Mgr. Uthembi et l’abbé Nshole tiennent à voir les Européens financer – et contrôler – les élections congolaises. Contrairement à ceux de leurs compatriotes qui refusent de faire reculer le train de l’Histoire.
Une importante délégation de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) conduite par son président, Mgr Marcel Uthembi, cornaqué par l’inénarrable abbé Donatien Nshole séjourne en Europe depuis la semaine dernière. Un voyage effectué dans la plus grande discrétion, sans doute pour ne pas étaler aux yeux de tous les contradictions qui traversent de part en part la conduite de quelques princes de l’église catholique romaine de la RD Congo qui s’entremêlent les pinceaux dans les affaires de politique politicienne. A l’invitation d’une ONG basée à Bruxelles, le Réseau Européen pour l’Afrique Centrale, Marcel Uthembi et Donatien Nshole sont allés plaider pour le financement des élections prévues en décembre prochain. « Nous demandons que l’Europe accompagne le peuple congolais », a déclaré, pince sans rire, Donatien Nshole, interrogé par la BBC alors que le gouvernement grâce à l’amélioration des cours de certaines de ses ressources minières, vient de faire état de sa capacité à prendre seule en charge cet exercice de souveraineté que sont les élections générales. Le secrétaire général de la CENCO (Conférence Episcopale Nationale du Congo) a également révélé que la délégation avait rencontré « certaines autorités belges et de l’Union Européenne », ainsi que des responsables du gouvernement canadien « dans le but d’obtenir les soutiens des uns et des autres, afin qu’ils aident le peuple congolais à résoudre la crise politique, ce qui passe la tenue de bonnes élections ». Une position à contrario de l’option prise par les institutions publiques rd congolaises qui tiennent à faire de ces élections une affaire exclusivement congolaise.
Usurpation de mandat
Un véritable cas d’usurpation de mandat de représentation publique d’un pays à l’étranger. Comme pour se rattraper, Donatien Nshole a dit « soutenir » le processus électoral en cours, et affirmé que le calendrier publié par la Commission électorale nationale indépendante « contient des indicateurs qui peuvent nous rassurer, en ce qui concerne l’organisation des élections. Le 26 mars est une date importante : le ministère de l’Intérieur devrait publier la liste des partis politiques engagés dans ces élections. Début avril, le parlement devrait voter la loi portant répartition des sièges de l’Assemblée nationale. La CENCO est très attentive à ces dates, pour pousser tout le monde à prêter attention à l’organisation des élections ». En réponse à une inquiétude de notre confrère de la BBC sur le problème du dédoublement des partis politiques, le révérend Nshole a donné l’impression de se montrer confiant dans les institutions politiques de son pays : « La justice est là. Nous croyons que c’est possible. La ministre des Droits de l’homme l’a démontré en mettant en place une commission mixte d’enquête après la violente répression des manifestations. Quand on veut, on peut. Nous pensons que la justice peut être rendue ».
Tournée la page de l’appel au djihad ?
Il y a quelques semaines encore pourtant, les mêmes princes de l’église catholique romaine appelaient quasiment fidèles catholiques et les chrétiens en général à une sorte de djihad. Les priorités cléricales, à Kinshasa particulièrement, consistaient jusqu’à il y a quelques jours, à « dégager les médiocres ». Le cardinal-archevêque de Kinshasa mettant à la disposition d’une structure pirate créée à cet effet les installations paroissiales de l’archidiocèse aux fins d’organiser des manifestations politiques contre le pouvoir en place. En trois mois, ce sont bien 3 marches dites des chrétiens que le Comité Laïc de Coordination (CLC), des tentatives d’insurrection, en fait, a organisé dans le but évident d’embraser la capitale et de renverser les institutions en place. « On s’attendait à tout, sauf à voir des évêques en quête d’aumônes électorales en Europe », s’étonne ce fidèle de la paroisse St Dominique à Kinshasa. Le paroissien, qui compte parmi les intellectuels chrétiens de cette paroisse dirigée par des prêtres scheutistes, n’est sans doute pas le seul à ne plus rien comprendre à ce que « veulent les évêques, ces pasteurs, finalement ». Il y a de quoi. Sur les sentiers politiques cléricaux, les ténèbres le disputent à la lumière, manifestement.
Entre les évêques catholiques réunis au sein de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) et le gouvernement de la République, c’était déjà la guerre des tranchées depuis le 23 juin 2017.
C’était la guerre il y a peu
Cette fois-là, les évêques catholiques assuraient vouloir défendre l’Accord politique du 31 décembre 2016, tout au moins une partie de cette entente arrachée à une trentaine d’acteurs politiques de l’opposition, de la majorité au pouvoir et de la société civile. Celle qui associe l’opposition au pouvoir à la gestion de la période préélectorale en cours, même si les prélats ont une idée, fixe, de ce que devrait être cette opposition : il s’agit de la frange radicale tshisekediste-katumbiste dont les atomes crochus avec les intérêts étrangers, particulièrement belges, sont de notoriété publique en RD Congo.
Seulement, la croisade cléricale, qui contournait le principe de la laïcité de l’Etat, était de nature à malmener la constitution et les lois en vigueur. Les évêques catholiques exploitaient la crédulité des chrétiens pour défendre et imposer une cause politique qui n’est pas plus divine qu’une autre, estimaient des analystes.
L’engagement manifeste des évêques catholiques aux côtés des acteurs politiques de l’opposition radicale en RD Congo était d’autant plus critiquable qu’elle paraissait, en réalité, dirigée contre le processus électoral en cours. Tenir les élections pour régler le problème de la crise de légitimité des institutions en place arrivées fin mandat fait pourtant partie des objectifs poursuivis par l’entente du 31 décembre 2016. Et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) avait déjà dépassé le cap de 30 millions d’électeurs enrôlés sur les 41 millions attendus au moment des faits. Le nouvel appel à manifester lancé par les évêques était donc carrément un appel à compromettre délibérément le processus électoral et donc, à éloigner l’organisation de tout scrutin crédible en RD Congo. Les observateurs notent à cet égard que le fameux message délivré par les évêques le 23 juin dernier est révélateur parce qu’il tentait de jeter l’opprobre sur les opérations préélectorales dont ils avaient prématurément déploré la lenteur à Kinshasa.
Que les mêmes princes de l’église catholiques se précipitent maintenant en Occident pour quémander du soutien pour les élections amène certains observateurs à se demander si la « médiocrité » décriée par un des leurs ne se trouve que du côté des acteurs politiques de la majorité au pouvoir. Parce que manifestement, ces cléricaux s’avisent, un peu tard, de l’inéluctabilité des prochaines élections. Moralité : les médiocres, ce ne sont pas toujours les autres.
J.N.