Toute réussite d’une démarche se mesure à l’atteinte des objectifs assignés. Partageant les objectifs du « manifeste » de Chantilly pour une « transition sans Kabila », l’église catholique avait promis sa contribution à sa mise en oeuvre. Or, au bout de trois marches et de quelques tintements des cloches paroissiales à Kinshasa, Kabila est toujours en fonction et la fameuse « TSK » ne fait plus recette. Donc la « milice » kinoise de Monsengwo n’a remporté aucune victoire. CQFD !
Le Comité Laïc de Coordination (CLC) a déclaré avoir suspendu ses manifestations, justifiant cette décision par une série de victoires (10 au total) qu’il aurait remportés sur le régime en place conformément à la Constitution. Cette position a suscité le désappointement des esprits bien-pensants qui n’ont pas hésité de parler de parjure de cette structure face à ses propres engagements et aux objectifs que visaient les marches et autres sonneries de cloches lancés depuis la fin 2017.
« Le succès ou la victoire d’une marche se mesure à l’atteinte des objectifs fixés et aux résultats escomptés. C’est le B-A-BA du mangement et de la gestion des projets », fait observer un spécialiste en la matière qui se dit « ahuri d’apprendre ce genre d’énormités de la part des animateurs du CLC dont certains sont pourtant d’éminents professeurs d’université ».
Révélation de Kabund sur les marches : 50/50 pour une « transition sans Kabila »
Pour bien comprendre la vraie nature du combat du Cardinal Monsengwo à travers le CLC, il faut remonter à l’escapade de Chantilly, en France, où des organisations de la société civile (surtout les mouvements dits citoyens) et l’église catholique avaient signé un « manifeste » dont l’objectif clairement affiché était d’instaurer une « transition sans Kabila » au lendemain du 31 décembre 2017 si les élections ne se tenaient pas à cette date tel que prévu dans l’accord de la St Sylvestre 2016. Pour y arriver, les signataires appellent les citoyens et les partis politiques congolais à adhérer à ce manifeste et exigent le départ de Kabila. Pour ce faire, ils promettent une « grande campagne d’actions pacifiques et non violentes » pour mettre en place une « transition citoyenne ». Le point culminant de ces actions était justement cette date du 31 décembre 2017.
Dans la même période et pour la même démarche, une délégation de l’église catholique en mission à Paris puis Bruxelles avait pris l’engagement d’offrir le cadre de ses paroisses et ses services pour sensibiliser les masses et les mobiliser en vue de la réalisation des objectifs fixés dans le « manifeste ». Et c’est ce qui est justement arrivé, mais sous un camouflage avec un objectif de façade visant à obtenir l’application intégrale de l’accord politique dans ses volets de décrispation et de dédoublement des partis politiques. D’ailleurs, très récemment au cours d’une émission télévisée, le Secrétaire général de l’Udps, Jean-Marc Kabund, avait révélé que les différentes manifestations initiées l’avaient été en partenariat 50/50 entre l’église et les partis politiques de l’opposition ainsi que les mouvements dits citoyens de leur obédience.
Combat en dehors de la légalité
Tout au long des actions du CLC sous la conduite personnelle du Cardinal Monsengwo, l’indignation ne cessait de se corser aussi bien sur l’existence de cette structure que sur ses méthodes illégales consistant à décréter des marches sans indiquer à l’autorité publique l’itinéraire comme l’exige la loi pour lui permettre éventuellement d’organiser l’encadrement. Pire encore, les organisateurs sèchent les rencontres avec l’autorité publique à l’occasion desquelles ces dispositions sur les itinéraires doivent être examinées de commun accord. Bref, autant de manœuvres plus rapprochées de la subversion que d’un combat noble qui ne s’accommode pas d’entorses aux lois en vigueur.
C’est lorsque la tension atteint son paroxysme après la deuxième marche dite des chrétiens et que le Clc annonce une troisième marche au sujet de laquelle le Nonce apostolique parle d’une « recognition temporaire » du Clc au sein de l’archevêché de Kinshasa et que, quelques jours après, le Cardinal Monsengwo fait diffuser dans les réseaux sociaux une déclaration de reconnaissance antidatée à novembre 2017. Dans la même période, l’archevêque de Kinshasa réussit également à faire reconnaître son Clc par la Cenco à la faveur d’une assemblée plénière extraordinaire, même si, depuis lors, certains membres du clergé ont choisi de se faire discrets pour manifester leur désapprobation par le silence.
C’est après ce réajustement interne que les organisateurs des marches délèguent leurs avocats pour rencontrer l’autorité publique en précision de la troisième marche qu’ils ont convoquée. Mais l’autorité publique refusera de les recevoir.
Preuve de l’échec et la vraie raison du mensonge
En clair, par ces deux derniers gestes, le Cardinal Monsengwo reconnaissait implicitement l’irrégularité dans laquelle évoluait sa structure pirate, mais aussi le caractère subversif des manifestations organisées. Qui renvoient directement au « manifeste » de Chantilly, aux objectifs indiqués dans ce document et au rôle que l’église s’était assignée dans la réalisation de ces objectifs.
De ce fait, prétendre que ces manifestations ont fait engranger des « victoires » à leurs organisateurs n’est qu’un odieux parjure de la part des personnes qui prétendent défendre et promouvoir des valeurs qu’ils dénient à d’autres, sous prétexte d’œuvrer pour une RDC meilleure. A ce jour, en effet, le Président en exercice est toujours en fonction et les dossiers de décrispation politique est toujours à l’examen au niveau du Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus électoral qui en a la compétence légale.
Le parjure, c’est aussi ce silence sur la vraie motivation de la « suspension » des marches. En effet, l’église catholique et les radicaux de l’opposition ont subi des pressions diplomatiques dont la dernière est consignée dans la déclaration du Conseil de sécurité qui demande à tous les Congolais se s’inscrire dans le processus électoral et condamne le recours à toute autre voie pour la conquête du pouvoir. Tout ce à quoi s’occupait l’église catholique ces derniers mois.
En effet, interrogé, début janvier 2018 par franceinfotv.fr pour savoir « qui, en RDC, serait capable de déboulonner Kabila », Thierry Landu, un des membres dirigeants le CLC, avait eu cette réponse sans équivoque : «Je crois que la grande force qui peut encore tenir les choses, c’est sans aucun doute l’église catholique. Si l’église parvient à avoir quelques laïcs qu’elle peut soutenir, je crois qu’elle peut déclencher un processus à partir des accords du 31 décembre 2016 et de leur application. C’est la seule organisation qui est structurée et qui fonctionne réellement dans tout le pays». CQFD… !
Pascal Debré Mpoko avec Le Maximum