En séjour à Paris la semaine dernière, les Chefs d’Etat du Rwanda et de l’Angola, qui président pour un an l’Union Africaine et la SADC, sont à l’évidence allés trop loin. On ne voit pas à quel titre les présidents de ces deux pays voisins de la RD Congo, dont les partis politiques ont explosé tous les délais de longévité à la tête de leurs propres pays, se sont permis de mêler l’hexagone aux problèmes de démocratisation d’un Etat membre des organisations régionale et sous régionale auxquelles la France n’appartient pas. Si ce n’est pour brandir la menace de rééditer les agressions militaires de la fin de l’ère Mobutu en 1996-1997, justifiée par de prétendues préoccupations sécuritaires.
La réponse de Kinshasa aux saillies médiatiques d’Emmanuel Macron et de ses deux pairs africains a été sans équivoque, avec la convocation des ambassadeurs Français, Angolais et Rwandais par le chef de la diplomatie rd congolaise, ainsi qu’un point de presse-mise au point du porte-parole du gouvernement. Pour la première fois depuis de longues années, Kinshasa a publiquement fait état de sa force militaire laborieusement reconstituée et prête à « faire face à toute tentative de déstabilisation, d’où qu’elle vienne, sur son territoire ».
Si le Chef de l’Etat rd congolais, connu pour être peu disert, n’a pas encore bronché contre les menaces à peine voilés d’immixtion dans les affaires internes de son pays, les signaux émis par ses deux collaborateurs parmi les plus proches incitent à réfléchir deux fois plutôt qu’une : Joseph Kabila ne plie pas. Le président rd congolais émet d’évidents signes de raidissement qui indiquent que s’il est prêt à la négociation et à des échanges policés, à l’interne avec les parties prenantes au processus électoral comme à l’externe avec ses partenaires des organisations régionales et sous régionales, il n’entend nullement se laisser traîner par quiconque vers l’abattoir. A l’évidence, le message est passé.
Dans les médias dits mondiaux connus pour leur soutien sans réserve à la gigantesque entreprise néocoloniale occidentale en Afrique, nos confrères de La Libre Afrique se sont inquiétés le week-end dernier de la tenue vestimentaire du Chef de l’Etat rd congolais. « Une tenue militaire », selon Hugues Leclerq, qui surfe et ne se retient pas de fantasmer sur la thèse du complot régional. Le safari, il était en vert sombre le week-end dernier, et la barbe de maquisard de Joseph Kabila remontent pourtant à bien plus loin que les rencontres de Paris entre Macron et « ses nouveaux africains ». Et ne sont pas sans rappeler un certain … Fidel Castro et son pays, Cuba, connu pour avoir tenu tête à l’embargo le plus sauvage jamais imposé à un Etat indépendant par la plus grande puissance militaire mondiale.
Certes, l’«habit ne fait pas le moine, mais c’est par l’habit qu’on reconnaît le moine», dit-on. S’il faut en arriver à en arriver à scruter ce que pense Joseph Kabila à travers ses apparats vestimentaires, il est clair que l’homme s’est raidit. Et il ne manque pas de raisons pour qu’il en soit arrivé là.
J.N.