Qui a cru que les puissances occidentales – europénnes en fait – avaient renoncé à peser sur l’avenir politique de la RD Congo s’est lourdement trompé. Les coups-bas contre le régime en place à Kinshasa et l’option en faveur de l’alternance au pouvoir par voie de fait (insurrection) ou à la faveur des élections qu’il a décidé de mener jusqu’au bout, envers et contre tous, ont simplement été délocalisés. La petite Belgique, même soutenue par une partie de l’Union Européenne, n’ayant pas réussi à faire chanceler l’édifice mis en place depuis les élections de 2006, le terrain des assauts contre la jeune démocratie en gestation au milieu du continent africain est déplacé vers l’Asie. Plus précisément en Corée du Sud. C’est de Séoul que Kinshasa a « osé » importer le remède qui soigne les plus grands maux qui guettent l’organisation des scrutins pour fin 2018. De la capitale de la Corée pro-américaine aussi sont parties les dernières salves occidentales pour empêcher coûte que coûte l’organisation d’élections sans le soutien des « bienfaiteurs » européens en RD Congo. Un peu comme il avait fallu, sous Mzee Laurent-Désiré Kabila, empêcher la RD Congo de se relever de la crise dans laquelle l’avaient plongé les mêmes puissances occidentales, pour qu’elle ne serve pas de « mauvais exemple » aux autres Etats du continent noir. Selon les officiels de la centrale électorale, les scrutins électoraux rd congolais ne peuvent tout simplement pas se tenir au 23 décembre 2018 sans cette invention d’un expert congolais dont l’ingénierie a été confiée à une firme sud coréenne : la machine à voter, qui a l’avantage de permettre de contourner l’écueil que représente l’impression de bulletins de vote pour quelque 40 millions d’électeurs appelés à choisir entre des millions de candidats aux élections présidentielle, législatives nationales, provinciales et locales. Produite à Séoul par Mirus Systems, l’engin qui permet de tenir les délais arrachés de haute lutte à la classe politique rd congolaise toutes tendances confondues, subit les tirs croisés d’occidentaux (européens) inconsolables de voir ainsi réduite comme peau de chagrin leur influence sur un processus électoral qu’ils semblaient de toute évidence déterminés à contrôler de bout en bout.
Tirs croisés sur Séoul
C’est l’ambassade de la très pro-occidentale République sud-coréenne à Kinshasa qui a été choisie comme rampe de lancement de l’hallali au début de la semaine dernière. Sous la forme d’un courriel décourageant l’usage de la machine à voter à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) pour des raisons essentiellement politiques provenant de cette chancellerie : « Exporter ces machines au Congo pourrait donner au gouvernement congolais un prétexte pour (obtenir) des résultats indésirables liés aux élections, notamment (un) retard additionnel (à leur) tenue ». En réalité, les machines fabriquées par Mirus Systems sur commande de la CENI permettent, outre une importante économie du temps (d’impression des bulletins de vote et de dépouillement des résultats dans un pays 4 fois plus grand que la France), de minimiser les coûts liés aux multiples opérations électorales qui doivent se tenir le même jour en décembre prochain. Se passer de la machine à voter, aurait une conséquence des plus fâcheuses : reporter une fois de plus les élections, et ouvrir la voie à de nouveaux conciliabules politiques pour un « partage » du pouvoir entre Kabila et les clients des occidentaux tapis dans les rangs de l’opposition radicale. Une perspective qui permettrait aux européens de revenir dans le jeu et de peser comme auparavant sur l’avenir politique immédiat de la RD Congo en plaçant leurs hommes-liges dans les structures d’un pouvoir de transition. Business as usual…
Des sources crédibles rapportent au Maximum que la commande de la machine à voter de la CENI à Mirus Systems ne date pas de la dernière pluie, en réalité. Des émissaires avaient été envoyés à la direction de l’entreprise Sud-Coréenne, qui avait déjà fourni des machines de même type au gouvernement à la Corée du Sud elle-même et au Costa Rica, pour la persuader de s’abstenir de traiter la commande rd congolaise, évoquant des problèmes de solvabilité. Les rd congolais sont mauvais payeurs, avait expliqué des hommes d’influence européens à Mirus Systems, qui n’a pas mordu à l’hameçon. Les adversaires du processus électoral en RD Congo ont alors placé la barre très haut en s’attaquant directement à l’entreprise Sud-Coréenne elle-même et à tous ceux qui ont été mêlé à la transaction qui a abouti à la fabrication de l’engin qui permet à la RD Congo de se passer de l’aide politique et financière occidentale dans l’organisation de ses élections.
