Acculés d’une part par des fidèles soucieux de voir leurs lieux de cultes régulièrement profanés par l’introduction en leur sein de la politique politicienne et, d’autre part, par des acteurs politiques de tous bords agacés par ses vaines manœuvres de manipulation de la religion pour assurer la visibilité politique de ses membres, le quarteron des initiateurs du Comité Laïc de Coordination (CLC) ont choisi de jeter l’éponge en annonçant ‘mezzo voce’ la transformation de leur mouvement « apolitique » en… parti politique dénommé « Chrétiens en marche ». Les observateurs avertis sont d’avis que la création de cette 704ème formation politique dans l’arène politique kinois sera un coup dur pour l’opposition qui, en désespoir de cause, s’était jusque-là greffée sur l’église catholique pour exister en se jetant à corps perdu dans des « marches de chrétiens » délibérément anarchiques pour attirer l’attention de l’opinion publique.
On s’y attendait. La fermeté et le professionnalisme des forces de police face aux provocations du CLC, organisation au contenu sableux et aux contours flous, ont condamné l’agitation de cette structure-pirate à une déroute sans appel. MM. Ndaywel, Okana, Nlandu et leur mentor se sont en fin de compte rendus à une évidence qui crevait les yeux : il leur était impossible de voguer plus loin dans le marigot de la politique qu’en se muant très rapidement en une organisation avec existence réelle. D’aucuns voyaient le CLC se transformer en ce qu’on appelle « mouvement citoyen ». C’était ignorer l’étendue et la profondeur des ambitions de l’inspirateur de cette nébuleuse et de ceux qui y avaient trouvé un cadre idéal pour servir les ambitions petites-bourgeoises qui leur collaient à la peau.
La nouvelle se répand comme une trainée de poudre. Des personnalités, aussi bien de la société civile que celles qui, jusque-là, étaient à la périphérie des partis politiques ou encore des mécontents transhumants de la majorité au pouvoir, sont recrutées vaille que vaille pour composer ce que les vrais « propriétaires » du CLC veulent voir devenir aussi « naturellement » que possible une grande formation mi-parti politique, mi-ONG de la société civile.
L’idée procède en fait de cette sorte de mimétisme caractéristique de nombre de politiciens congolais. Elle consiste à reproduire à Kinshasa une réplique de « La République en marche » de Emmanuel Macron, l’actuel président de la France. Question : qui donc sera le « Macron » de cet ersatz congolais ? « C’est sans doute, un des prélats qui tirent les ficelles du CLC. Le secret de Polichinelle, comme un mystère, se dévoilera bientôt », croit savoir un analyste de l’Université de Kinshasa qui s’est confié à nos rédactions. Le cardinal Monsengwo avait certes déclaré que « être évêque, est un état qui est permanent, tandis qu’être président de la République, est une situation éphémère ». Mais cela reste-t-il valable dans l’esprit de celui qui, ayant goûté aux « délices » du pouvoir temporel en qualité de président du Haut conseil de la République, Parlement de transition au début des années ’90 tenta de s’auto-attribuer le « top job » à la chute de Mobutu Sese Seko au grand dam de Mzee Laurent Désiré Kabila dont l’AFDL venait de mettre un terme à 32 ans de règne sans partage du dictateur ? Rien n’est moins sûr… Rien n’empêche à un ecclésiaste à la retraite qui a bu de vouloir boire encore. A moins que le futur ex-archevêque qui avait mis fin aux fonctions de Premier Ministre d’Etienne Tshisekedi, élu par la Conférence Nationale au profit de son ami Léon Kengo Wa Dondo en concoctant le schéma dit « de la troisième voie » ne veuille rééditer son exploit au niveau le plus élevé de l’Etat. Chassez le naturel, il revient au galop…
Est-ce une occasion de craindre un quelconque péril dans la demeure pour les anciens partis politiques ? Pour la majorité ? Ce n’est pas évident car de l’avis de la plupart des observateurs avertis, les créateurs de ce nouveau parti politique en gestation confondent vitesse et précipitation. Ils sont allés trop vite en besogne en faisant foi aux marches dites « des chrétiens » ces derniers mois, ignorant les révélations faites naïvement par un des leurs, Jean-Marc Kabund (« cinquante-cinquante »).
En outre, personne ne peut parler d’un véritable engouement, d’une vraie mobilisation autour de ces marches. Sauf à vouloir se consoler, il faut reconnaître qu’il y a eu autour de ces marches plus de bruits (dans les médias occidentaux et leurs affidés locaux) qu’une véritable adhésion à une cause à peine claire.
Il y a, en plus, beaucoup de naïveté dans cette idée d’un parti politique qui, du jour au lendemain, deviendrait « incontournable » parce que parrainé par un clergyman à la retraite. On en a vu d’autres dans ce vaste monde.
L’ambition est légitime. Mais, dit un proverbe africain, « pour qu’un enfant sache que le feu brûle, il faut le laisser y mettre le doigt ». C’est pour certains calotins le moment de sortir de leurs illusions politiques.
Amuri Senga avec Le Maximum