599 partis politiques, 77 regroupements politiques. Tels sont les chiffres repris sur la liste officielle rendue publique vendredi 11 mai 2018 par le Journal Officiel. Qui est donc opposable à tous, selon les textes légaux en vigueur en RD Congo, et sans doute ailleurs à travers le monde. Nul n’a manifestement été oublié, en ce compris dans les travées de l’opposition politique radicale où, jusqu’il y a quelques jours encore, le katumbiste Kyungu wa Kumwanza se répandait en jérémiades publiques sur le sort injuste qui les frapperait, son mentor Moïse Katumbi, lui-même et leurs amis de « Ensemble pour le changement ». Au cours d’un point de presse, le même vendredi 11 mai à Lubumbashi, cet acteur politique au parcours inénarrable depuis la période de la dictature mobutiste trahissait en même temps toutes les limites de ces accusations contre la majorité présidentielle au pouvoir dans son pays, puisqu’au moins, il s’avère qu’il ne lui est pas interdit de s’exprimer en toute liberté. Ni à lui, ni à quiconque d’autre à travers le pays, on ne peut pas ne pas le constater. Ce qui n’a pas empêché l’ancien président de la défunte Assemblée provinciale du Katanga d’égrener la série de poursuites dont fait l’objet son candidat à la candidature à la présidentielle : « Moïse Katumbi fait actuellement l’objet de cinq accusations. Stoupis avec le dossier d’immeubles, les 600 mercenaires restés inconnus de nous tous, la nationalité italienne, ses affinités avec John Tshibangu et finalement son implication dans une tentative de rébellion à Aru. C’est une série de comédies montée de toutes pièces par la mouvance en face qui a perdu la tête. En tout cas, nous sommes devenus un peuple en danger avec une Majorité qui tient à tout prix à nous malmener». « Nous malmener » ? L’affirmation gagnerait à être relativisée depuis la publication de la liste des partis et regroupements politiques agréés, le week-end dernier. Le « Nous », ce pluriel derrière lequel se dissimule une seule et même personne, Moïse Katumbi, se trouve en effet vidé de sa substance. Parce que la liste rendue publique reprend tous les trois regroupements politiques qui composent la plateforme dite électorale de l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga. Le Groupe des 7 partis politiques qui avaient fait défection de la majorité présentielle, dont l’Unafec de Kyungu wa Kumwanza, mais aussi l’Alternance pour la République de Delly Sessanga et l’Alliance des Mouvements Kongo d’André Claudel Lubaya comptent bel et bien parmi les partis et regroupements politiques autorisés à compétir aux scrutins combinés de décembre prochain. Autrement dit, tous peuvent « participer aux élections à tous les niveaux », selon l’expression consacrée dans la classe politique en RD Congo : aux législatives nationales et provinciales, et à la présidentielle fixées au 23 décembre 2018. En attendant les autres scrutins qui se tiendront courant 2019.
Katumbi, seul face à son sort
Chez les katumbistes, seul donc le cas Moïse Katumbi, candidat à la candidature à la prochaine présidentielle pose problème. De fait, on peut le dire sans risque d’être démenti. C’est un cas désespéré. L’homme ne remplit simplement pas les conditions requises pour se présenter à une élection présidentielle en RD Congo, selon les lois en vigueur dans le pays. L’enjeu se résume donc finalement dans un choix : sacrifier tout le monde au nom de la candidature d’un individu (que la plateforme peut bien remplacer par un autre qui porte ses idéaux) ; ou participer aux scrutins sans Moïse Katumbi Chapwe. Soit, les katumbistes boycotteront les prochains scrutins électoraux au motif que la candidature de leur candidat n’aura pas été retenue ; Soit, qu’ils dédaigneront cette politique de la chaise vide qui, comme chacun le sait, profite toujours à d’autres. La seconde hypothèse est la plus plausible, selon les analystes. Qui se fondent sur le fait que depuis les années des indépendances en 1960, aucun acteur politique de la RD Congo n’a jamais sacrifié sa propre survie politique immédiate à quelque idéal que ce soit. Rares sont les plus chauds des partisans de Patrice Emery Lumumba qui aient dédaigné postes et honneurs politiques après l’assassinat démocraticide du 1er premier ministre du jeune Etat en janvier 1961. Personne ne voit donc les Kyungu, Sessanga, Kamitatu, et autres consentir à subir 5 années de chômage politique au nom des prébendes de Moïse Katumbi, qui se dit-on, ne sont sûrement pas inépuisables. Entre subsister politiquement et ainsi préserver la possibilité d’exister politiquement en attendant de voir venir, et se sacrifier pour une durée impossible à déterminer pour les beaux yeux et la tire-lire de Moïse Katumbi, beaucoup dans « Ensemble pour le changement » devraient opter pour le réalisme. La possibilité de se faire élire sans Katumbi scelle le sort politique du candidat à la candidature à la prochaine présidentielle.
Meeting de redevabilité à Kinshasa
Certes, les katumbistes, qui racontent à qui veut les entendre qu’il ne se tiendra pas d’élections en RD Congo sans leur candidat, donnent l’impression de pouvoir affronter les incertitudes qui minent la candidature de leur mentor. Mais peu dans l’opinion croient en ce qu’on considère comme des rodomontades, simplement. « Parce qu’il ne se tenait pas d’élections, cela ne signifie nullement que ce sont Moïse Katumbi et ses amis qui seront au pouvoir. C’est toujours Joseph Kabila et sa majorité qui dirigeront le pays », fait observer pertinemment ce combattant de l’UDPS/Tshisekedi, interrogé par Le Maximum. De fait, comme pour ne pas demeurer totalement en reste des compétitions électorales qui s’annoncent, les katumbistes annoncent un meeting populaire le 2 juin 2018. La manifestation devrait se tenir au même endroit que celle du même genre animée par Félix Tshilombo Tshisekedi et ses partisans il y a quelques semaines. Elle sera un véritable test de popularité pour les petits partis politiques kinois qui ne pèsent pas plus d’un député chacun à Kinshasa et ne devraient pas bénéficier de l’apport en supplétifs des UDPS, selon les observateurs. Mais il s’agit surtout, estime-t-on, d’une sorte de meeting de redevabilité : « il faut bien justifier les prébendes régulièrement versés par le richissime ex gouverneur de l’ex Katanga », avance cet observateur qui est d’avis que cette manifestation sera décisive pour la survie de la plateforme katumbiste.
J.N.