Le bras de fer engagé depuis décembre 2017 par une frange de l’église catholique romaine kinoise contre le pouvoir en place à Kinshasa connaîtra un épisode supplémentaire dimanche 21 janvier 2018. Le Comité Laïc de Coordination (CLC) a appelé le 12 janvier dernier à une nouvelle marche politico-religieuse après la messe-meeting politique célébrée par le Cardinal Laurent Monsengwo à la Cathédrale Notre Dame du Congo peu avant de s’envoler pour Rome. Tous les ingrédients, ou presque, ont été réunis pour s’assurer davantage de succès – provoquer des bavures policières qui se soldent par plus de morts qu’à l’occasion de la dernière marche, en fait – dimanche prochain.
La messe-meeting politique officiée par Laurent Monsengwo Pasinya vendredi dernier fut une sorte de répétition générale à cet égard. Elle avait réuni tout ce que Kinshasa compte de diplomates occidentaux, qui ne dissimulent pas trop leur aversion pour Joseph Kabila et sa majorité présidentielle au pouvoir en RD Congo, et un parterre d’acteurs politiques de l’opposition rangés (sur instruction de Bruxelles dit-on) derrière le cardinal-archevêque vu leur incapacité à mobiliser les populations. Sans compter les curés des paroisses catholiques de la capitale, qui avaient reçu ordre de se rendre à Notre Dame du Congo accompagnés de leurs fidèles, selon les sources du Maximum. Mais la mayonnaise n’a pas pris. Pas tout à fait.
Un test-nature qui a échoué
Aussitôt après le culte politique de la cathédrale kinoise, un groupe d’acteurs politiques de l’opposition avait effectué un test-nature de perturbation de l’ordre public en déclenchant une marche spontanée. Qui a lamentablement échoué, parce qu’aussitôt dispersée par les forces de police sans autre bavure escomptée que deux blessés légers, selon les rapports non démentis de la Police Nationale Congolaise. L’opinion s’attend à la même promptitude, si pas plus, des forces de l’ordre dimanche prochain. Au terme d’un conseil des ministres, lundi 15 janvier à Kinshasa, le gouvernement a dénoncé « quelques tentatives subversives initiées par un membre de la hiérarchie du clergé de l’Eglise catholique de la ville de Kinshasa … qui s’inscrivent dans un schéma anticonstitutionnel de violence, de désordre, de perturbation du processus électoral compromettant gravement les Intérêts Nationaux ». Et annoncé que « les services compétents du Gouvernement ont été instruits de faire en sorte que force reste à la loi afin d’éviter tout impact négatif sur l’ordre public, la paix, la convivialité entre les différentes couches sociales de la Nation et le processus électoral en cours ». Choc frontal inévitable donc, ce dimanche à Kinshasa, où, encore une fois, les coalisés du Cardinal ne partent pas favoris, selon des informations qui se recoupent.
Appel du pied aux autres confessions religieuses
Les organisateurs de la marche de dimanche prochain ont tenté de fédérer davantage de forces religieuses de la capitale et du pays en lançant un appel du pied aux fidèles protestants et autres confessions religieuses. Un comité de coordination de laïcs protestants a été mis sur orbite au milieu de la semaine, qui annonçait son ralliement aux troupes du Cardinal Monsengwo. Dans ce qui a ressemblait bien plus à un tract qu’à un communiqué puisqu’il ne comporte aucune signature, les auteurs avancent que « tous les hommes et femmes de foi, fussent-ils protestants, kimbanguistes, de l’église de réveil ou encore musulmans ne devraient que soutenir la démarche des prêtres catholiques pour dénoncer les dérives du pouvoir actuel ». Mais surtout, que l’organisation « apporte son soutien clair à la démarche de marche pacifique ce dimanche 21 janvier 2018 selon le mot d’ordre du Comité Laïc de Coordination ».
La tentative d’arnaque n’a duré que quelques heures, à en juger par la prompte réaction des structures officielles de l’Eglise du Christ au Congo qui a réagi par un communiqué en bonne et due forme, rendu public jeudi 17 janvier dans la journée. Signé du secrétaire général du Ministère des Laïcs Protestants (MILAPRO), cette mise au point dénonce l’existence de cette Coordination des Laïcs Protestants, qui n’a aucun soubassement légal et n’est qu’un « montage grossier ». Et « renvoi instamment l’opinion, outre à l’homélie (…) du 16 janvier 2018 à la Cathédrale du Centenaire de l’ECC en mémoire de M’Zee Laurent-Désiré Kabila (…) à l’adresse de fin d’année du Révérend Docteur Bokundoa-bà-Llikabe, président national et représentant légal de l’ECC à la nation … ». L’ECC et ses fidèles n’embarquent donc pas dans le navire aux destinations inconnues du Cardinal Monsengwo et ses hommes.
