Une croisade de confrontation dont l’église se serait bien passée
Depuis un temps l’Eglise catholique de RDC, sous l’instigation de la CENCO – Conférence Episcopale Nationale du Congo -, a pris la décision audacieuse d’en découdre comme dans une bataille finale avec les institutions de la République sous la conduite de Joseph Kabila. Pour arriver à ses fins, elle entend mobiliser tous ceux qui lui seraient aveuglément soumis, sans se passer du soutien naturel des politiques dont les intérêts se verraient servir en raccourci par cette voie. De grandes manifestations sont donc programmées « pour faire partir Kabila à défaut de s’engager solennellement qu’il ne briguera pas un troisième mandat ». Voilà qui prend la tournure d’un plan suicidaire eu égard aux observations pertinentes ci-après, entre autres :
Une leçon contre soi
L’Eglise, par nature, est sous l’emprise de la théocratie. Celle-ci figure parmi les modes de gouvernance les plus dictatoriaux jamais connus dans l’histoire. Toute démarche visant à démocratiser l’église est vue comme une profanation passible d’excommunication. Des syndicalistes ont, sous nos yeux, été publiquement maudits au nom de Dieu pour avoir mené des mouvements visant pourtant le bien-être socio-professionnel de tous, y compris des fidèles chrétiens. L’on se demande alors si les tenants d’une telle idéologie sont capables d’enseigner une démocratie dont ils ont juré de ne point téter à la mamelle. Au bout du tunnel, on pourra assister à des revendications dans le sens de la participation des fidèles à la désignation des curés et des évêques, et ce sera parti pour un malaise sans issue au sein de l’Eglise.
Une démission déguisée
Les hommes de Dieu se sont assignés la mission première de conduire les âmes des fidèles à la sainteté en vue de la vie éternelle. Sur ce point, ils savent que très peu d’entre eux offrent de nos jours un modèle imitable et conforme au contenu de leurs sermons quotidiens. Si donc les églises se remplissent encore de monde, c’est plus du fait d’une foi entretenue à partir des familles, ou alors d’une tendance superstitieuse reconnue à l’Africain primitif. Conscients peut-être de l’effet de la trahison de l’Evangile dont ils ont reçu la charge de témoigner, ils se rabattent sur des réalités purement mondaines comme pour tenter de se racheter. Ainsi veulent-ils se muer en leaders politiques à défaut d’incarner un vrai leadership spirituel attendu d’eux.
La déchéance des chefs d’église
Il est regrettable de voir des personnalités assumant des responsabilités prestigieuses et sacralisées dans l’opinion se réduire au rang de courtisans, de commissionnaires d’individus avec lesquels elles partagent des passions autres que divines. Il a suffi qu’Etienne Tshisekedi soit absent à la signature de l’accord du 18 octobre 2016 pour que la CENCO en claque la porte pour raison de « non-inclusivité » alors qu’elle a crié plus tard à la « distraction » lorsque le même grief a été opposé à l’Accord dit de la Saint-Sylvestre, au moment où le MLC hésitait encore à le signer. C’est que, pour les Evêques, seule la présence de l’UDPS comptait. Dans la même logique, la CENCO connaissait le contenu de la lettre prétendument confidentielle portant proposition d’un candidat premier ministre adressée au Président de la République et non reçue par ce dernier après la mort de son expéditeur. Pour les prélats, visiblement co-auteurs de la correspondance, c’est Félix Tshisekedi qui avait été désigné par feu son père. A dire vrai, tout ce qui peut apaiser les prédicateurs en soutane sur l’application de l’accord du 31/12/2016 n’est rien d’autre que la nomination de Tshisekedi fils à la primature. Ce métier de courtisan a à nouveau étalé ses couleurs lorsque la CENCO devait présenter le rapport sur la situation de Moïse Katumbi dans le cadre du traitement des cas qualifiés d’emblématiques au dialogue du Centre Interdiocésain. Pendant que le Chef de l’Etat devait recevoir le document en exclusivité, celui-ci a été intentionnellement dupliqué et envoyé en copie au concerné avant d’être balancé dans les réseaux sociaux, comme le ferait un valet envers son maître pour solliciter malicieusement davantage de confiance et de bienfaits une fois la besogne accomplie. Pareil comportement dévalue la respectabilité d’une personne ou d’une caste qui ne sait pas s’imposer de la réserve au regard des charges d’Etat occasionnellement reçues en vertu d’une certaine probité lui attribuée.
