L’archidiocèse de Kinshasa et le Comité Laïc de Coordination (CLC) ont réussi à obtenir « leurs » morts consécutifs à la marche du 25 février 2018. La Police Nationale Congolaise (PNC) a revu le bilan des incidents survenus au cours de cette manifestation non autorisée à Kinshasa et dans certaines villes de la RD Congo. Deux décès, respectivement à Kinshasa à la paroisse Saint Benoit de Lemba et à Mbandaka, (archidiocèse de Mbandaka-Bikoro) dans la province de l’Equateur. Au cours d’une mise au point, vendredi 2 mars 2018, le porte-parole de la Police nationale congolaise, le colonel Pierrot Mwanamputu, a fait état de 8 blessés à Kinshasa au cours des mêmes incidents, dont 5 civils et 3 policiers, auxquels s’ajoutent 13 blessés dont 4 policiers à Mbandaka. Les deux policiers reconnus coupables de la mort des victimes du 25 février dernier ont d’ores et déjà tous été arrêtés, jugés et condamnés. A Kinshasa, l’agent de police Tokis Kumbo, présenté comme un garde du corps du Major Carine Lokeso accourue sur les lieux de la manifestation à la paroisse Saint Benoit de Lemba (ce que contestent des sources proches du commandement de la police), a été condamné pour avoir tiré une balle en caoutchouc sur Rossy Mukendi à moins de 20 mètres de la victime, en violation des consignes reçues de sa hiérarchie. Et à Mbandaka, un brigadier surnommé Céléo a été condamné à une peine de prison et radié de la PNC pour le meurtre de Eric Bokolo, un jeune de 19 ans hors de tout ordre d’un de ses chefs, a rapporté Pierrot Mwanamputu.
Mort d’une balle, pas deux
La mise au point du porte-parole de la PNC est venue tordre le cou aux rumeurs ravageuses qui accusaient le major Carine Lokeso, qui avait dirigé les opérations de rétablissement de l’ordre public dans sa juridiction où se trouve la paroisse St Benoit de Lemba, d’avoir « tiré en personne, et à deux reprises à balles réelles sur Rossy Mukendi ». Des accusations davantage fondées sur une antipathie née du fait que la jeune officier supérieure PNC avait réussi à faire échec à la marche interdite par les autorités urbaines dont elle relève que sur la réalité et la vérité, selon toutes les apparences. Et rageusement confortées par des organisations d’activistes de l’opposition politique rd congolaise qui s’affublent abusivement de la dénomination « d’activistes des droits de l’homme ». Les renseignements recueillis pris auprès de ses proches indiquent que Rossy Mukendi, décédé des suites d’une blessure sur le flanc de la poitrine dimanche 25 février dernier, faisait partie d’une de ces organisations dénommée « Collectif 2016 ». Dès le lendemain des incidents de Lemba-Saint Benoit, des photos du major Carine Lokeso étaient largement diffusées sur les réseaux sociaux, l’accusant carrément d’avoir personnellement « assassiné » Rossy Mukendi Tshimanga. L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (Acaj), une Ong bien connue pour son engagement politique et sa proximité avec l’opposition radicalisée rd congolaise, est rapidement montée au créneau pour fustiger les forces de maintien de l’ordre. Se transformant en juge, l’avocat Georges Kapiamba, son président-fondateur, a estimé dans un communiqué que le décès de cet activiste des droits de l’homme au cours d’une manifestation interdite à Lemba n’était rien moins qu’une « exécution sommaire » résultant « d’une préparation minutieuse par les services de sécurité ». L’objectif visé étant d’accréditer l’idée d’un peloton d’exécution postée en face de « manifestants pacifiques ». Ce que tous les témoignages recueillis sur place démentent formellement.
