“…L’histoire a tendance à se répéter dans cette zone. En 2008, déjà, un autre général rebelle, Laurent Nkunda (dont Ntangana était l’adjoint) defiait par les armes Kinshasa, au Nord Kivu. En 2012, les combats entre les mutins de Ntangana et du M23, mouvement rebelle associé, ont provoqué la fuite de plus de 200.000 congolais au cours des deux derniers mois. Le plus important, c’est que ce drame se déroule devant la plus importante mission de casques bleues dans le monde, la Monusco, qui semble assister impuissante à la descente aux enfers des populations civiles…”
(Lettre ouverte de Louise Harbour, présidente de International Crisis Group, ICG, au Secrétaire Général de l’ONU en 2012).
” …Cette mission des N.U déployée dans notre pays depuis maintenant une vingtaine d’années, on doit clarifier dans les jours à venir nos relations avec la Monusco. Il y a incompréhension par ce qu’après une vingtaine d’années, on a comme l’impression que c’est une mission qui a comme ambition de rester. Mais rester jusqu’à quand ? Il n’y a pas une cogestion de l’État congolais par la Monusco. Par ce que c’est ça la tendance…On a toujours posé à nos amis de la Monusco: Citez-nous un seul groupe armé que vous avez eu à maîtriser, à éradiquer ! Aucun“.
(Extrait du Point de presse du Président Joseph Kabila, le 26 janvier 2018)
Critiquée de partout et sommée de se retirer
Cela fait 20 ans de ballade si pas de villégiature, pour la monusco, dans ce pays continent.
En 20 ans, l’ONU a imposé à la RDC de renouveler chaque année le mandat de cette force pléthorique et budgétivore, sans résultats palpables sur terrain. Cette année encore, c’est le cas.
Alors que l’opinion congolaise s’attendait à un plan qui ouvrirait la voie vers un retrait progressif de des troupes onusiennes de la RDC, comme ne cessent de le demander les autorités de ce pays, le conseil de sécurité vient de passer à côté de la plaque.
Cet instance onusienne a décidé, mardi 27 mars 2018, de proroger jusqu’au 31 mars 2019 le mandat de la Monusco, en lui fixant comme priorités stratégiques d’assurer la protection des civiles et d’appuyer la mise en oeuvre de l’Accord du 31 décembre 2016 et du processus électoral.
A travers cette résolution, le conseil de sécurité vient de confier de nouvelles missions, plus politiques, à la Monusco, alors qu’elle peine à accomplir la principale, celle qui justifie sa présence en RDC.
La Brigade spéciale de la MONUSCO : une idée de Joseph Kabila
Le 20 Novembre 2012, la ville de Goma tombait entre les mains des rebelles pro rwandais du M23, sous la barbe de la plus importante force de maintien de la paix de l’ONU au monde, la Monusco.
L’événement provoquait un électrochoc au sein de la communauté internationale, tout en suscitant plus qu’un sentiment de révolte chez les congolais. Et l’ONU multipliait des déclarations sans propositions concrètes.
Compte tenu de l’urgence, et pour faire face à la menace contre la paix et l’intégrité territoriale en RDC, et compte tenu des enjeux géostratégiques de cette nouvelle guerre d’invasion sous couvert du M23, Joseph Kabila imagine à une thérapie de choc Sud-Sud : la création d’une brigade africaine très compacte, efficace et offensive.
Le ministre des Affaires Étrangères de l’époque, Raymond Tshibanda Ntungamulongo, est chargé de soumettre cette initiative du Chef de l’État à ses pairs de la SADC. Un sommet extraordinaire de l’organisation régionale est convoqué à Maputo.
La proposition du president rd congolais est acceptée et le vendredi 8 février 2013, la SADC décide d’envoyer une force militaire de maintien de la paix dans l’Est de la RDC pour combattre les groupes armés actifs dans la région tout en demandant à l’ONU une modification du mandat de la Monusco. ” …Il a été décidé que cette force puisse avoir une nouvelle sorte de mandat afin de combattre quiconque tenterait de déstabiliser l’Est de la RDC“, avait déclaré à l’époque, le Secrétaire général de la SADC, Tomaz Silomao.
L’idée est parrainée par l’UA
Après la SADC, l’idée de la mise sur pied d’une brigade d’intervention rapide est accueillie favorablement au niveau de l’organisation continentale. L’UA, décida que le déploiement de cette brigade s’inscrive dans le schéma du mécanisme de suivi prévu dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba signé le 24 février 2013.
Invité en qualité de témoin à Addis-Abeba, l’ancien Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon, se fait le porte-parole de cette initiative africaine au conseil de sécurité des Nations-Unies.
L’idée partie du Palais de la Nation (Présidence de la République) à Kinshasa, endossée par la SADC à Maputo et parrainée par l’UA à Addis-Abeba, est enfin discutée au Conseil de sécurité de l’ONU à New-York.
Le 18 Mars 2013, le conseil de sécurité, qui y voit une opportunité de revitaliser une mission discréditée aux yeux de tous, et tout particulièrement des congolais, approuve la création de la brigade d’intervention à travers la Résolution 2098.
Dans ce document, l’organisation mondiale affirme que cette brigade sera une force de réaction rapide chargée de conduire des ” offensives ciblées” contre les groupes rebelles.
Cependant, pour ne pas perdre la face et exposer l’échec de la Monusco, tant décriée, l’ONU avait bataillé pour que cette brigade authentiquement africaine, partant de l’initiative jusqu’à sa composition (Afrique du Sud, Tanzanie et Malawi), soit placée sous Mandat de l’ONU et du commandement de la Monusco.
Nuances africaines
En effet, l’organisation sous-regionale jugeait inopportun que les troupes de la brigade d’intervention opèrent sous mandat de l’ONU dans le format d’une brigade spéciale d’intervention. Sa résolution prévoyant plutôt le déploiement d’une force sous-régionale de 400 hommes. Conçue, dans la forme comme dans le fond comme une force essentiellement Africaine. Avec sa propre structure de commandement et ses propres règles d’engagement même si, sur le terrain, elle devra collaborer avec la Monusco.
En d’autres termes, les pays membres de la SADC ne voulaient pas que la brigade sous régionale soit associée à la Monusco, une force qui s’est distinguée par son inefficacité à éradiquer les forces négatives à l’Est de la RDC.
Il convient ainsi de retenir que depuis quelques années les autorités congolaises demandent le retrait progressif des troupes de la Monusco, un avis partagé par une bonne frange des congolais. Face au mutisme de l’ONU et à l’inefficacité des troupes de la Monusco, Joseph Kabila avait préconisé en 2012 la mise en place d’une force militaire sous-régionale avec un mandat offensif clair et précis pour le rétablissement de la paix à l’Est de la république. Cette force constitue aujourd’hui, la brigade d’intervention de la Monusco. Ce fut en réalité une innovation majeure dans le cadre des missions de maintien de la paix de l’ONU qui restera gravée dans les annales de l’organisation comme un véritable ” cas d’école”.
Guy MOMAT
Analyste Politique.