Le gouvernement de la République Démocratique du Congo a décliné sa participation à la réunion des donneurs, prévue le 13 avril à Genève en Suisse.
Cette décision a été officiellement confirmée, au cours de la réunion inter-institutionnelle présidée par le Président rd congolais, Joseph Kabila, le 24 mars dernier. Deux raisons la motivent : le refus du gouvernement rd congolais d’être complice de ceux qui veulent prendre l’argent sur le dos des congolais, et son opposition à tout découragement des opérateurs économiques qui veulent investir en RDC.
Il convient de rappeler que l’ONU avait délibérément activé le niveau humanitaire du pays à Level 3, (L3), le niveau le plus élevé. Il s’agit d’une indication “d’alerte rouge” dans le système des Nations-Unies qui fait état du niveau jugé très dramatique d’une situation, sécuritaire ou humanitaire.
En d’autres termes, et pour prendre des cas connus, selon l’ONU, la RDC a le même niveau d’alerte humanitaire que la Syrie et le Yémen, deux Etats complètement détruits par des affrontements meurtriers qui durent depuis plusieurs années.
Cette évaluation onusienne suscite questions et réactions, dont celle très remarquée du gouvernement de la RD Congo :
– Quelle ville ou village rd congolais dans le grand-Kasai affecté par le phénomène Kamwina Nsapu ou dans le Tanganyika, qui a connu le conflit bantou-pygmées, ressemble à Ghouta Orientale en Syrie ou à Marid au Yémen, villes sur base desquelles, le niveau humanitaire L3 a été décrété dans les deux pays ?
– Quel est cet opérateur économique sérieux qui irait investir en Syrie ou au Yémen à l’ heure actuelle, pays dans lesquels l’ONU avait élevé le niveau humanitaire à L3, comme elle vient de le faire en la RD Congo ?
Ce qui choque les esprits de bon nombre de rd congolais, c’est le fait que le pays a déjà connu des situations humanitaires et sécuritaires dramatiques dues aux guerres d’invasion dans les années ‘2000 sans que la même communauté des humanitaires ne s’en émeuvent outre mesure.
C’est après la signature de l’accord de Sun City en Afrique du Sud qui a sonné le glas des affrontements sur le territoire national que les rd congolais s’attendaient à “un plan Marchal RDC”, de la part de ces ” bienfaiteurs” internationaux. Mais rien de tel n’est arrivé en faveur de ce pays post-conflit qui venait de subir ce qu’on a si bien dénommée ” la première guerre mondiale africaine”.
À l’issue des premières élections démocratiques en 2006, à défaut d’un plan Marchal, le gouvernement de la RD Congo s’ était tourné vers ses partenaires traditionnels bilatéraux et multilatéraux pour solliciter l’accompagnent de son vaste plan de développement intégral. L’initiative se solda, une fois de plus, par une grande déception. Personne n’a répondu d’une manière effective à cet appel.
D’où cette option, politiquement courageuse du Président de la République nouvellement élu, Joseph Kabila, de frapper à la porte de la Chine pour faire profiter son pays des “contrat win-win” qui font leurs preuves sous d’autres cieux.
Aussitôt paradoxal que cela puisse paraître, ce contrat a été âprement combattu par les mêmes partenaires traditionnels qui avaient pourtant tourné le dos au peuple congolais. La RD Congo a été accusée vendre le pays de Léopold II aux chinetoques, selon l’expression d’un plénipotentiaire belge, Karel De Gucht.
La question qui chagrine l’esprit de tout observateur est de savoir d’où vient ce soudain “amour ” des humanitaires occidentaux envers le peuple congolais ?
Levée de fonds, une arnaque sur le dos des rd congolais ?
Au mois de janvier 2018, l’ONU et ses partenaires humanitaires avaient présenté leur plan d’intervention humanitaire au Yémen, pays qu’ils assimilent délibérément à la RD Congo sur le plan humanitaire, et pour lequel ils avaient besoin de 2,96 millions de dollars. Selon les documents rendus publics à cet effet, cette somme servira à une assistance humanitaire en faveur à 13,1 millions des personnes. Il s’agissait du plus grand appel humanitaire consolidé pour le Yémen jamais réalisé.
L’ONU et les autres partenaires humanitaires, utilisant la même méthode de propagande, ont décidé de se focaliser sur la situation humanitaire en RD Congo en convoquant une réunion de haut niveau à Genève pour la levée des fonds en faveur des populations des trois provinces : le Kasai, le Tanganyika et le Sud-Kivu.
