Au terme d’une rencontre à Paris le 23 mai 2018 avec son homologue rwandais, le Chef de l’Etat Français, Emmanuel Macron, s’est laissé aller à déclarer son soutien à une initiative prise par Paul Kagame, en lien étroit avec le président Angolais Joao Lourenco, sur la RD Congo. Sur le continent, les temps ont changé, la perception des relations entre les jeunes Etats africains et leurs anciennes colonies, aussi. De moins de dirigeants africains consentent à se soumettre au diktat de la bonne vieille françafrique à laquelle Emmanuel Macron prête le flanc avec insistance ces dernières semaines. A Kinshasa, les déclarations du jeune Chef de l’Etat de l’Hexagone ont plutôt déplus. Samedi 26 mai 2018, le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Léonard She Okitundu, a convoqué les représentants angolais, rwandais et français sur la question. Interrogés à la sortie de l’audience au ministère des affaires étrangères à Kinshasa, les diplomates africains se sont montrés plus que réservés, ne révélant guère le contenu des échanges avec le chef de la diplomatie rd congolaise. Seul le diplomate français s’est lancé dans une prose laborieuse en tentant de situer les propos d’Emmanuel Macron dans le contexte de réchauffement de relations entre la France et le Rwanda, indiquant néanmoins qu’il s’agissait de considérations bilatérales entre les deux Etats.
Des explications qui n’auront pas suffi pour Kinshasa. Lundi 28 mai 2018, le ministre de la Communication et Médias et porte-parole Gouvernement, Lambert Mende Omalanga, a consacré un point de presse à ce qu’il convient de qualifier d’incident diplomatique de Paris. Même si le plénipotentiaire rd congolais s’est systématiquement refusé à parler de colère ou de mécontentement de Kinshasa consécutifs aux propos d’Emmanuel Macron évoquant une sorte d’entente franco-rwando-angolaise sur la RD Congo. Lambert Mende a néanmoins laissé entendre que le gouvernement s’interrogeait sur le contenu d’échanges le concernant, auxquels il n’a pas été associé et dont il n’a pas été tenu informé. « Nous avons interrogé les représentants des trois pays concernés et nous attendons leurs réponses. Ce n’est qu’après que nous aviserons », a expliqué Lambert Mende à la presse réunie à cet effet.
En attendant ces occurrences, Kinshasa a bel et bien émis une sorte de mise en garde, en rappelant les sacro-saints principes de souveraineté sur lesquels sont fondées les relations internationales. Que Macron et son homologue rwandais ont manifestement mis à mal au cours de la rencontre parisienne, le 23 mai 2018. Et, quoique s’en défende Lambert Mende, ses propos ont pu paraître comme un rappel à l’ordre, tout de même, Kinshasa estimant que nul ne devrait se préoccuper de son sort plus que lui-même.
Ci-après, l’intégralité du point de presse du porte-parole du gouvernement de la RD Congo.
J.N.
POINT DE PRESSE DU MINISTRE DE LA COMMUNICATION ET MEDIAS
KINSHASA, 28 mai 2018
Mesdames et Messieurs de la presse,
Notre communication de ce jour va s’articuler autour de la lecture de la récente déclaration du Président français, Emmanuel Macron ainsi que de l’agitation que suscite dans divers milieux hors de notre pays et de notre région l’approche des élections générales en RDC.
En effet, en observateurs avertis de l’actualité tant nationale qu’internationale que vous êtes, je suis fondé de croire que les controverses, le malaise voire la colère ainsi que les interrogations exprimés par bon nombre de nos compatriotes à la suite des propos subliminaux et, disons-le, pleins d’ambiguïté tenus le 23 mai dernier par le Président de la République française lors du point de presse ayant sanctionné la visite effectuée dans son pays par le président du Rwanda, par ailleurs président en exercice de l’Union Africaine, n’ont pas glissé sous la carapace de votre indifférence.
Le Gouvernement congolais, également surpris, ne pouvait être du reste. C’est ainsi que durant le week-end, le Vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires Étrangères et Intégration Régionale a convoqué trois chefs de missions diplomatiques représentant les pays cités dans cette déclaration pour obtenir des clarifications et des explications en rapport avec ladite déclaration relative à une initiative de deux Chefs d’Etats africains sur la RDC mais dont les autorités de la RDC ne seraient pas partie prenante.
Voilà, la question a été posée en ces termes aux 3 pays.
