En proposant au Conseil de sécurité de l’Onu la prise de contrôle du processus électoral congolais sur le modèle du Cambodge en 1992-1993 et du Timor Oriental en 2001-2002, le Comité Laïc de Coordination ignorent que ces deux pays avaient été au préalable placés sous la tutelle des Nations Unies…
Le 30 mars 2018 au plus tard, les Nations Unies décideront du renouvellement du mandat annuel de la Monusco, la mission des Nations-Unies pour la Stabilisation du Congo. En prévision de l’événement, le Comité Laïc de Coordination (CLC) a rendu publique le 19 mars une lettre adressée le 10 mars dernier au Secrétaire général des Nations-Unies avec ampliation au président de la Commission de l’Union africaine (ignorant le président en exercice de cette organisation continentale), les instances dirigeantes de la CEEAC et de la CIRGL.
Le 5ème des points énumérés par ce document rédigé par la structure pirate créée par le cardinal-archevêque de Kinshasa pour « dégager » le pouvoir en place dénonce formellement la responsabilité personnelle supposée du Chef de l’État dans la crise actuelle. Le CLC fait état de “la volonté du Président Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de son deuxième et dernier mandat“, et affirme que “pour ce faire, il bloque le processus électoral depuis 2012 et multiplie des stratégies pour ne pas organiser les élections dans les délais constitutionnels”. Et aussi, que “Cette stratégie a produit des instruments multiples“. Il en dénombre cinq.
Démonstration …
Le premier instrument de cette volonté de demeurer au pouvoir serait la “publication de nombreux calendriers non consensuels avec de nombreux préalables techniques et financiers, expression d’une volonté inavouée de ne pas organiser des élections“. Le deuxième est la “révision de la loi électorale en introduisant, comme préalable, le recensement de la population avant l’organisation des élections“. Le troisième argument reproche à Joseph Kabila le “découpage et le passage de 11 à 26 provinces, modifiant ainsi la cartographie électorale“. Le quatrième argument consiste en la “Multiplication des conflits armés à l’Est, en Ituri, au Kasai, dans le Tanganyika et sans doute d’autres provinces dans les mois qui viennent, comme au Kwango et au Kwilu, avec l’introduction des vaches dont les bouviers sont armés“. Le cinquième fait état de « l’instrumentalisation de l’Accord de la Saint Sylvestre en vue de passer le cap de la fin du mandat constitutionnel et de s’assurer d’un semblant de légitimité, précaire soit-elle“.
Aucun des arguments avancés ne tient la route
Le premier argument relevé par les hommes de Monsengwo occulte le fait que pour les élections générales et non partielles, il y a eu en tout et pour tout deux calendriers électoraux : l’un publié en février 2015 (catégoriquement rejeté par l’opposition radicalisée à laquelle il s’identifie désormais), l’autre en novembre 2017. Le tout dernier avait du reste obtenu la caution de la CENCO.
S’agissant des contraintes techniques et financières, il est surprenant que le CLC en fasse un problème dès lors que dans tout processus électoral – quel que soit le pays – elles sont de mise, notamment aux plans légal, financier, technique et sécuritaire. Du reste, de passage il y a quelques jours à Bruxelles, la délégation de la CENCO conduite par son président, Mgr Marcel Uthembi, a formellement sollicité cet appui financier incontournable selon lui dans l’organisation des élections dans un pays continent comme la RD Congo. En conséquence, l’argument relatif au prétexte financier qu’aurait utilisé Joseph Kabila pour se maintenir au pouvoir tombe de lui-même.
S’agissant du deuxième argument évoqué par le CLC, il semble faire fi l’histoire du pays. A moins que les intellectuels catholiques qui cornaquent la structure pirate de Monsengwo n’aient choisi de prendre leurs compatriotes pour des moins que rien. Parce que c’est depuis le Dialogue intercongolais clôturé le 4 avril 2003 à Sun City en Afrique du Sud que l’option en faveur du recensement général de la population de la RD Congo avait été formellement levée.
Pour rappel, le boycott électoral décrété par l’UDPS d’Etienne Tshisekedi en 2005 était fondé sur la non application de l’identification et de l’enrôlement des électeurs. La Centrale électorale avait estimé à l’époque, et ce en accord avec la majorité des forces politiques et sociales du pays, qu’il était techniquement impossible, au sortir de ces assises, de procéder audit recensement tout en respectant le délai de 3 ans fixé par l’Accord global et inclusif.
Par ailleurs, en prévision des élections de 2016, l’opposition réunie au centre féminin Mama Mobutu s’était clairement prononcée en 2013 pour le recensement général de la population et même le renversement de la pyramide des échéances électorales en commençant par la base (locales, municipales, urbaines et provinciales) avant le sommet (législatives et présidentielle).
Ajouté à cela le fait que dans les Etats modernes, particulièrement ceux des destinataires de sa lettre du CLC, les élections se fondent sur ce type de recensement, l’argument relatif au problème de recensement est donc caduc.
