C’est l’embrouillamini parfait parmi les chrétiens de l’église catholique romaine de Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Depuis notamment que le prélat du lieu, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, a pris la tête de l’opposition politique contre le pouvoir en place à la fin de l’année dernière. Appelés à « dégager les médiocres du pouvoir », les croyants de la capitale ont d’abord eu la surprise, peu agréable, de constater que la quasi-totalité de ce que cet immense pays compte de catholiques dans les provinces, peu convaincue par les motivations politiques cardinalesques, ne suivait pas le mouvement. Et qu’en fait, l’église catholique romaine rd congolaise s’en retrouvait ainsi divisée de fait. Alors que même dans l’immense archidiocèse de Kinshasa qui compte presque 150 paroisses, seulement une dizaine s’était montrée réellement engagée aux côtés du cardinal et de ses troupes. Et que dans les paroisses, les avis étaient plus que partagés sur les injonctions politiciennes dictées au cours des célébrations eucharistiques par certains prêtres célébrants. « Le cardinal communique à travers ses prêtres, il ne nous consulte pas. Et nous n’allons pas à ces messes révolutionnaires pleines de nouvelles têtes que nous n’avons jamais aperçus auparavant dans nos messes », confiait désabusé un responsable de Caritas dans une paroisse de Limete.
Les troupes du Cardinal
Comme pour ajouter, ou confirmer ces inquiétudes qui se généralisent, l’UDPS/Tshilombo a jeté un véritable pavé dans la marre en revendiquant la paternité de tout ou partie des marches dites « des chrétiens » organisées respectivement les 31 décembre 2017 et le 21 janvier 2018 à Kinshasa. Au cours d’une émission télévisée quasiment commanditée, Jean-Marc Kabund, le secrétaire général de cette tendance tshisekediste a révélé que ce sont les combattants de l’UDPS qui fournissent en réalité les troupes estampillées « chrétiens catholiques » qui ont bravé l’interdiction des autorités urbaines et battu le pavé dans la capitale. « L’église catholique offre le cadre des manifestations, et nous les combattants », a plastronné le fidèle collaborateur de Félix Tshilombo Tshisekedi au micro de notre consœur Sylvie Bongo au cours d’une émission-débat qui a tôt fait de faire le tour des réseaux sociaux. Dans la foulée, et comme pour joindre le geste à la parole, le parton de l’exécutif de l’UDPS annonçait l’organisation d’une marche convoquée par le parti cette fois-ci, le 16 février 2018.
Victimes peu catholiques
La sortie de médiatique de Jean-Marc Kabund a eu le don de confirmer un fait qui n’a pas échappé à l’attention de nombre d’observateurs des marches dites chrétiennes. Les manifestants, les mêmes qui ont toujours répondu à l’appel d’acteurs politiques de l’opposition, ressemblaient très peu aux fidèles catholiques connus pour leur discipline et leur modération comportementale. Mais surtout, que les victimes des manifestations interdites ne comptaient nullement parmi les doux habitués des cultes dominicaux. Même si la hiérarchie de l’archidiocèse de Kinshasa s’est empressée de revendiquer leur appartenance à l’église catholique, leur consacrant toute une messe de suffrages aux allures de meeting politique le 12 janvier 2018 en la Cathédrale Notre Dame du Congo.
Appel à la communauté nationale, plus aux chrétiens
Dimanche 4 février 2018, le Comité Laïc de Coordination (CLC) a rendu public un communiqué qui ne devrait pas rasséréner les esprits parmi les chrétiens catholiques. Selon ce texte signé des professeurs Thierry Nlandu, Isidore Ndaywell et Justin Okana, une messe à la mémoire des victimes de la marche du 21 janvier est prévue le 9 février à la Cathédrale Notre Dame du Congo. « Soyez nombreux pour honorer nos martyrs, soyons ensemble pour dire non à la persécution des chrétiens qui se déroule dans notre propre pays, sous nos yeux, en plein XIème siècle », peut-on lire dans ce communiqué qui marque un virage net des hommes du Cardinal : il est adressé à la communauté nationale et internationale, et non plus aux chrétiens catholiques. Et sonne comme un aveu de reconnaissance du fait que les martyrs célébrés ne sont en rien chrétiens.
J.N.