Activistes agressifs
Parce que selon les récits soigneusement compilés par les reporters du Maximum ainsi que des images vidéo visibles sur les réseaux sociaux, à la fin de l’unique messe célébrée à la paroisse St Benoit de Lemba, les policiers ont lancé des grenades lacrymogènes pour disperser les combattants mêlés aux fidèles catholiques qui bloquaient la circulation sur la voie publique hors de l’enceinte de la paroisse. Dans la débandade qui s’en est suivie, les manifestants ont, pour la plupart, reflué vers l’enceinte de la paroisse, tandis qu’un petit groupe de resquilleurs s’en prenaient aux forces de l’ordre. Parmi eux, Rossy Mukendi, pratiquant connu des arts martiaux (Judo). Ils auraient pris à partie un groupe d’agents de police déployés sur la chaussée. Certaines sources rapportent que le major Carine Lokeso aurait été quasiment prise en sandwich entre des manifestants tentant de la molester lorsque son garde du corps a dégainé et tiré sur l’un deux pour la dégager. Cette version est démentie par l’intéressée qui dit n’avoir pas été sur le lieu de cet incident et n’avoir subi aucune menace physique ayant nécessité l’intervention d’autres agents des unités sous ses ordres. Elle précise que le policier Tokis Kumbo, auteur du tir, bien que faisant partie desdites unités ne faisaient partie ni de sa garde rapprochée, ni de l’escouade qui l’accompagnait lors de sa patrouille. Pour en revenir aux faits, atteint d’une balle en caoutchouc tiré à bout portant, Rossy Mukendi s’est écroulé et a été aussitôt traîné loin des lieux par des « manifestants » qui avaient refusé avec véhémence laisser les policiers présents le faire acheminer à l’hôpital. Ce n’est que plusieurs instants plus tard, après que des journalistes eurent été appelés pour filmer son agonie que la victime qui perdait beaucoup de sang sera acheminée à la clinique St Joseph de Limete où elle succombera de sa blessure peu après son admission. Vendredi dernier, le corps de l’activiste décédé a reçu l’autorisation d’embaumement des autorités judiciaires après qu’une autopsie ait été pratiquée à la requête de l’auditorat (parquet) militaire.
Légitime défense
Au cours de son point de presse animé le week-end dernier, le porte-parole de la police a non seulement totalement innocenté le Major Carine Lokeso mais aussi affirmé que l’agent de police Tokis Kumbo avait agi en état de légitime défense, pour protéger un de ses supérieurs hiérarchiques menacé par des manifestants. La bavure reprochée au policier réside donc plus dans le fait d’avoir effectué le tir en balles à caoutchouc à une distance trop courte – alors qu’il pouvait procéder à l’arrestation « physique » de Mukendi – et non pas d’avoir tiré « à balles réelles » comme l’ont prétendu certaines sources. Les experts interrogés par nos rédactions confirment en effet que les conditions légales requises pour qu’un agent de police use de son arme (agressivité, voies de fait …) étaient certes réunies mais qu’il y avait dans le chef du policier une obligation de précaution rappelée par le commissaire provincial Kasongo qui avait insisté sur le principe de « zéro mort » dans ses recommandations pour éviter une perte en vie humaine.
Quant à la victime, Rossy Mukendi, c’est selon toute vraisemblance le prototype de pseudo-fidèles catholiques dont se servent l’archidiocèse de Kinshasa et le comité laïc de coordination du cardinal Monsengwo pour braver le pouvoir en place et les autorités urbaines de Kinshasa. Chercheur de l’Université Pédagogique Nationale (UPN), il ne résidait pas dans la commune de Lemba qui abrite la paroisse Saint Benoît. Dimanche 25 février dernier, c’est à l’église Saint Adrien, enfouie dans les méandres de l’avenue Kianza non loin de l’avenue de l’Université en commune de Ngaba, qu’il avait assisté à la messe dominicale. Masi ici, il n’y avait pas eu de marche ce dimanche fatidique. Le curé du lieu avait, au contraire, seulement convié les fidèles à rentrer chacun chez soi et de se limiter à réciter le chapelet à 12 heures précises, selon le programme communiqué dans la plupart des paroisses de la capitale. Manifestement déçu de la « mollesse » de l’homme de Dieu, Rossy Mukendi s’en serait allé à la recherche de paroisses plus engagées derrière les appels à braver l’autorité municipale de Kinshasa du CLC. C’est ainsi qu’il rejoindra la paroisse Saint Benoit. « Il avait en quelque sorte rendez-vous avec la mort », estime, fataliste, un de ses collègues, également chercheur à l’Université Pédagogique Nationale. S’il sied de déplorer le décès d’un jeune homme d’à peine 35 ans, il est à tout le moins excessif de parler d’« exécution sommaire », comme le fait Kapiamba. C’est un activiste en mission (commandée ?) qui a succombé à ses blessures en cherchant à provoquer les forces de l’ordre déployées près de la paroisse Saint Benoit de Lemba. Ce n’était pas un homme inoffensif, attaché à une potence, qui a été tué par un bourreau sanguinaire. Même si ceci ne saurait constituer une excuse absolutoire pour le policier.
J.N.