Rien à voir avec les performances des machines
Après Mirus Systems, c’est Kim-Yong Hi, ci-devant secrétaire général d’A Web qui a été visé. Non pas parce qu’il aurait fabriqué une machine à tuer, mais parce que l’association pour la transparence du processus électorale qu’il préside aurait, en homologuant la fiabilité de la machine congolaise fabriquée à Séoul, favorisé Mirus Systems dans l’obtention du juteux marché de la commission électorale rd congolaise. La commission électorale Sud-Coréenne, qui a porté plainte contre Kim-Yong Hi, lui reproche en plus d’avoir soutenu une technologie qui aurait été « décriée par le gouvernement Sud-Coréen » (sic !). Auparavant, le gouvernement Sud-Coréen avait intimé l’ordre à sa commission électorale, le NEC, de cesser tout soutien à son homologue rd congolais, pour des raisons qui n’ont jamais été élucidées. Des sources proches du dossier ont expliqué au Maximum que cette injonction intervenue en décembre dernier, au plus fort des pressions internationales et locales sur le processus électoral, avait été dictée par des puissances occidentales hostiles à la majorité au pouvoir en place à Kinshasa qui conserve toutes les chances de remporter les scrutins de décembre prochain, compte tenu de l’impréparation de l’opposition radicale.
Derrière les attaques contre Mirus Systems se dissimule en fait une âpre guerre commerciale entre entreprises occidentales. « La marché électoral rd congolais, c’est près de 40 millions d’électeurs, et ce n’est pas rien », explique au Maximum un attaché commercial européen déçu par le choix de la CENI. Ce que l’homme n’a pas révélé, pour ne pas mettre à nu les réflexes néo-colonialistes de plus en plus reprochés au vieux continent, c’est que la même CENI avait déjà confié le juteux marché des machines à enrôler pour quelque 46 millions d’inscrits sur les listes électorales à une entreprise européenne, plus précisément, française. Sans s’attirer la moindre foudre de guerre. Et, derrière le paravent de la guerre commerciale transparaît la lutte pour s’emparer carrément de la gestion politique de la RD Congo pour les années à venir.
A Kinshasa, les extrémistes de l’opposition, partisans de l’instauration d’une « transition sans Kabila » ont été fortement encouragés à prendre fait et cause pour leurs parrains occidentaux, dans l’affaire des machines à voter afin de tenter de retarder les échéances électorales sans perdre la face. Tout en clamant à tue-tête et sans rire leur disponibilité à aller aux élections, les acteurs politiques de cette opposition radicale, Félix Tshilombo Tshisekedi, Vital Kamerhe et autres Delly Sessanga, embouchent les trompettes de leur hostilité à la machine à voter. Sans avancer le moindre argument rationnel sur les prétendus défauts techniques ou pièges contenus dans l’engin fabriqué à la demande de la CENI qui, du reste, est indépendante aussi bien des coteries politiques congolaises, du gouvernement de Kinshasa que de celui de Séoul en cette matière hautement technique qui relève légalement de ses attributions exclusives.
La machine à voter sud-coréenne peut ainsi être considérée comme une nouvelle version du Cheval de Troie pour contourner les élections en RD Congo.
J.N.