Le retour aux horreurs du moyenâgeuses
Parmi les défauts qui ont gravement ruiné l’église au Moyen-Age figurent l’intolérance, la cupidité et la bestialité. Des évêques, en ces temps-là, ont répandu une fausse bénédiction sur des « croisades » sous prétexte de vouloir libérer la Terre Sainte mais avec pour vrais résultats des tueries et des saccages massifs. Des tribunaux sanguinaires tels l’« inquisition » ont été institués pour réprimer dans le sang des hérésies supposées. Ainsi périt le pauvre Galilée qui avait démontré que la terre tournait autour du soleil et à qui les excuses symboliques du Pape Jean-Paul II ne vaudront jamais le complément de sa vie, moins encore la canonisation. Nous passons sous silence la simonie pratiquée à grande échelle dans cette vague de scandales dont la dénonciation causa une blessure historique au christianisme : la naissance du protestantisme. Aujourd’hui, quand de hautes autorités ecclésiastiques se mettent à nouveau au service des individus aux ambitions totalement profanes, le décor semble planté pour que l’on revive les troubles qui ont coûté si cher à l’église médiévale.
Un risque d’implosion de l’église
Au lieu que l’église soit cette barque qui rassemble, qui concilie les différentes tendances sociopolitiques des croyants, elle devient de plus en plus le temple de l’animosité du fait de la diabolisation des uns contre les autres. Pourtant, ces fidèles de tous bords communient pleinement à la vie de leurs communautés ecclésiales autour des mêmes sacrements et des mêmes paniers à aumône. L’apport d’une catégorie n’a jamais été déclaré non recevable et maudit à l’avance. Des cathédrales construites aux frais des personnalités au pouvoir ou de leurs proches sont allégrement dédiées à des saints pour la sanctification de ceux qui les fréquenteront, les évêques en premier. Cette discrimination artificielle dans le chef des hommes de Dieu à l’endroit d’une frange active de leur assemblée fait germer des frustrations qui, à la longue, déboucheront sur des affrontements ou la désertion de l’église catholique au profit des communautés concurrentes, avec tout ce que cela comporte comme perte sous de multiples formes.
L’ouverture de la boîte à Pandore
Le lancement des manifestations contre le pouvoir jugé injuste peut se généraliser et dégénérer en campagne de règlements des comptes contre le personnel ecclésiastique et contre les biens de l’église qui ne sont pas toujours proprement acquis ni honnêtement gérés. Les altercations si fréquentes et brutales opposant ce camp à des personnes de statuts divers en raison d’un litige terrien, financier voire conjugal et dont l’arrangement, lui-même rarement satisfaisant, donne lieu à des rancunes mortelles peuvent refaire surface contre les auteurs d’une confusion mal calculée.
Une ingratitude périlleuse
Dans ses bévues, l’église a toujours bénéficié d’une protection sans égale du pouvoir public indépendamment la tendance de ses animateurs. D’aucuns se demandent d’ailleurs de quel droit particulier cette catégorie de citoyens doit jouir d’immunités spéciales et plus fortes que celles légales des élus du peuple. Même en cas de contentieux en raison de quelque spoliation, la paroisse ou l’évêché obtient toujours gain de cause grâce à la puissante assistance lui assurée par l’Etat. A ce cadeau d’inviolabilité s’ajoutent les dividendes de la gestion de certaines entreprises et de l’exécution des commissions d’Etat : l’Ecole du Cinquantenaire construite par le Gouvernement provincial du Nord-Kivu est passée sous la gérance des Sœurs Oblates, la Caritas s’occupe de l’acheminement fort rentable des salaires des enseignants des zones dépourvues de structures bancaires, la facilitation du dialogue du Centre Interdiocésain ne peut aucunement avoir été le fait d’un bénévolat, etc. Le bras de fer que l’Eglise catholique veut engager avec l’Etat risque de lui faire retirer tant d’avantages et tous ces boucliers, ce qui l’exposerait aux assauts légitimes des citoyens ordinaires plus d’une fois lésés par elle.
