Trois tentatives insurrectionnelles infructueuses en décembre 2017, puis en janvier et février 2018, le Comité laïc de Coordination (CLC), un mouvement subversif que le cardinal archevêque de Kinshasa a tenté d’accoler aux structures officielles de l’église catholique romaine de la RD Congo, le CLC annonce son retour sur scène. Sous prétexte que les élections législatives nationales et provinciales, autant que la présidentielle prévues le 23 décembre 2018 « pourraient ne pas se tenir à bonne date ». C’est la substance d’un communiqué rendu public le 1er mai 2018 par la nébuleuse qui a tenté d’embraser Kinshasa et certaines agglomérations du pays en organisant des manifestations publiques qui partent de partout à la fois vers nulle part. Le document rendu ainsi porté à la connaissance de l’opinion à partir de Kinshasa marque en réalité une restructuration du mouvement qui a déclaré, sans que l’on sache s’il faut le croire, avoir étendu sa représentation aux villes de Mbandaka, de Lubumbashi, de Kananga, de Bukavu et de Kisangani, en plus de Kinshasa la capitale. En même temps qu’il essaie de s’affranchir des limites de l’église catholique compte tenu de la réticence de nombre de diocèses du pays à recevoir des injonctions de ce « groupuscule sorti de nulle part » en s’ouvrant à l’ensemble des « chrétiens » de la RD Congo.
Mais l’aventure paraît aux yeux de certains observateurs aussi hasardeuse que par le passé. Depuis notamment que par la bouche de son secrétaire général, Jean-Marc Kabund, l’UDPS/Tshilombo a quasiment brûlé la politesse au belliqueux cardinal Monsengwo et à ses mousquetaires du CLC en révélant que c’étaient en réalité les combattants de ce parti qui garnissaient les travées des églises avant de déferler sur les avenues de Kinshasa, bibles et chapelets en mains. A eux seuls, l’archevêque kinois et son CLC ne pèsent guère, dépassé les limites d’un certain nombre de paroisses proches du centre des négoces à dans la capitale. « Dépassé le pont sur la rivière Ndjili, aucun fidèle catholique n’est disposé à suivre les incantations de Monsengwo et des hommes », assure au Maximum ce chrétien d’une paroisse de Kingasani sur la route de l’aéroport de Ndjili. Or, c’est ici, dans le district de la Tshangu, que se tâtent les pouls révolutionnaires de la capitale de la RD Congo, depuis le Mzee Laurent-Désiré Kabila, estime-t-on.
Non seulement les fidèles catholiques kinois et en provinces semblent peu disposés à se lancer dans une aventure anti-électorale sans avenir, mais aussi, certains partis politiques qui approvisionnaient le CLC en supplétifs pour insurrections. Comme l’UDPS de Tshilombo. Récemment élu à la tête d’une frange du parti paternel, le fils d’Etienne Tshisekedi a tôt fait de reconduire Jean-Marc Kabund à la tête de l’administration d’un parti politique dont les combattants ne jurent que par la prochaine présidentielle. Difficile donc, voire impossible, de compter à nouveau sur leurs « combattants » pour soutenir les tentatives insurrectionnelles projetées sous prétexte que les élections pourraient ne pas se tenir.
Au CLC, personne n’est vraiment dupe, apparemment. 5 jours après le communiqué du 1er mai 2018, le comité a rendu public le 6 mai un autre communiqué transi de frousse, accusant les services du Procureur Général de la République d’avoir « réactivé le mandat d’amener » contre ses membres. Interrogé par nos rédactions, une source dans les services du Parquet Général de la République se moque des amis du cardinal en faisant observer que « on ne réactive que ce qui a été désactivé », comme pour indiquer que les poursuites contre les instigateurs de faits infractionnels qui ont provoqué morts d’hommes et graves dommages ne peuvent en aucune manière avoir été éteinte, même au nom de Dieu, invoqué à tout bout de champ par leurs auteurs pour se dédouaner à vil prix. Des mandats d’arrêt ont effectivement été émis début janvier 2018 contre cinq des huit responsables du CLC pour avoir appelé à des marches anarchiques non coordonnées avec les autorités municipales et la police pour réclamer l’application intégrale de l’Accord de la Saint-Sylvestre. En février, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, avait confirmé les poursuites contre les responsables du CLC. « On ne peut pas interrompre les poursuites pour les gens qui ont été invités par la police et qui ne se sont pas présentés (…) Ils sont en cavale parce qu’ils ne se sont pas présentés devant la police (…) si la police vous invite et que vous ne vous présentez pas, vous fuyez vous-même, ça veut dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas », avait-il expliqué en substance. Les mousquetaires de Monsengwo savent donc qu’ils ont toujours à faire face aux poursuites judiciaires qui les attendent, fermement. Ici aussi, il y a comme une sorte de tentative presque infantile d’instituer, on ne sait trop sur quelle base légale, une sorte de pardon universel pour les crimes dès qu’ils sont revêtus de quelque cachet politique ou clérical. « C’est comme si un meurtre, un décès, un homicide n’en n’était plus un dès qu’il est mêlé de près ou de loin à un acteur ou à une activité politique ou un proche d’un évêque catholique », s’étonne ce magistrat fraîchement moulu de l’Université Protestante au Congo. Mais rien ne devrait plus se passer comme naguère.
Au cours d’un entretien avec la presse à Kinshasa, le président de la République s’était plaint de cette propension à banaliser, voire minimiser, les crimes les plus odieux. Le chef de l’Etat faisait clairement allusion aux crimes perpétrés par des terroristes se revendiquant d’un trône tribal dans les provinces kasaïennes. Mais il est évident, pour nombre d’observateur, que la fin de l’impunité devrait s’étendre et s’appliquer à tous. Y compris aux membres des coteries politiciennes et aux mousquetaires plus ou moins catholiques de l’archevêque de Kinshasa. Le dossier CLC a été évoqué au cours d’un récent conseil des ministres dont le compte rendu renseigne que « les autorités locales compétentes et les forces de l’ordre ont été instruites de gérer (leurs atteintes à l’ordre public et aux droits d’autrui ndlr) conformément aux lois de la République ». Les manifestations projetées par le CLC se tiendront sans heurts avec la police si, et seulement si elles se conforment aux lois de la République, à l’instar du récent meeting populaire de l’UDPS/Limete. Ce qui n’implique en rien la suspension des poursuites engagées contre les responsables de toute action qui provoque morts d’hommes ou dommages matériels ou corporels à Kinshasa et dans certaines agglomérations du pays.
J.N.