Il a plus que fait sensation, fin février courant, le Chef de l’Etat Botswanais, Ian Khama. Le 28 février 2018, le gouvernement que dirige le président de la République de ce pays membre de la SADC jusque-là très réputé pour sa bonne gouvernance s’était fendu d’une inhabituelle déclaration hyper médiatisée contre son homologue rd congolais Joseph Kabila. Laquelle dénonçait sans mettre des gants « la détérioration de la situation humanitaire et la mauvaise gouvernance » et accusait le quatrième président de la RDC de « refuser d’organiser les élections et d’avoir, de ce fait, perdu le contrôle sécuritaire de son pays ».
De la part d’un pays membre d’une des organisations régionales les plus engagées aux côtés de la RD Congo dans la résolution de ses problèmes sécuritaires, économiques et politiques, la déclaration du gouvernement du Botswana avait plus que fait tache d’huile, puisqu’elle laissait apparaître une fissure insoupçonnées jusque-là parmi les membres de la SADC dont on sait qu’ils fournissent les éléments de troupes les plus efficaces de l’impressionnante mission onusienne dans ce pays.
Propos durs
Les propos durs des Botswanais contre Kabila prenait en outre un relief d’autant plus particulier qu’un mois auparavant, fin janvier 2018, l’index annuel de corruption de Transparency International avait élevé cet Etat d’Afrique australe au rang de « pays le moins corrompu du continent africain ». En fait, avec l’Afrique du Sud, le Botswana a toujours figuré parmi les meilleurs élèves des occidentaux en matière de démocratie sur le continent. Fort de cette réputation, à bien des égards surfaite par les médias occidentaux, ce petit pays s’était déjà prononcé contre le Zimbabwe en novembre 2017, lorsque le même Ian Khama avait réclamé explicitement le départ de son homologue Robert Mugabe. « Personne ne devrait rester président pendant une si longue période (…) Nous sommes des présidents, nous ne sommes pas des monarques. C’est simplement du bon sens », avait décrété ce fils de l’ancien président Sereste Khama et d’une Ecossaise, très appréciés de ses « oncles » occidentaux.
Fin février dernier, Ian Khama a joint sa voix à celles des pays occidentaux contre Joseph Kabila et la RD Congo, qui faisaient chorus pour condamner ce qui avait été présenté comme la « répression sanglante de la marche des chrétiens » du 25 février 2018, c’est son ministre des Affaires étrangères qui s’était chargé de déclarer : « Nous continuons d’assister à une crise humanitaire qui empire dans ce pays principalement parce que son dirigeant a sans cesse repoussé la tenue d’élections ». Et aussi que Joseph Kabila a « perdu le contrôle de la sécurité de son pays ».
Ian Khama, pas si saint que ça
Seulement, le Lieutenant général Ian Khama n’est pas aussi saint qu’il tente de le faire croire avec l’appui des médias occidentaux. Selon les révélations de nos confrères de Panafricanvisions datées du 10 mars 2018, il n’y a donc qu’une semaine jour pour jour, ce pays d’Afrique Australe est lui-même mêlé à une affaire de corruption massive, d’abus de fonctions et de combines de blanchiment d’argent impliquant de hauts cadres gouvernementaux, au premier rang desquels… son donneur de leçons de président, le lieutenant général Ian Khama en personne.
Les allégations de corruption et de blanchiment d’argent se sont faits jour vers la fin de l’année dernière mais ce n’est qu’au courant des deux dernières semaines que de nouvelles preuves ont émergé pointant du doigt une combine aussi sophistiquée que sulfureuse de blanchiment d’argent avec meurtre à la clé le mettant en cause directement.
Au premier rang des investigations se trouve le Dr Abraham Sethibe, Directeur de l’Agence d’Intelligence Financière du Pays. Ce haut fonctionnaire a mené des enquêtes après que la Capital Bank ait détecté des transactions suspectes de l’ordre de 250 millions de Poulas soit 25 millions de dollars US. Les transactions douteuses détectées par la Capital Bank impliquent des fonds de la National Petroleum Funds (Fonds National de Pétrole ) qui devaient servir à la construction des citernes de stockage pour le compte la Direction des renseignements et de sécurité (DIS). Ces fonds ne sont jamais parvenus à leurs destinations.
Investigations révélatrices
En menant les investigations sur les transferts des fonds, Sethibe a dévoilé des milliers des liens et d’autres activités criminelles ayant abouti même à des assassinats. Le cerveau et pion majeur de toutes ces opérations illégales de blanchiment d’argent est Bakong Seretse, proche du président Khama et un des principaux conseillers financiers du gouvernement Botswanais, par ailleurs gestionnaire d’actifs de Basis Points Capital.
Le rapport de Sethibe établit que Bakong Seretse avait développé un partenariat d’affaires avec un Sud-africain dénommé Vusi Mhlanzi. Bakong Seretse est ainsi devenu gestionnaire d’actifs de Basis Points Capital, une firme appartenant à Mhlanzi. Quelques temps après qu’ils aient signé un accord, un mystérieux compte bancaire a été ouvert pour le compte de Basis Points Capital sans l’approbation et à l’insu de Vusi Mhlanzi. C’est ce mystérieux compte qui a servi à Bakong Seretse pour réaliser les opérations de blanchiment en faveur des dignitaires du régime de Ian Khama.
Les rapports financiers indiquent que plus les 250 millions de Poulas ont été transférés du fond national de pétrole vers ce compte. A partir de ce compte bancaire, l’argent a été viré vers des comptes bancaires de politiciens botswanais haut gradés, en même temps que d’autres montants étaient transférés en Afrique du Sud, en Italie et en Grande Bretagne où ils ont servi à l’acquisition de propriétés immobilières.
Une partie de l’argent pour le président
Sethibe reste convaincu que Bakong Seretse était le détenteur du mystérieux compte, ce qui a été indirectement confirmé par Kgosietsile Ngakagae, avocat de l’homme d’affaires sud africain qui a avoué qu’une partie de l’argent « avait été transmis au Président Khama qui s’en est servi pour s’acheter notamment une caravane et se faire construire une résidence ». Sans révéler le montant exact de la part payée au président botswanais.
Sethibe établit que ce n’est que quelques temps après que le mystérieux compte ait été ouvert que Vusi Mhlanzi, Directeur financier de Basis Points Capital, fut mis au courant de son existence. Il demanda alors par courriers électroniques (emails) des détails y relatifs. En vain. Il signale que le journal sud-africain Mail & Guardian est en possession de quelques-uns de ces emails).
Le 29 Août 2017, deux millions de Rands ont été déposés à la FNB dans un compte non spécifié en Afrique du Sud. Cet argent provenait du mystérieux compte. Le 31 Aout 2017, deux jours après le dépôt Mhlanzi décida de se rendre au Botswana pour échanger avec Bakong Seretse à ce sujet. Personne ne l’a revu vivant car il sera froidement abattu dès son retour en Afrique du Sud. Bien que n’étant pas encore condamné pour le meurtre de Mhlanzi, Bakong Seretse est considéré par beaucoup comme en étant le commanditaire de cet assassinat, d’autant plus que le meurtre porte les marques d’un coup monté. La motivation était claire : Bakong Seretse a très probablement voulu éliminer la seule personne qui pouvait vendre la mèche et livrer des informations vitales qui l’impliqueraient lui et son président dont il était le cerveau et l’architecte de la combine de blanchiment d’argent.
Des inculpations au Botswana
La justice du Botswana a inculpé Bakong Seretse pour blanchiment d’argent, ainsi qu’un certain Kenneth Kerekong, PDG de Botswana Energy Regulatory Authority et ancien Directeur Général de Basis Points Capital et Botho Leburu. Les trois ont déjà comparu devant la justice afin de répondre des charges portées contre leurs personnes, à savoir le blanchiment d’argent et la corruption. Curieusement, après leur première audience, la cour leur a accordé une mise liberté provisoire sous caution de 30.000 Poulas et ils devraient à nouveau se présenter devant la cour à la fin ce mois.
En plus du président Ian Khama, le vice-président du Botswana, Mokgwetsi Masisi, est aussi accusé d’avoir lui aussi bénéficié d’environ 3 millions de Poulas (300.000 $ US) de ces combines meurtrières de blanchiment d’argent de Seretse. Néanmoins le Botswana Democratic Party (BDP), le parti au pouvoir, défend bec et ongles son président Ian Khama et son vice-président par les déclarations de son trésorier, Satar, et de son secrétaire général, Mpho Balopi qui ont écarté dans leur communiqué « toute implication du gouvernement dans ces combines »… Sans convaincre.
La Police Sud-africaine (SAPS) à Johannesburg a déclaré qu’elle travaillait d’arrache-pied afin de mettre la main sur le coupable et responsable du meurtre de Vusi Mhlanzi, un citoyen sud-africain. Tulani Mhlanzi, porte-parole de la famille Mhlanzi a cependant déclaré qu’ils n’ont pas eu de nouvelles de la Police Sud-africaine depuis le meurtre, il y a déjà six mois. Bien que le Botswanais Bakong Seretse n’ait pas encore été déclaré formellement comme un potentiel suspect de l’assassinat de Mhlanzi, la Police Sud-africaine a annoncé son intention d’« engager, au besoin un autre service de police dans un autre pays s’il était prouvé que quelqu’un au-delà des frontières d’Afrique du Sud était derrière ce meurtre ».
Cette affaire scabreuse est une de plus dans la longue liste des combines de blanchiment d’argent constituent et de corruption auxquels le Botswana fait face depuis son indépendance et que les accointances entre son leadership et les médias anglo-saxons étouffent systématiquement, selon tous les observateurs.
AVEC PANAFRICANVISIONS.COM