En attendant des explications à ce sujet, le Gouvernement par ma voix, tient à faire la mise au point ci-après pour fixer l’opinion nationale à ce sujet :
En liminaire, il sied de rappeler que l’égalité souveraine des États proclamée par la Charte des Nations Unies est un principe intangible; un horizon indépassable des relations internationales et un dénominateur commun dans les relations entre tous les États. En vertu de ce principe rappelé, aucun État n’a le droit de s’arroger unilatéralement ou via des arrangements ou des alliances particulières, une responsabilité sur le destin d’un autre État.
Ceci étant, nous saisissons cette occasion pour redire, à l’intention de tous les nostalgiques de l’ordre colonial, que le péché originel fondateur de l’état indépendant du Congo durant la période des conquêtes barbares et qui a voulu réduire notre pays au rang d’un simple comptoir des matières premières ou en un pandémonium de quelques grandes puissances de l’époque avec le droit de préemption sur le territoire de l’actuelle RDC pour certaines, ce péché originel a été expié depuis par le sang et le sacrifice de nos martyrs et de nos Héros qui à l’instar de Patrice Lumumba, ont payé le prix le plus élevé que l’on puisse imaginer pour l’indépendance et l’auto-détermination du peuple congolais qu’on aurait tort de considérer comme de simples figures de style.
Les connivences, les combinaisons et les tentatives de dépossession des Congolais au profit des groupes d’intérêts extérieurs dans le but de promouvoir des besoins stratégiques de groupes d’influence en intelligence avec des prédateurs notoires dont certains ont par ailleurs déchiré, de manière ostentatoire et sans sourciller, le brevet de la démocratie dans leurs propres pays, ne sauraient en aucune manière nous intimider ou avoir raison de notre détermination à poursuivre le combat engagé par notre peuple pour prémunir notre pays contre leurs appétits voraces.
La RDC est jalouse de sa souveraineté et ne laissera personne, État ou groupe d’intérêts, en Afrique ou hors du continent, s’ingérer dans ses affaires intérieures et se substituer au peuple congolais pour décider de son devenir.
Le scénario écrit depuis des lustres nous est connu par avance : à chaque époque où notre peuple s’efforce de se doter des atouts nécessaires pour sortir de la logique accidentelle de l’histoire qui veut le maintenir dans ce rôle de colonie d’une certaine communauté internationale, il ne manque jamais des nostalgiques de la loi de la jungle pour rééditer les épisodes sanglants d’un passé révolu et justifier leur volonté atavique de sacrifier la souveraineté de notre pays sur l’autel des intérêts aux antipodes de ceux du peuple congolais en se parant des oripeaux de quelques principes cyniquement sélectionnés du droit international.
Ainsi, depuis peu, quelques illusionnistes qui prétendent vouer un amour débordant et sans limites pour le peuple congolais ont un nouvel alibi: le processus électoral qu’ils ont décrété on ne sait trop sur quelle base, notre peuple incapable de conduire seul à bon port et pour lequel il doit être aidé par eux. Ce prétexte fallacieux est devenu la nouvelle fenêtre d’opportunités ouverte qui leur donnerait ainsi le droit de fouler aux pieds tous les principes aussi bien juridiques que moraux, au point d’absoudre les péchés des pillards, d’en faire des alliés, de magnifier leurs vitrines dans lequel ils vont du reste s’approvisionner allègrement.
Au demeurant, ces nouveaux conquistadors maquillent leur croisade dans une propagande nauséabonde, car ils n’ont pas l’honnêteté intellectuelle de dire qu’une élection n’a pas nécessairement pour vocation de mettre fin à un type de gouvernance surtout lorsque celui-ci continue à bénéficier d’une onction populaire chaque jour renouvelée. Une élection reste un moment d’offre politique pour permettre en toute conscience à un peuple de se choisir des dirigeants. Tel n’est pourtant pas l’entendement de ces prestidigitateurs si l’on met en parallèle certaines déclarations belliqueuses récentes d’un diplomate retraité américain qui tente ces dernières années de se recycler laborieusement dans des activités de lobbying stipendiées et qui n’aurait pas mis les gants pour dessiner l’avenir immédiat de notre pays.
Dans tous les cas, Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une énième manifestation de cette espèce de pulsion convulsive qui consiste à renvoyer de manière frénétique et systématique la RDC dans un monde de ténèbres car la prospérité et la paix dans ce pays seraient synonyme de frein à la boulimie des prédateurs de ses richesses et à ceux qui leur servent de chevaux de Troie sur notre continent.
