalité ou de l’illégalité d’un pouvoir établi n’est pas la meilleure façon de l’éclairer sur le bien et le mal », explique encore ce fidèle formé dans un grand séminaire du pays avant d’intégrer la fonction publique.
Face au bourgmestre de la Gombe, la CENCO a raté une occasion supplémentaire de se taire et de taire ses élans passionnels, et donc traversés de part en part de criardes imperfections. A commencer par cette subtile tricherie qui consiste à placer la constitution adoptée par referendum populaire à l’Accord dit de la Saint Sylvestre, œuvre d’un groupe d’acteurs politiques et de la société civile. Même cornaqué par leurs « saintetés » les évêques catholiques, l’entente politique du 31 décembre 2016, qui du reste stipule expressis verbis qu’il reste soumis à la constitution de la République, ne peut être transformé en l’équivalent du texte fondamental pour les besoins de quelque cause que ce soit, fût-elle de divine inspiration.
La CENCO s’emmêle ridiculement les pinceaux en arguant des droits des particuliers qui auraient été violés par le bourgmestre de la Gombe en arrachant des banderoles affichés dans la juridiction placée sous sa responsabilité. Les droits des particuliers ne sont des droits que parce qu’ils sont régis par la loi, qui en matière d’affichages publiques ne place pas l’église au-dessus de quiconque. Il en est de même de ce juridisme clérical selon lequel « le Centre interdiocésain se trouve dans la concession de la Nonciature Apostolique qui est une ambassade », qui est de nature à faire croire qu’il serait permis à une ambassade d’afficher des messages à l’intention des populations des pays hôtes ! « C’est un peu comme si Nshole voulait faire croire que l’ambassade belge, par exemple, avait le droit de placarder des banderoles relatives aux questions politiques rd congolaises parce qu’elle inviolable », commente en riant ce cadre au ministère des Affaires étrangères. Qui déplore qu’ignorances et errements passionnés de certains de ses princes déteignent si négativement sur l’ensemble de l’église catholique.
Dans l’affaire Dolli Makambo, la CENCO n’est pas sainte, loin s’en faut.
J.N.