Les initiateurs de la rencontre de Genève visent la levée d’un montant de 1,7 millions USD pour assister 13,1 millions de rd congolais qui seraient en détresse dans les provinces citées, statistiques que conteste le gouvernement rd congolais.
En effet, au cours d’une réunion d’évaluation avec les partenaires humanitaires, le gouvernement avait dénoncé la discordance des statistiques sur la situation humanitaire entre celles fournies par le gouvernement par le biais de ses services spécialisés et celles qui proviennent de la communauté humanitaire internationale.
Alors que les deux parties s’étaient convenues d’harmoniser leurs vues sur la question à l’occasion d’une prochaine rencontre, les partenaires se sont précipités à New-York où ils ont présenté leur plan humanitaire reprenant les mêmes statistiques biaisées. Une attitude qui n’est pas fortuite, selon les observateurs.
En effet, la confrontation des données fournies par les deux parties aurait permis de revoir à la baisse le niveau humanitaire (Level 3), préjudiciable à la crédibilité et à la réputation d’un pays membre de l’ONU, mais clamé sur tous les toits par ces partenaires. La conséquence logique d’une telle confrontation des données recueillies sur le terrain aurait été, naturellement, la révision à la baisse du montant de l’appel plafonné à 1,7 millions USD. Et cela, beaucoup dans la communauté des humanitaires n’ont pas aimé.
Ce n’est pourtant plus qu’un secret de polichinelle que tous les observateurs connaissent : une partie importante des fonds mobilisés en faveur d’un pays en crise humanitaire ne quitte jamais le pays donateur et y reste sous forme de salaires versés aux administratifs ou experts recrutés par les ONG originaires de ces pays.
Par ailleurs, Rasna Warah, journaliste, auteure à livres et qui a travaillée pendant dix ans dans le système des Nations-Unies, et dont ses recherches se focalisent sur les ” politiques de l’aide humanitaire”, soutient dans un article paru dans l’hebdomadaire the ” East African“, que ” …l’aide des donateurs réduit également la souveraineté d’un pays. L’aide humanitaire est le moyen le plus efficace (et le plus rentable) dont disposent les pays donateurs étrangers pour contrôler d’autres pays sans être accusés colonialisme. Cela conduit à des situations étranges, dans lesquelles un pays donateur – et, encore plus inquiétant, une organisation humanitaire internationale – définit la politique du gouvernement d’un pays pauvre pendant que le Président, les ministres et les secrétaires permanents les regardent faire, impuissants…“. Et de poursuivre: ” …de façon encore plus alarmante, les agences de presse n’essaient presque jamais de vérifier indépendamment les faits et chiffres disséminés par les agences humanitaires. Or, comme je l’ai découvert quand je travaillais avec une agence des Nations Unies, ils sont relativement souvent gonflés ou fondés sur des données erronées. La tentative d’exagérer l’étendue d’une crise afin de lever plus de fonds est toujours présente…“.
Faire respecter la souveraineté
Certains partenaires humanitaires ont entamé une campagne de lobbying auprès de certaines autorités rd congolaises pour obtenir que le gouvernement rd congolais revienne sur sa décision de ne pas participer à la rencontre de Genève.
Dans ce contexte, au nom de la souveraineté nationale, les autorités concernées ont le devoir patriotique de faire rabattre le niveau d’alerte humanitaire décidé unilatéralement par ces partenaires humanitaires politiquement motivés.
Contrairement aux déclarations de la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations-Unies en RD Congo, Leila Zerrougui, le 27 mars 2018 au sortir de l’audience avec le Vice-premier ministre et ministre des transports et communications faisant l’intérim du premier ministre, en élevant la situation humanitaire à Level 3, c’est l’image de tout le pays qui en subit le contrecoup, et non pas seulement celles des trois provinces visés par les humanitaires, ainsi que l’a prétendu l’Algérienne.
Pour preuve, alors que la guerre était bien localisée dans la partie Est du territoire national, l’image projetée à l’extérieur et entretenue par les ennemis de la république a durablement découragé de nombreux investisseurs à venir en RD Congo, le pays étant considéré comme à «Hauts risques ».
Il est donc erroné de croire que le niveau humanitaire de la RD Congo tel que vanté par les humanitaires (qui l’assimilent à celui du Yémen ou de la Syrie) n’impactera pas négativement le développement du pays, le maintenant ainsi dans un Etat de pays éternellement assisté.
Les autorités rd congolaises doivent impérativement revoir les termes de référence avec les partenaires humanitaires en vue de mettre en place des mécanismes susceptibles de garantir la traçabilité et l’affection effective des fonds collectés au nom du peuple congolais.
Guy MOMAT
Analyste Politique.