Kamitatu, Fayulu, Kalombo, invalidés pour absence prolongée et non justifiée
La décision valisée par la plénière de l’Assemblée nationale, vendredi 11 mai 2018 a tout l’air d’une grosse lapalissade, parce que de toutes façons les députés invalidés avaient déserté l’hémicycle du Palais du Peuple pour rejoindre la rue ou « s’exprimer » en sifflant ou en tapant sur les casseroles à des heures indues, depuis belle lurette. Mais elle a tout de même été prise. Manifestement pour « régulariser » la situation. Les députés opposition (katumbistes ou assimilés) Olivier Kamitatu, Martin Fayulu et Francis Kalombo ont été invalidés pour absence prolongée et non justifiée aux plénières. Dans l’opinion à Kinshasa en particulier et surtout à l’intérieur du parti, la décision de la plénière a suscité des réactions en sens divers. Pour les uns, elle n’est pas du tout une surprise, les élus nationaux sanctionnés s’illustrant depuis plusieurs années par leurs prestations hors hémicycle et ayant délibérément déclaré leur volonté de quitter une institution à leurs yeux « illégitimes » en dépit des normes constitutionnelles. Incapable de renverser le rapport des forces dominé par la majorité au pouvoir, malgré les départs tonitruants d’anciens alliés du G7, par exemple, c’est en rameutant la rue plutôt qu’en affrontant leurs collègues au cours des plénières que les députés invalidés auront accompli leurs mandats législatifs. Qui auront donc été nuls sur le plan de la production. Pour les autres, ceux qui ne savent pas que les élus sont soumis à un règlement intérieur régissant leur comportement au sein de l’Assemblée nationale qui les oblige à prendre part aux plénière afin d’y apporter leurs contributions au travail législatif, l’invalidation des Katumbistes a pu paraître une « décision à caractère politique ». Une conception totalement erronée : « le mandat électif reçu de la population s’exerce à l’Assemblée nationale, pas dans la rue, ni dans une quelconque plateforme réformiste ou révolutionnaire », explique au Maximum un sénateur de la majorité au pouvoir. C’est pourtant cette conception erronée que revendiquent quasiment les députés sanctionnés. Dont nul ne peut honnêtement jurer qu’ils représentent tous des lumières dont cette institution devrait être fière.
Député élu sur les listes du PPRD en 2011, Francis Kalombo Nkole, l’ancien président des jeunes du parti présidentiel qui a tôt fait de rejoindre le camp de Moïse Katumbi assure que « c’est une décision bien ciblée. Ils ont visé les proches de Moïse Katumbi, Olivier Kamitatu et moi ». C’est pourtant de notoriété publique à Kinshasa, Francis Kalombo séjourne en Europe depuis plusieurs années maintenant, près de 4 ans, en fait. Mais cet élu kinois qui a défrayé la chronique en décrochant « en un clin d’œil » un diplôme de droit à l’Université Pédagogique Nationale (UPN) n’en soutient pas moins que ses absences sont « justifiées » même après qu’il eut annoncé à grand renfort de publicité son départ délibéré du PPRD, le parti sous les couleurs duquel il avait été élu, ce qui constitue en soi un motif valable d’invalidation au regard de la loi et du règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Même son de cloche chez Martin Fayulu Madidi. Chez des confrères en ligne, l’homme est resté égal à lui-même en se déclarant de manière tonitruante « non affecté » (sic !) par la décision de la plénière. Ce chef d’un petit parti politique kinois dont il est le seul élu depuis plus de 10 ans, mais qui fait autant de bruit que 30 élus réunis est en effet tout sauf une référence parmi les législateurs rd congolais. « L’Assemblée est illégitime. J’ai terminé mon mandat depuis février 2017, on a eu un sursis de quelques mois par l’accord de la Saint-Sylvestre qui a dit qu’il fallait avoir les élections au plus tard en décembre 2017, et il n’y a pas eu cette élection. Aujourd’hui cette institution est totalement illégitime et illégale, donc cette décision ne veut absolument rien dire pour moi. Je ne suis pas affecté parce que c’est moi qui suis parti pour cause de mandat terminé, d’illégitimité et illégalité. C’est une institution qui est dans un processus de coup d’Etat. Moi, je ne peux pas faire de coup d’Etat. J’ai pris mes responsabilités », soutient carrément le restaurateur kinois versé dans la politique politicienne. Comme si il lui appartenait à titre individuel le droit de mettre fin au mandat lui accordé par ceux qui l’avaient élu. Ses électeurs apprécieront. Interrogé par nos rédactions, un résidant de Kingasani, un quartier de la Tshangu où Fayulu glane habituellement l’essentiel de ses votes parmi les originaires de sa tribu bandundoise s’interroge, plutôt excédé : « et s’il y avait un vote au parlement pour déloger les riverains du boulevard Lumumba, qui nous défendrait ? ». Pas Fayulu, assurément. « Son mandat d’élu en poche, il se croit omnipotent et omniscient, exégète de la constitution et des règlements parlementaires, qu’il lorgne des fonds de ses casseroles de restaurateur », déplorait, goguenard, un député national de la majorité présidentielle interrogé par Le Maximum.
Kamitatu, Fayulu et Kalombo ne sont ni les seuls ni les premiers députés invalidés pour raison d’absentéisme. En 2013, l’Assemblée nationale avait déjà mis fin aux mandats de député d’Eugène Diomi Ndongala, Antipas Mbusa Nyamuisi, Félix Tshilombo Tshisekedi, Claude Iringa et Jean Maweja.
Des sources au bureau de la chambre basse du parlement renseignent, du reste, que des enquêtes relatives aux absences prolongées des députés Adolphe Muzito, Dany Banza et Ne Mwanda Nsemi, Makutu, Sherushago, Lofimbo sont en cours et devraient livrer leurs conclusions dans les jours qui viennent.
Egalement visés pour les mêmes motifs, les députés Sam Bokolombe, Didier Molisho, Shelina Mwanza, Jacques Mokako et Moghole ont, eux, dûment justifié leurs absences.
J.N.