A Kinshasa et dans une partie de la RD Congo, les princes de l’église catholique romaine prennent résolument d’assauts le pouvoir en place, à l’instigation principalement des libéraux au pouvoir en Belgique qui reprochent à Joseph Kabila de tourner le dos aux intérêts belges et occidentaux au profit du continent asiatique, des chinois, particulièrement. L’hallali avait été sonné, mi-décembre 2017, par le Cardinal-Archevêque de Kinshasa, qui a appelé les fidèles catholiques et les populations à « dégager » ceux qu’ils présentent comme des « médiocres ». Après une marche de contestation convoquée par l’archidiocèse de Kinshasa, qui a lamentablement échoué dimanche 31 décembre 2017. Obstiné, le Cardinal Monsengwo a convoqué vendredi 12 janvier une messe dite des morts qui s’est transformée en meeting politique anti-Kabila avec une nouvelle tentative de marche qui a connu le même sort.
Paradoxalement, quelques heures auparavant, à des milliers de kilomètres de Kinshasa, des militants anticoloniaux regroupés au sein de l’ACED déboulonnaient rageusement le buste du Roi Léopold II érigé dans le parc de Duden dans la commune bruxelloise de Forest. Ils en avaient ras-le-bol de la politique de l’autruche pratiquée par le gouvernement libéral au pouvoir dans l’ancienne métropole coloniale de la RD Congo, qui « fuit le débat et l’examen de conscience sur la page de sombre de l’histoire de la colonisation belge en RD Congo ». Dans un communiqué qu’ils ont rendu public pour justifier cette action, les membres de l’ACED estiment en effet que « Léopold II est surtout l’auteur d’une entreprise méthodique de pillage, responsable de plusieurs millions de morts, qui a profondément déstructuré les sociétés locales », de leur point de vue. Dont ils infèrent que « la gravité de ces crimes invalide toute démarche visant à louer publiquement l’action de Léopold II par l’érection d’un buste symbole des blessures infligées à la mémoire des personnes issues de l’immigration post coloniale, et plus largement, à ceux qui combattent le racisme dans lequel s’inscrivent tant les crimes coloniaux passés que le néocolonialisme actuel ».
Néocolonialisme, c’est ce dont nombre d’observateurs en RD Congo accusent le clergé de l’église catholique romaine actif dans ce pays qui est resté pendant des décennies après une décolonisation formelle le grenier et le coffre-fort de la Belgique. L’appel d’un certain nombre des princes de l’église catholique à se défaire du pouvoir de la majorité issue des scrutins électoraux de 2016 intervient alors que le processus électoral est irrémédiablement programmé pour décembre 2018. Le 5 novembre 2017, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) avait rendu public un chronogramme électoral qui prévoit, notamment, la présidentielle, les législatives nationales et provinciales à cette échéance. L’activisme des prélats catholiques contrarie ces perspectives démocratiques qui visent à assurer une alternance politique sans heurts dans ce pays post-conflits, pourtant conforme à la constitution en vigueur en RD Congo en dépit du retard de deux ans qui relève de la force majeure. Et coïncide, un peu trop, avec l’aversion d’anciens colonisateurs et de certains milieux mercantiles belges et l’ancien continent contre toute idée d’indépendance économique réelle du pays-continent de Patrice-Emery Lumumba et de Mzee Laurent-Désiré Kabila.
Ce n’est plus qu’un secret de polichinelle, le continent asiatique emmené par la Chine est en train de supplanter inexorablement les puissances économiques occidentales sur le continent africain en général et en RD Congo en particulier. Mais aussi, que le vieux continent qui joue son va-tout pour préserver son influence en RD Congo semble avoir pris la résolution de défenestrer le pouvoir en place à Kinshasa. En prenant le parti d’affronter les kabilistes nationalistes au pouvoir, les princes de l’église catholique romaine de la RD Congo ont choisi de soutenir le néocolonialisme. Le même que des belges « décolonialistes », comme ils se définissent eux-mêmes dénoncent dans leur propre pays en exigeant un mea culpa sur la politique prédatrice de Léopold II dans ce pays.
J.N.
Le buste de Léopold II retrouvé dans le parc Duden à Forest