Peu préparent les élections, mais les uns après les autres, tous clament leurs candidatures, de préférence à la présidentielle. L’opposition politique en RD Congo s’est enrichie d’un nouveau candidat à la présidence de la République, mercredi 30 avril 2018. Au terme d’un congrès bouclé à la hâte, la Dynamique pour l’unité de l’opposition, une petite plateforme dont le parti le plus important est l’Engagement Citoyen pour le Développement (Ecidé) de Martin Fayulu, a désigné le restaurateur kinois candidat à la prochaine présidentielle. L’élu de Kinshasa se présente ainsi comme le 5ème candidat de l’opposition au top job en RD Congo, après Moïse Katumbi Chapwe, Félix Tshilombo Tshisekedi, Adolphe Muzito, et Mokonda Bonza. Même si la liste semble devoir s’allonger avec les candidatures attendues de l’UNC Vital Kamerhe dont le congrès du parti a été reporté de justesse à une date ultérieure il y a 48 heures, et sans doute d’autres leaders de la même opposition. Chez les « mécontents » de la RD Congo, tout le monde veut devenir candidat président et place la barre plutôt haut, pour négocier ensuite. Après son élection prévisible, mercredi dernier, Martin Fayulu s’est empressé de rassurer ses collègues de l’opposition : sa désignation n’excluait pas des négociations en vue d’une candidature unique de l’opposition à la prochaine présidentielle, a-t-il décrété.
Mais il n’empêche que cela fait désordre, dans l’esprit des sympathisants et néanmoins futurs électeurs, que l’unité de façade d’une opposition truffée de « présidentiables » ne trompe guère. Au finish, « ce sont ces leaders manifestement maximalistes et peu réalistes qui perdent tout crédit auprès de l’opinion », selon cet observateur désabusé de l’arène politique rd congolaise. Parce que Martin Fayulu candidat président de la République, cela fait sourire plus d’un à Kinshasa, en particulier. Connu pour ses activités commerciales, dans la restauration et la vente de carburant, Martin Fayulu Madidi se lance en politique au début des années ’90, à la faveur d’une Conférence Nationale Souveraine qui se révéla aussi un véritable fourre-tout. Sans surprise, le jeune acteur politique de l’époque passa quasiment inaperçu au milieu de nombreux figures de proue qui surent tirer profit de la médiatisation de ces assises nationales.
C’est seulement à la faveur des premières élections démocratiques organisées en 2006 que le patron de Faden House, le restaurant situé Place Rond-Point Forescom à Kinshasa et fréquenté par la crème de la jeunesse-vedette de la capitale, que le président de l’Ecidé se fait doublement élire député national et député provincial. Convoitant les fonctions de Gouverneur de la ville province de Kinshasa pourtant occupé par son « ami » André Kimbuta Yango, Fayulu cède son fauteuil de la chambre basse du parlement à un de ses suppléants et siège à l’Assemblée provinciale. Dans l’organe législatif provincial, Fayulu qui émarge sur les listes de l’Alliance de la Majorité Présidentielle (AMP) s’illustre en s’attaquant systématiquement au Gouverneur de la Ville de Kinshasa, multipliant interpellation sur interpellation. Mais rien n’y fait. Si l’amitié entre les deux kinois originaires de la même province du Bandundu en prend un sale coup, le fauteuil occupé par celui que les kinois surnomment affectueusement le « haut sommet »ne vacille pas. Les législatives de 2011 surprennent le patron de l’Ecidé vociférant contre le sort injuste qui est le sien. L’homme ne tarde pas à quitter les rangs de la majorité et se représente aux législatives. Fayulu est élu député, grâce à quelques milliers de votes (moins de 5000 voix) exprimés essentiellement par les originaires de son Bandundu natal dans la circonscription de la Tshangu. Mais le président de l’Ecidé est, encore une fois, le seul et unique élu de son parti politique. Ce n’est qu’à la faveur de négociations, qui furent laborieuses selon des témoins, qu’un élu indépendant de la capitale enrichira la liste de l’Ecide d’un siège supplémentaire à la chambre basse du parlement.
Le candidat de l’Ecidé à la prochaine présidentielle, qui est donc le collègue de Moïse Katumbi Chapwe, Félix Tshisekedi, et autres, pèsent donc en tout et pour tout un peu moins de 5.000 voix glanées à Kinshasa. Mais, pour accéder au top job, Fayulu ne compte sûrement pas sur les voix des électeurs rd congolais, comme beaucoup parmi ses collègues de l’opposition, du reste. Fayulu candidat président de la République, c’est une posture de négociations en vue du partage du pouvoir. Pas pour être élu par qui que ce soit, puisque personne ne le gratifiera de plus de 10.000 petites voix. La carte du président de l’Ecidé n’est donc pas électorale ainsi qu’il l’a prouvé aussitôt désigné, mercredi dernier à Kinshasa : « À la lumière de tous les signaux négatifs et plus qu’inquiétants que la mouvance Kabiliste envoient, la Transition sans Kabila est une urgence. Seule la transition sans Kabila est la voie indiquée pour mettre fin à l’impasse politique inutile actuelle», a-t-il proclamé. Il ne s’agit pas, pour le restaurateur kinois, de se préparer à se faire élire président de la République, mais de préparer une accession à un top job laissé vacant par Joseph Kabila.
J.N.