Le troisième argument reproche à Joseph Kabila d’avoir opéré le découpage des provinces, les faisant passer de 11 à 26, pour bloquer le processus électoral. Parce que ce redécoupage territorial modifie la cartographie électorale, selon le CLC. Les membres du Comité laïc de coordination étalent ici l’ignorance de la constitution et des lois en vigueur dans leur propre pays. En effet, l’article 227 de la loi fondamentale dispose que «Les provinces telles qu’énumérées par l’article 2 de la présente Constitution constituent les circonscriptions électorales des sénateurs de la première législature». En d’autres termes, la question de la cartographie ne se pose pas. Et comme les autres, cet argument est inopérant en ce qui concerne la RDC.
Par le quatrième argument, le CLC attribue au Président Kabila la responsabilité de la multiplication des conflits armés dans plusieurs provinces du pays et prévient même la communauté internationale de l’émergence des conflits qui surgiront dans d’autres provinces. Pour preuve, il évoque la présence au Kwango et au Kwilu des vaches en provenance de l’Est et dont les bouviers seraient armés !
La légèreté de telles allégations met en doute le sérieux du CLC. D’autant plus que les enquêtes menées au sujet de ces cheptels bovins par les assemblées délibérantes du Kwilu et du Kwanga et par l’Assemblée Nationale ont prouvé que les bouviers n’étaient nullement armés.
S’agissant des nouveaux conflits dans d’autres provinces, les accusations du CLC relèvent d’une pure vue de l’esprit. Aucune enquête entreprise jusque-là n’implique la responsabilité directe ou indirecte du Chef de l’Etat dans les conflits du Kasaï, du Tanganyika, de l’ex-Kivu et de l’Ituri. Il est du reste révélateur à cet égard que le ClC, à l’instar de l’opposition radicalisée, n’ait jamais condamné le terrorisme qui sévit dans ces provinces, comme s’il l’intégrait parmi les méthodes idoines pour « dégager » le pouvoir honni de Joseph Kabila.
Ainsi, aux Nations Unies, on doit bien se demander comment des intellectuels prônant l’alternance politique dans leur pays peuvent-ils agir avec autant d’irresponsabilité.
Le cinquième argument développé pour attester de la volonté de Joseph Kabila de demeurer au pouvoir après le terme de son second et dernier mandat à la tête d pays, évoque l'”instrumentalisation de l’Accord de la Saint Sylvestre en vue de passer le cap de la fin du mandat constitutionnel et de s’assurer d’un semblant de légitimité, précaire soit-elle“.
Paradoxalement, les membres du CLC s’abstiennent de faire constater le boycott du CNSA par la CENCO dans l’application intégrale et stricte dudit Accord. Pour rappel, au point VI.2.2., les parties prenantes «s’accordent sur le nombre de 28 membres pour constituer le Conseil National de Suivi de l’Accord, y compris la CENCO».
Reste à savoir en contrepartie de quoi !
Dans ses recommandations au Secrétaire général de l’Onu, le CLC préconise la responsabilisation des Nations-Unies «dans la conduite du processus électoral, à l’instar de ce qui avait eu lieu au Cambodge (1992-1993) et au Timor Oriental (2001-2002) ou par le déploiement d’un dispositif de certification du processus électoral dans toutes ses phases comme cela a été le cas en Côte d’Ivoire» et la prise de la présidence de la CENI par l’Onu, «à l’exemple de la Guinée-Conakry où il avait été porté à la tête de l’administration électorale un ressortissant malien, désigné par l’OIF, pour l’organisation au second tour de la présidentielle du 7 novembre 2010».
Première observation : la RD Congo n’organise qu’un seul tour pour la présidentielle. La proposition tirée de l’exemple guinéen tombe d’elle-même donc.
Deuxième observation : la certification des résultats électoraux par l’ONU en Côte d’Ivoire a provoqué une guerre civile qui a coûté des dizaines de milliers de vies humaines au sujet desquelles la CPI n’a pas encore trouvé le fin mot. L’exemple ivoirien est donc tout sauf une panacée.
La troisième observation est que le Cambodge et le Timor Oriental avaient été placés sous la tutelle des Nations Unies. Les faits réels établissent pour le Cambodge que «l’adoption le 28 février 1992, de la résolution 745 du Conseil de sécurité des Nations unies signe la naissance officielle de l’APRONUC, première opération où l’ONU ne se contentait plus seulement de superviser une élection, mais devait administrer un État indépendant et dont le mandat ne devait pas dépasser 18 mois» et que «le mandat confié à l’APRONUC prit officiellement fin le 24 septembre 1993, quand Norodom Sihanouk, qui avait retrouvé son trône, promulguait officiellement la nouvelle constitution».
Tandis que pour le Timor Oriental, les mêmes faits établissent que «pendant la majeure partie de la période qui a séparé la consultation populaire du retour à l’indépendance en mai 2002, le Timor-Oriental est resté sous l’administration transitoire des Nations-Unies. En mars 2001, l’administrateur transitoire a créé par règlement une Commission électorale indépendante (CEI) qui a finalement conduit les élections de 2001 et de 2002». En conséquence, les exemples cambodgien et est-timorien sont inopérant pour la RDC, un pays indépendant où une constitution a été adoptée par referendum en 2006.
Cet argumentaire arbitraire infantile élagué, ne transparait plus de la lettre du CLC que la volonté de « dégager » par des mécanismes antidémocratiques le pouvoir honni de Joseph Kabila, la mise du Congo sous la tutelle de l’Onu n’étant qu’un de ces mécanismes.
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum