Cela fait exactement deux ans et deux semaines depuis que l’ancien gouverneur la riche province minière du Katanga annonçait son départ du PPRD et de la Majorité Présidentielle (MP), le 3 janvier 2016. Au départ, cet acteur économique dont la popularité est assise sur celle du TP Mazembe, le club de football de Lubumbashi, la capitale de l’ex. province du Katanga, et le plus titré du pays assurait qu’il n’appartenait à aucune formation politique. A l’image de celui dont il se veut le farouche rival, Joseph Kabila Kabange, l’autorité morale de la MP qui, lui aussi, ne se réclame d’aucun parti politique en particulier. Katumbi tente de plaire à tous dans les rangs de l’opposition et dissimule à peine son envie de ratisser large, pourtant. En ce début de l’année 2016, Katumbi clame son appartenance au « Front Citoyen 2016 », une plateforme regroupant des Congolais de la diaspora, des représentants des organisations de la société civile, des confessions religieuses, des organisations politiques de l’opposition ainsi que des personnalités politiques qui assurent militer pour le respect de la constitution. Plus exactement, de la partie de la constitution stipulant que le président de la République en exercice ne peut postuler à plus de deux mandats consécutifs. Mais le bluff ne tiendra pas la route bien longtemps. Quelques mois avant le départ tonitruant de Moïse Katumbi de la Majorité au pouvoir, un groupe de 7 partis politiques dits « frondeurs » avait quitté le radeau kabiliste et créé une plateforme, le G7. Qui se dépêchera d’annoncer son soutien à la candidature à la présidentielle de l’ancien gouverneur de l’ex. province du Katanga. C’est le début des ravages à nul autre pareil dans les rangs de l’opposition : Katumbi achète à coups de billets verts presque tout ce qui bouge contre Joseph Kabila et s’emploie à s’imposer comme l’unique candidat de l’opposition à la présidentielle. De janvier 2016 à mars 2018, force est de constater que les rangs, si rangs il existe encore, sont exsangues, et que beaucoup parmi ces acteurs politiques ont perdu toute crédibilité aux yeux de l’opinion tant nationale qu’internationale.
Coup de grâce
C’est néanmoins le moment que choisit Moïse Katumbi pour donner l’estocade à tous ceux qui ne se rallient pas à sa candidature. Lundi 12 mars 2018 à Johannesburg en Afrique du Sud, l’ancien gouverneur a quasiment sonné le glas de la plateforme crée en juin 2016 à Genval à Bruxelles, le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement (RASSOP) en créant « Ensemble pour le Changement ». La nouvelle plateforme, strictement électorale, est destinée à porter sa candidature à la présidentielle prévue en décembre 2018. « Notre plateforme politique doit gagner les élections à tous les niveaux : présidentielle, législatives, provinciales et locales », a déclaré cette occasion cet homme qui, il y a quelques semaines encore, ne jurait que par l’instauration d’une transition sans Joseph Kabila avant l’organisation des élections.
Mais c’est un Katumbi particulièrement isolé qui a perpétré le forcing suicidaire de lundi dernier en Afrique du Sud devant une centaine de délégués des partis politique du G7, devenu en fait G6 depuis quelques semaines après la défection de Dany Banza et son parti politique l’ACCO s’en sont retirés en fanfares ; de l’Alliance pour la République (AR) et de la Dynamique de l’Opposition politique. Pas d’UDPS, pas de MLC, ni, encore moins l’Union pour la Nation de Vital Kamehre. « Ensemble pour le changement » n’est donc guère loin de ne constituer en réalité qu’une coquille vide et les Congolais ne s’y trompent guère, à l’instar de cet internaute qui réagissait à chaud à l’annonce de la création de la nouvelle plateforme : « Katumbi doit redescendre sur terre. Il continue de marcher dans l’erreur en pensant qu’il va gagner l’élection présidentielle uniquement grâce à son argent. Tout le monde n’est pas prêt à se laisser acheter. En faisant l’aperçu des partis politiques qui l’entourent, on trouve que la plupart de ces organisations sont des simples regroupements familiaux. C’est donc tout à fait normal que leurs chefs suivent Katumbi pour lui soutirer quelques billets de banque. Katumbi a quitté la MP pour fuir la concurrence. Il a misé sur son argent et la mort d’Etienne Tshisekedi dans l’espoir de prendre sa place de candidat naturel d’une opposition unie. Maintenant que l’UDPS, par ailleurs atomisée a déclaré qu’il présentera ses propres candidats, s’il ne veut pas disparaître, il doit faire gaffe … », assure un certain « Le pont des Grands Lacs ». C’est tout dire, ou presque.
Soutien interne insignifiant
Non seulement Moïse Katumbi a perdu le soutien des partis politiques susceptible de peser sur la balance d’ici la présidentielle de décembre 2018, mais surtout, l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga traîne derrière lui des groupuscules insignifiants vers des objectifs plus qu’hypothétiques. Ce n’est plus un secret : la candidature du chairman du TP Mazembe à la prochaine présidentielle est des plus hypothétiques, en raison de l’imbroglio autour de sa double nationalité qui énerve la loi électorale et de ses ennuis avec la justice qu’il a commis l’erreur de tromper et d’outrager (en violant délibérément un engagement à se rendre à l’étranger pour des soins médicaux à s’abstenir de toute déclaration sur les affaires en instance le concernant). De ce point de vue, « Ensemble pour le changement », c’est plutôt Ensemble pour le boycott de la présidentielle. C’est l’objectif irréaliste d’une transition sans Joseph Kabila post posé et renvoyé à d’ici décembre prochain.
Vers une politique de la chaise vide
D’ici la mise en application de cette politique de la chaise vide qui n’emballe plus que très peu d’acteurs dans la classe politique rd congolaise, Katumbi Chapwe s’accapare bel et bien d’une candidature à la candidature entourée de plus grandes incertitudes qui soient. Et désarticule plus que jamais les rangs des opposants qui, ainsi, se présenteront inéluctablement en ordre dispersé aux prochaines élections. En plus de l’ex. gouverneur de l’ex province du Katanga, il faudra bien compter avec les candidatures des deux ailes de l’UDPS du défunt Etienne Tshisekedi, notamment de celle de Limete où, deux semaines avant le congrès convoqué à la fin du mois de mars 2018, Félix Tshilombo annonçait les couleurs en claironnant ‘urbi et orbi’ qu’il serait doublement candidat, à la succession de son défunt père à la tête du parti et à la prochaine présidentielle.
Ruée vers la candidature à la candidature
Même s’il a annoncé une alliance potentielle avec l’UNC de Vital Kamerhe, lui-même déjà candidat en 2011, on voit mal le PALU d’Antoine Gizenga ne pas faire acte de candidature à la même présidentielle, quitte à négocier les contours d’une alliance électorale conséquente le moment opportun aux conditions les plus favorables avec l’actuelle Majorité comme en 2006 et 2011 ou avec quelques groupes jugés crédibles de l’opposition avec lesquels quelques lieutenants du Patriarche du PALU viennent de prendre langue. En plus des candidats du PALU et de l’UNC, il faudra compter avec la kyrielle de candidats « indépendants » qui se sont déjà déclarés preneurs pour le top job.
« Ensemble pour le changement », risque ainsi de se terminer en « Ensemble pour 5 ans dans l’opposition ». En véritable eau de boudin…
J.N.