Ceci dit, il importe que le peuple congolais, malgré quelques divergences sommes toutes passagères, prenne définitivement conscience que son bonheur se trouve entre ses propres mains. Dès lors, les messes basses et les complots à ciel ouvert contre la souveraineté de notre pays tout comme la propagande des marchands d’illusions qui se drapent dans une espèce de compassion propre à tout prédateur devraient interpeller la conscience de tout Congolais digne de ce nom et faire l’objet d’un questionnement à plus d’un titre afin de définir ensemble les stratégies destinées à contrer tous les charognards qui prétendent se pencher sur le chevet de notre pays dont ils veulent faire un patient endémique en attendant sa mort programmée pour remplir les assiettes de leur festin.
À l’intention des pays frères africains qui croient tirer leur épingle du jeu en participant d’une façon ou d’une autre à des projets de déstabilisation de leurs voisins par certaines puissances non africaines qui veulent contre toute évidence faire admettre qu’on peut exporter la démocratie par les canons, nous disons qu’il n’y a rien de nouveau dans ce jeu malsain qu’on tente de leur faire jouer. Le défunt président zaïrois, le Maréchal Mobutu s’y était prêté en offrant il n’y a pas si longtemps depuis notre territoire des facilités pour aider à imposer le maintien de l’Angola dans le giron occidental au plus fort de la guerre froide. Il a aussi permis l’installation de bases militaires dans l’actuelle province du Haut-Uelé pour la partition du Soudan qui a résulté in fine à la véritable boucherie humaine actuelle au Sud Soudan qui évidemment n’intéresse plus ceux qui ont patronné la partition de ce pays voisin. L’on se souvient également que Mobutu avait même envoyé la fine fleur des forces armées zaïroises intervenir aux côtés d’un des belligérants dans le conflit rwandais qui a dégénéré avec le génocide de 1994 de triste mémoire. Tout cela dans l’espoir naïf de tirer une rétribution substantielle pour son régime. On sait de quelle manière il a été jeté, tel un Kleenex, dans les poubelles de l’Histoire après avoir été utilisé par ceux-là même qui lui faisaient croire qu’il était leur partenaire de prédilection.
Ces expériences malheureuses très récentes devraient inspirer la génération actuelle des Africains à comprendre ce qui suit :
(1) les États n’ont que des intérêts, pas d’amis
(2) la RDC tout comme certains autres pays africains ci et là connaissent certes des problèmes, mais aucune solution importée du dehors de leurs frontières ne pourra y apporter des réponses durablement favorables à leurs peuples.
C’est ce que Patrice-Emery Lumumba d’heureuse mémoire nous a inculqué en insistant pour que l’histoire de l’Afrique soit écrite en Afrique par les Africains et non à Bruxelles, à Paris, à Londres ou à Washington.
(3) les pays Africains qui se hasarderont à servir de tête de pont ou de sous-traitants à des stratégies extérieures hostiles à la RDC élaborées ailleurs seront toujours payés en monnaie de singe, en plus de la résistance farouche du peuple congolais à laquelle ils devront s’attendre.
(4) l’Union Africaine et la CIRGL sont les seuls cadres de concertation et d’élaboration des politiques communes aux États Membres. Il ne serait pas de bonne politique de s’en servir comme instruments à la disposition des intérêts particuliers de ceux que nous, États Membres, désignons pour coordonner le temps d’un mandat nos actions au nom et pour le compte de TOUS lesdits États membres.
Plaise au ciel que la position sur la situation en RDC soit celle définie par ces organisations régionale et sous-régionale en plein accord avec la RDC elle-même qui, de ce fait ne peut que la soutenir, et non pas celle particulière aux deux Etats membres cités par le Président Macron dans sa déclaration.
Si tel n’est pas le cas, le peuple congolais s’assumera comme par le passé car la sagesse africaine nous apprend que si l’on voit un lion déborder de gentillesse à l’approche d’un troupeau de brebis, il faut s’en méfier car cela n’est pas l’expression de l’amour envers le troupeau mais plutôt celle d’un appétit vorace dissimulé derrière un simulacre de compassion qui cache mal sa réputation de prédateur. Et quand un prédateur se met à jouer au vigile ou au protecteur dans la proximité d’une bergerie, il revient aux bergers de doubler de vigilance.
Les Congolais ont donc tout intérêt d’aiguiser davantage le sens de leur patriotisme pour ne pas retomber dans ce piège de l’allégorie du lion, ici de ceux qui, depuis certaines capitales occidentales feignent de jouer au médecin perpétuel au chevet de leur patient éternel la République Démocratique du Congo.
Je vous remercie.
Lambert MENDE OMALANGA
Ministre de la Communication et Médias
Porte-parole du Gouvernement