Le Chef de l’Etat angolais, Joao Lourenço, est arrivé à Bruxelles dimanche 3 juin 2018 dans le cadre d’une visite officielle de 48 heures consacrée au renforcement de la coopération entre son pays et le Royaume de Belgique. A l’agenda du successeur d’Eduardo Dos Santos, des rencontres avec des hommes affaires belges du secteur du diamant, la communauté angolaise de Belgique et du Luxembourg, ainsi que des audiences au siège de l’Union Européenne comprenant des entretiens avec Donald Tusk, le président du Conseil européen. Mais aussi une réunion entre les ministres des Affaires étrangères belge et angolais, une réception par le Roi au Palais d’Egmont, notamment.
Mais Bruxelles semble avoir tout mis en œuvre pour séduire le puissant voisin de son ancienne colonie qui échappe de plus en plus à son contrôle. Lundi 4 juin 2018, Joao Lourenço s’est vu offrir une visite à l’Académie Royale Militaire Belge en compagnie de Didier Reynders, le vice-premier ministre et ministre belge des affaires étrangères. Et la question rd congolaise est, comme à Paris il y a quelques jours, réapparue au centre des préoccupations économique de l’Angola et politiques de la Belgique.
Dimanche 3 juin 2018 à Bruxelles, Joao Lourenço a déclaré que son pays fera tout son possible pour aider les autorités et le peuple rd congolais à vivre en harmonie, dans un environnement favorable au développement du pays. Une déclaration qui aurait paru anodine et dans l’ordre normal des relations entre les deux pays si elle ne plaçait pas l’Angola en posture de parrain de la RD Congo. Alors que la décision de soutenir les efforts de paix déployés au pays de Kabila est le fait d’une organisation régionale à laquelle appartiennent aussi bien la RD Congo que l’Angola, que ce dernier pays dirige dans le cadre d’un mandat rotatif d’un an. Et cela dérange à Kinshasa.
Il l’avait déjà expliqué au cours de son récent séjour parisien et l’a répété sur la chaîne européenne Euronews, comme s’il était pressé par ses hôtes de s’immiscer dans le problème rd congolais. « La RDC a plus de 2500 kilomètres de frontière avec l’Angola. Seulement pour cette raison, il est dans l’intérêt de l’Angola qu’il y ait une stabilité dans ce pays voisin », a déclaré Joao Lourenço, revendiquant ce faisant une sorte de droit d’ingérence pour des raisons sécuritaires qui lui fait épouser sans mettre les gants le point de vue belge et européen sur la situation politique rd congolaise. Le Chef de l’Etat angolais insiste sur le respect de l’Accord politique du 31 décembre 2016, mais seulement en ce que l’entente intra-congolais préconise l’organisation des élections libres en décembre 2018. « Pour faire partir Kabila du pouvoir ». Le respect de la constitution et des lois en vigueur en RD Congo, stipulés dans le même accord, semblent totalement ignorés. « Comme ses nouveaux amis occidentaux, l’angolais prône carrément la substitution de l’Accord de la Saint Sylvestre à la constitution de la RD Congo », ainsi que le fait observer au Maximum un diplomate africain en poste à Kinshasa. « Il existe un accord entre l’exécutif et l’opposition, dont l’Eglise catholique a servi d’intermédiaire, qui exige la tenue d’élections libres le 23 décembre et que l’actuel président de la République ne présente pas sa candidature », a répété Joao Lourenço à Euronews. Ajoutant que le non-respect de cet accord pouvait entraîner des bouleversements politiques et sociaux en RD Congo et dans les pays voisins. «Cette préoccupation ne concerne pas seulement l’Angola mais, en général, de tous les autres pays voisins. Nous sommes neuf, en tout, qui partageons des frontières avec la RDC, et nous suivons de près l’évolution de la situation », a soutenu le successeur d’Eduardo dos Santos à la tête de l’Angola et du MPLA, le parti au pouvoir depuis l’accession du pays à l’indépendance en 1973.
Avec le Rwanda (et bientôt le Burundi où une révision constitutionnelle permet à Pierre Nkurunziza de demeurer au pouvoir jusqu’en 2024 au moins), le Congo-Brazzaville et l’Ouganda, et l’Angola compte parmi les pays où démocratie et alternance avec l’opposition au sommet de l’Etat ne riment pas nécessairement. Loin s’en faut. En mission au siège des Nations-Unies à New York le week-end dernier, Léonard She Okitundu, le patron de la diplomatie rd congolaise, l’a fait observer à Antonio Guterres, le secrétaire général. « La RD Congo est plus avancée que nombre d’Etats de la région en matière de démocratie », a-t-il rappelé à son hôte, comme pour indiquer qu’en la matière son pays n’avait pas de leçons de voisinage à recevoir.
Mais ce n’est pas manifestement pas un déficit démocratique qui est reproché au géant de l’Afrique Centrale, mais plutôt un durcissement du régime politique. « De la démocratie, occidentaux et voisins de votre pays n’ont que faire. Ce qu’ils veulent, depuis toujours, c’est que Kinshasa s’écarte des sentiers de la démocratisation sur lesquels il s’est engagé, contre vents et marées », explique encore, amer, ce diplomate africain. Au cours de son séjour européen, Joao Lourenço l’a déclaré en termes diplomatiques : “Nous sommes disponibles pour continuer à (…) conseiller (le président Kabila), c’est tout, ce ne sont que des conseils, et il est libre d’accepter ou de refuser nos conseils“, a, entre autres, déclaré le Chef d’Etat angolais.
J.N.