En l’espace de 37 jours seulement, l’option levée par les Evêques dans leur déclaration du 24 novembre 2017 sous-intitulée «ALLONS AUX ELECTIONS» a été contredite par le CLC en adhérant pour la Marche du 31 décembre 2017 au schéma «Rassop/Limete et Alliés» de la «Transition Sans Kabila»…
Qui est censé répondre moralement du «Comité Laïc de coordination» ? Deux réponses se croisent, l’une du Nonce apostolique, l’autre de l’Archevêque de Bukavu. Dans sa mise au point du 2 janvier 2018, le Nonce souligne que «Dans le cas de l’initiative promue par le CLC à Kinshasa, l’unique autorité ecclésiastique compétente pour juger la conformité d’une telle initiative avec la doctrine de l’Église était l’archevêque de Kinshasa». Il précise même que la «Nonciature Apostolique a été formellement informée par les membres du CLC sur leurs intentions. La Représentation Pontificale, comme il est de son devoir, a opportunément communiqué la nouvelle à ses supérieurs de la secrétairerie d’État de sa Sainteté. Toutefois, on ne pouvait pas s’attendre à une quelconque réaction du Saint Siège, car il est de règle dans l’enlise de respecter ce qui est dans la compétence des Évêques diocésains. Par conséquent, aucune approbation ou condamnation n’a été émise par le Saint Siège et il ne faudra aucunement en attendre dans le futur». Quant à Mgr François Xavier Maroy, il a tranché en ces termes : «On a suivi à Kinshasa le comité des laïcs catholiques qui annonce, qui programme la marche entre guillemets au niveau national. Je ne sais pas qui en est membre ici. En ce que je sache, ce comité ou cette coordination des laïcs catholiques n’existe pas au sein de la conférence épiscopale. Par contre, nous avons le conseil de l’apostolat des laïcs catholiques. Ce n’est pas le CLC que j’ai vu, que j’ai entendu»
Il va sans dire que la seule autorité cléricale appelée à répondre des actes du Comité laïc de coordination est l’archevêque de Kinshasa, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, libre à lui – comme il l’a fait le mardi 2 janvier 2018 – de demander aux «médiocres de dégager, pour que règnent la paix et la justice en RD Congo».
Dans ses propos, il a stigmatisé les «incidents malheureux survenus le dimanche 31 décembre 2017 lors de la marche pacifique et non violente organisée par le comité laïc de coordination, dans le but de réclamer l’application réelle de l’Accord politique global et inclusif du Centre Interdiocésain de Kinshasa (Accord de la Saint-Sylvestre), accord violé volontairement», relevant au passage le malaise socio-économique «que traverse notre cher et beau pays, la RD Congo», référence faite au communiqué final de l’assemblée plénière extraordinaire organisée du 22 au 24 novembre 2017.
«Nous ne pouvons que dénoncer, condamner et stigmatiser les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniforme qui traduisent malheureusement, et ni plus ni moins, la barbarie», a-t-il poursuivi en citant les abus portés à sa connaissance.
Après avoir qualifié les forces de l’ordre et de sécurité de « prétendus vaillants hommes en uniforme », il a cependant – comme pour faire un bémol – demandé « aux uns et aux autres de faire preuve de sagesse et de retenue » avant de dénoncer « des mystifications présentées comme informations véridiques et fiables» et de considérer qu’«Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RD Congo ».
Se demandant « Comment ferons-nous confiance à des dirigeants incapables de protéger la population, de garantir la paix, la justice, l’amour du peuple ? » et « Comment ferons-nous confiance à des dirigeants qui bafouent la liberté religieuse du peuple, liberté religieuse qui est le fondement de toutes les libertés ?» selon le pape Benoît XVI, le prélat a fait observer que « la liberté religieuse est un élément essentiel de l’Etat de droit, on ne peut la nier sans porter atteinte à tous les droits et aux libertés fondamentales ». Comme si quelqu’un a jamais pensé à interdire aux chrétiens catholiques de pratiquer leur foi religieuse en RDC.
Dans son entendement, « L’instrumentalisation de la liberté religieuse pour masquer des intérêts occultes comme par exemple l’accaparement des ressources, des richesses, le maintien au pouvoir par des méthodes anticonstitutionnelles, peut provoquer et provoque des dommages énormes aux sociétés, en l’occurrence la nôtre ». Et il a conclu « Nous voulons un Congo des valeurs et non d’antivaleurs » en émettant le vœu que « le Seigneur puisse accorder à notre pays une paix durable dans la justice et la vérité, et à nos morts pour la liberté, le salut éternel ».
Médiocrité ?
L’opinion avisée aurait au moins souhaité entendre de la bouche de l’archevêque la vérité d’abord sur la création du Comité laïc de coordination, ensuite sur la connexion avec «Rassop/Limete et Alliés», révélé par son récent voyage très médiatisé à Bruxelles auprès du gourou de cette plateforme, Moïse Katumbi Chapwe avec lequel il s’était ostensiblement affiché avant de revenir patronner la chienlit à Kinshasa ; enfin sur la mobilisation des chrétiens catholiques dans la Marche du 31 décembre 2016.