L’homélie du Pasteur Ekofo
L’homélie prononcée mardi 16 janvier 2017 en la cathédrale protestante du Centenaire par le pasteur François David Ekofo a fait elle aussi l’objet d’une tentative de récupération aussitôt distillée dans l’opinion par l’opposition radicalisée. Mais ici aussi, la tentative n’aura duré que quelques heures, avant que les esprits et les observateurs avisés ne démontent le piège. Devant presque tout ce que Kinshasa compte de personnalités politiques, le pasteur Ekofo a établi un bilan sans concessions de la situation du pays, interpellant aussi bien la communauté internationale (occidentale), les voisins de la RDC que les autorités politico-administratives et l’ensemble des fidèles congolais. L’homélie du révérend Ekofo a aussitôt été présentée dans les réseaux sociaux et dans quelques médias globaux comme RFI comme un renfort à l’appel au djihad lancé par le Cardinal Monsengwo quelques jours après l’échec de la marche du CLC du 31 décembre dernier. Il n’en est rien pourtant. « François David Ekofo est demeuré dans son rôle de pasteur et n’a traité personne de médiocre », fait observer au Maximum un député de la Majorité Présidentielle proche du prédicateur qu’il a du reste rencontré après l’office. « Il n’a appelé personne à manifester. Au contraire, il a reproché à l’Etat congolais de se montrer trop accommodant vis-à-vis de tous ceux qui perturbent le vivre-ensemble dans notre pays et a interpellé les consciences sur les devoirs qui nous incombent à nous tous », poursuit-il.
Mardi dernier à la cathédrale du Centenaire, le prédicateur du jour avait été du reste frénétiquement applaudi par l’assistance composé en grande partie de têtes couronnées du régime au pouvoir à Kinshasa. C’est la preuve que son message avait été accepté, au propre comme au figuré : au propre parce qu’ainsi que le relèvent nos confrères de Congovirtuel info, l’homélie lue avait préalablement reçu l’aval de la Fondation M’Zee Kabila qui avait sollicité le culte, selon les usages protocolaires en la matière . Ceux qui ont vu dans le pasteur protestant un autre Laurent Monsengwo Pasinya, le nouveau commandeur des troupes anti-Kabila semblent donc être allé un peu vite en besogne.
Notre source précise que parmi les incivilités que le révérend Ekofo reproche au pouvoir en place à Kinshasa, figure en bonne place cette mansuétude excessive à l’égard des pêcheurs en eaux troubles comme les conducteurs des voitures ketch à volant à droite auteurs d’innombrables accidents dans nos villes, les gestionnaires de nos municipalités comme Kinshasa qui ploient sous des immondices abandonnés à ciel ouvert et les tapages nocturnes et autres défis à l’ordre public perpétrés impunément par… le Comité Laïc de Coordination du Cardinal Monsengwo.
Prétendre que Ekofo et Monsengwo c’est bonnet blanc – blanc bonnet comme le font certains internautes est donc simplement une véritable lubie.
Les églises de réveil et les kimbanguistes contre Monsengwo et son CLC
Pas plus d’adhésion au projet politique déstabilisateur de l’archevêque de Kinshasa dans les églises dites de réveil dont le président, l’Evêque Albert Kankienza, a déclaré à des confrères en ligne que « nous ne sommes pas une église à la remorque d’une autre église. Nous ne sommes pas des agents d’une quelconque confession religieuse. Il faut qu’il y ait un respect mutuel. Donc nous ne sommes pas là, quand une confession dit ceci, tout le monde à la queue leu leu … ». C’est tout sauf une adhésion à la marche convoquée par le CLC du bouillant Cardinal. Tout accaparé par un égo plutôt démesuré, Laurent Monsengwo ne s’est jamais préoccupé de soigner ses rapports avec les autres confessions religieuses, qu’il a tendance plutôt à regarder « du haut de sa prétendue érudition biblique », selon ce pasteur kimbanguiste qui s’est confié au Maximum. D’innombrables foules vert et blanc adeptes de l’Eglise du Christ sur la Terre par le Prophète Simon Kimbangu, les organisateurs de la marche projetée pour dimanche prochain n’ont donc rien à attendre. Strictement rien. Depuis notamment que la CENCO présidée par l’alors archevêque de Kinsangani, Monsengwo, avait décrété en juillet 2004 que « les relations de l’Eglise catholique avec le Kimbanguisme doivent être celles qu’elle entretient avec les autres religions non-chrétiennes », invalidant de ce fait le baptême kimbanguiste pour les chrétiens catholiques, et interdit aux chrétiens catholiques de participer à toute concélébration faire œcuménique avec les kimbanguistes. « Pas d’œcuménisme spirituel, pas d’œcuménisme politique », ponctue l’interlocuteur du Maximum. A la marche du dimanche prochain, les kimbanguistes eux n’en seront pas, assurément.
J.N.