La hantise d’un vieux démon
Certains hommes de Dieu sont devenus l’incarnation des possessions qui, depuis les origines, divisent la communauté congolaise et l’empêchent de parler le langage de la nation : sensibilités géopolitiques et géolinguistiques, conflits de génération, jalousie… Ces sentiments, du reste démoniaques, poussent des gens pourtant oints à dénigrer sans raison leurs confrères, à les livrer à l’ennemi commun. Qui oubliera la traîtrise du cardinal Frédéric Etsou à l’encontre de Monseigneur Emmanuel Kataliko alors archevêque de Bukavu, quand la fureur du RCD/Goma déléguait ce « martyr de la paix » dans son Beni-Butembo d’origine ? Et le nouveau cardinal, Laurent Monsengwo, n’a-t-il pas agi dans le même sens à l’endroit de Monsieur l’Abbé Apollinaire Malumalu de son vivant comme président de la CEI – CENI ? C’est donc la même haine qui est à l’œuvre contre Joseph Kabila. En fait, l’indétrônable vieille génération Monsengwo – Tshisekedi, qui avait perdu ses chances d’entrer dans l’histoire par le biais de la Conférence Nationale Souveraine au cours de laquelle de pseudo-révolutionnaires avaient continuellement caressé le dictateur dans le sens du poil, ne décolèrera jamais de voir le pragmatisme politique venir d’un autre âge, d’une autre langue et d’une autre partie de la République. Et la CENCO, ayant souvent servi d’instrument aux évêques de Kinshasa, est du coup l’expression des rancœurs individualisées.
Une arrogance délirante
Il n’est pas moins qu’illusoire que de penser, dans un Etat laïc, devoir et pouvoir obtenir d’un Président de la République, au-delà du serment prêté devant la Cour Suprême de justice faisant office de Cour Constitutionnelle à l’époque, un engagement devant des évêques à qui rien ne confère ni le statut et ni la qualité d’institution. On se demande également quelle valeur juridique aurait une ordonnance signée par Joseph Kabila sur lui-même, dès lors que la validité d’un acte juridique tient à l’ascendance hiérarchique de son signataire sur le concerné. Bien plus, nul n’ignore qu’en offrant leurs bons offices au deuxième dialogue, les hommes en calotte avaient été recrutés – moyennant contrat dûment conclu et renouvelé à volonté – par le Chef de l’Etat à qui ils ont remis leur rapport faisant du reste état d’un travail inachevé (« accompli à 98℅ »). L’on est alors en droit de se demander depuis quand et par quel mécanisme les ouvriers d’hier sont devenus les garants d’un accord issu d’une tâche dont ils n’ont jamais été les maîtres. C’est de l’escroquerie et de la malveillance, un dénigrement à révolter même les autorités les plus patientes.
Une conspiration terroriste
S’il est admis que du radicalisme religieux sur fond d’intolérance naissent les velléités terroristes les plus courantes, les initiatives de la CENCO sont porteuses des ferments d’un djihadisme à la congolaise. Alors que le terrorisme est souvent le fait des islamistes et donc d’obédience musulmane, celui en gestation en RDC, curieusement, portera une marque catholique. Un tel sacrilège ne peut rendre fier qu’un prélat cynique et candidat à l’enfer.
Mais le Dieu du Congo veillera sur sa propriété sacrée contre le gré de ces faux prophètes maudits et colporteurs d’abomination contre la Nation bénie.
Carlos BENGA, 09/01/18,