En effet, la première fois que les Congolais ont entendu parler du fameux CLC, c’était le samedi 2 décembre 2017, soit une semaine seulement après l’assemblée plénière extraordinaire dudit comité. Questions pertinentes : le projet de création du CLC a-t-il été initié avant, pendant ou après ces assises ? Si c’est avant ou pendant, le Cardinal l’a-t-il porté à la connaissance des Evêques ? La réponse est non car autrement Mgr François Xavier Maroy, l’archevêque de Bukavu n’aurait pas remis en cause l’existence de cette structure. L’a-t-il fait enregistrer par les autorités civiles congolaises comme l’exige le Concordat entre le Saint Siège et le Gouvernement de la RDC ? Non plus…
On sait seulement que le « fantomatique » CLC, pour reprendre l’expression du porte-parole du gouvernement est monté au créneau pour aller au-delà de ce que la CENCO a envisagé : des marches à la date du 31 décembre 2017 justifiées dans un premier temps par l’application de l’Accord de la Saint Sylvestre dans son volet «Décrispation politique» et, dans un second temps, par le schéma «Transition Sans Kabila» !
Evêque du diocèse de Butembo-Beni, Mgr Melchisédech Sikuli Paluku a estimé qu’« …au lieu de réveillons bruyants ou de soirées mondaines, il est recommandé, là où le contexte le permet, de passer des veillées de Nouvel An dans la prière, notamment celle de la louange et d’adoration ou, à défaut, d’organiser une brève prière vespérale, en l’occurrence une veillée biblique. De telles veillées invitent chaque participant à faire le point de l’année écoulée, à rendre grâce pour les belles choses, à demander de la force pour les épreuves à venir, et surtout à confier la nouvelle année à Jésus ‘par les mains de Marie’, comme dirait Sainte Louis-Marie Grignion de Monfort».
Archevêque de Bukavu, Mgr François Xavier Maroy sera plus direct après avoir invité «la classe politiques et certains prélats à faire montrer de sérieux, au lieu de projeter les actions qui galvaudent l’essence même de la philosophie de l’église». Il écrit : «Il y en a qui ont décidé que le 31 décembre tout doit changer. Et ils ont programmé de faire changer par des marches. Je crois que la meilleure marche c’est de nous mettre à genoux pour que nous puissions nous dire : sommes pécheurs, nous te demandons, Seigneur, pardon, nous avons détruit notre pays. Ce serait la meilleure».
Organisation informelle communiquant avec un papier à en-tête ne signalant ni siège, ni adresse-mail, ni téléphone et n’indiquant nullement le point de chute de son itinéraire, le CLC a étalé sa médiocrité dans la gestion d’une marche. Médiocrité parce qu’il a enrôlé dans ses marches sans itinéraires des forces politiques et sociales qui avaient un agenda différent du sien, agenda du reste connu de l’opinion nationale et internationale, à savoir la «Transition Sans Kabila».
Le CLC l’a d’ailleurs réalisé à ses dépens lorsqu’il a vu les Opposants se défiler. Journal anti-Kabila, mais surtout pro-Katumbi, La Libre Afrique – version africaine de la Libre Belgique quotidien belge reflétant inlassablement les vues de Moïse Katumbi – a fait sa Une sur la Marche du 31 décembre 2017 avec le titre « RDC : La lamentable fuite de Félix Tshisekedi ». Un participant à la messe dite à Notre Dame du Congo témoigne : « La police empêchait les gens de sortir s’ils étaient à plus que cinq personnes à la fois. Les femmes étaient sorties, il ne restait que des hommes. Félix Tshisekedi est sorti et est monté dans sa voiture pour partir. Les gens qui étaient dehors ont commencé à le huer, à taper sur sa voiture en criant ‘Tu nous abandonnes’. Beaucoup étaient des jeunes qui croyaient que Félix allait marcher avec eux » !
En 25 ans, c’est la deuxième fois
Mais, la grande question est de savoir que s’est-il passé entre le 24 novembre et le 31 décembre 2017 pour que du mot d’ordre des Evêques « Allons aux élections » on en arrive au soutien du Clc au schéma «Transition sans Kabila» cher à «Rassop/Limete et Alliés».
Dès lors que c’est le cardinal Laurent Monsengwo qui répond du CLC et qu’aucun esprit lucide ne peut comprendre ni admettre une initiative isolée du laïcat catholique sans sa caution, on peut déduire que l’archevêque de Kinshasa s’est royalement moqué de la CENCO.
En l’espace de 25 ans, c’est la deuxième fois qu’il mêle son nom à une marche des chrétiens qui se termine dans le sang ou la cacophonie.
L’erreur étant humaine, la persistance dans l’erreur ne l’étant pas, seul le Cardinal a la réponse idoine à l’interpellation ordinaire et simple de savoir : pourquoi !
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum