Ce sera fait le 30 juin 2018, 58ème anniversaire de l’accession de la RD Congo à la souveraineté nationale et internationale obtenue en 1960. Une place Patrice-Emery Lumumba, à la mémoire du héros national assassiné le 17 janvier 1961 ; quelque 6 mois à peine après avoir arraché de haute lutte l’indépendance de son pays aux autorités belges. Le bourgmestre socialiste de Bruxelles, Philippe Close, l’a annoncé le 17 avril 2018, le jour d’une autre date anniversaire, celle de l’exposition universelle de Bruxelles où un village congolais aux allures zoologiques avait été présenté au public dans la capitale de l’ancienne métropole coloniale. Le dossier « Place Lumumba » passera en conseil municipal le 23 avril, mais l’inauguration de la place est déjà acquise : « le 30 juin, Bruxelles, pour la première fois, aura une place Patrice-Lumumba … », a assuré Philippe Close. Il ne s’agira pas pourtant de débaptiser une place existante mais de donner le nom de Lumumba et de fixer une plaque commémorative dans un square bruxellois marquant l’entrée du célèbre quartier Matonge de la capitale belge, a encore expliqué le bourgmestre de Bruxelles. Le maïeur belge s’est déclaré heureux de donner gain de cause aux membres de la diaspora africaine regroupés dans diverses associations qui avaient porté le dossier Lumumba.
L’inauguration d’une place Patrice-Emery Lumumba à Bruxelles a été obtenue, elle aussi, de haute et longue lutte. En 2013, une première proposition en ce sens, soutenue par les écologistes et les démocrates humanistes s’était en effet heurtée au véto de la majorité socialiste et libérale belges, rapportent nos confrères de Jeune Afrique. Les réunions du conseil communal étaient depuis lors devenues le théâtre d’une lutte entre la majorité et l’opposition autour de la création de la Place Lumumba, les socialistes et les libéraux préférant le nom d’un « héros » issu de leur plus récent « usinage », le Dr Denis Mukwege, un médecin gynécologiste de Bukavu qui venait de recevoir le prix « Right Livehood » et ne ménageait pas ses critiques acerbes manifestement téléguidées à l’encontre du régime lumumbiste au pouvoir à Kinshasa. 57 ans après avoir assassiné le jeune leader rd congolais, certains en Belgique étaient donc encore suffisamment hantés par la forte personnalité de Patrice-Emery Lumumba pour s’opposer farouchement à son inéluctable immortalisation. Probablement parce qu’il y a toujours en cet empêcheur de (néo)coloniser en rond « … tout un héritage que les Congolais pourraient s’approprier dans les nouveaux combats qu’ils peuvent mener, aussi bien au niveau international par rapport à leurs frontières immédiates, mais également au niveau même de l’organisation interne de la société. Lumumba est la preuve que le combat finit par payer, et que les ressources ne sont pas forcément là où on pense qu’elles se trouvent », selon les mots de l’universitaire congolais Elykia Mbokolo.
En Belgique, l’affaire avait fait l’objet d’une enquête parlementaire visant à déterminer les circonstances exactes de l’assassinat de Patrice Lumumba et d’une éventuelle l’implication des responsables politiques belges dans ce crime d’Etat. Les conclusions de l’enquête rendues publiques en novembre 2001 reconnaissent que bien que le Congo fût un État indépendant et souverain depuis le 30 juin 1960, « force est de constater que ce statut n’a pas empêché la Belgique et plusieurs autres pays de continuer à intervenir directement dans les affaires intérieures du Congo », écrivent les rapporteurs de la commission d’enquête parlementaire belge. Et ce, au mépris du principe de non-intervention qui figurait déjà en bonne place dans le droit international en vigueur en 1960. « D’une manière générale, on peut affirmer que le gouvernement belge n’a eu, dès le début, que peu de respect pour la souveraineté du Congo », lit-on encore sur ce rapport qui a conclu pudiquement en la responsabilité « morale » (sic !) de la Belgique dans l’assassinat du héros national congolais.
Le 5 février 2002, l’alors ministre belge des affaires étrangères, Louis Michel, présentait le plus officiellement du monde les « excuses » et « les profonds et sincères regrets » du gouvernement belge au peuple congolais pour le rôle joué par la Belgique dans la mort en 1961 du premier Premier ministre rd congolais le 17 janvier 1961. Des excuses qui n’en étaient pas en fait car pour le père de l’actuel 1er ministre belge, la Belgique n’avait fait preuve que d’une « apathie » et d’une « froide indifférence » à l’égard du premier chef de gouvernement du Congo indépendant, « un manquement grave en termes de bonne gestion et de respect de l’Etat de droit », avait-il déclaré. Louis Michel avait également annoncé la création d’un Fonds Patrice-Lumumba, doté de 3,75 millions d’euros, qui œuvrerait au « développement démocratique en République Démocratique du Congo ». Une miette à la limite du mépris pour ceux qui connaissent l’importance des richesses congolaises littéralement pillées par l’ancienne puissance coloniale au Congo. Et, dont personne à ce jour n’a jamais vu un sou vaillant.
J.N.