L’opinion avertie, celle qui croit de moins en moins aux chiffres claironnés sur les réseaux sociaux dont des acteurs politiques sans foi ni lois usent et abusent à volo, les ondes des radios périphériques ou les colonnes des certains journaux tant internationaux que locaux, est toujours dans l’expectative de plus amples détails sur les morts réputés « très nombreux » survenues le 31 décembre dernier au cours des marches ratées du Comité laïc de coordination au secours duquel le Cardinal Monsengwo essaie vaille que vaille de donner une sorte de vie aussi artificielle qu’illégale. Jusque-là, seuls les rapports rendus publics par le porte-parole de la Police Nationale Congolaise (PNC), confirmés par la mission onusienne (MONUSCO) à Kinshasa font autorité. Même la Nonciature Apostolique à Kinshasa, l’ambassade du Vatican prête à faire feu de tout bois pour sauver la crédibilité d’une église catholique bien malmenée par les saillies temporelles de son primat à Kinshasa, n’a pu que se ranger, bon gré, mal gré, derrière l’évidence. Dans une « note technique » rendu publique le 3 janvier 2018, Mgr. Montemayor, Ambassadeur du Vatican en RDC – dont un tabloïd proche de l’opposition prétend qu’il se serait arrogé le droit d’agréer le sulfureux Comité laïc de coordination on ne sait trop sur base de quelle législation – n’a fait état que de « paroisses encerclées et isolées par les forces de l’ordre », précisant que seules 18 d’entre elles avaient été envahies par les forces de l’ordre et de sécurité lesquelles n’auraient entravé que deux célébrations eucharistiques (messes) après en avoir interrompu 5. Selon cette source peu suspecte de sympathie pour le régime en place à Kinshasa, seulement « 10 paroisses (ont été) perturbées par les gaz lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre ».
Des morts ressuscités
Au chapitre des morts, la note technique du prélat-diplomate argentin fait état de « un décès parmi les fidèles catholiques, survenu à la paroisse St Dominique de Limete » (en fait une mise en scène car la dame blessée qui a été présentée comme morte a été par la suite retrouvée et photographiée bien vivante mais en soins dans un centre hospitalier de la capitale, voir encadré), et de 4 autres décès signalés (Ste Famille et St Alphonse), en réalité deux pillards, abattus dans une chambre froide de Matete qu’ils étaient occupés à piller par les vigiles de service et dont les dépouilles, à en croire le curé de St Alphonse, auraient été acheminés par leurs comparses vers la paroisse où rien de fatal n’a été signalé en fait. Les deux autres décès par mort violente du 31 décembre répertoriés par la police sont ceux de deux membres de la milice « Kamwina Nsapu » tombés respectivement à Masina (Kinshasa) et Kananga (Kasaï Central) lors d’affrontements avec les forces de sécurité au cours desquels un policier a été tué. Aucun des « marcheurs pacifiques » ameutés par le CLC ne figure donc sur ce tableau macabre. Comme pour se donner une certaine contenance, la Nonciature a fait état dans sa note technique de six prêtres catholiques (dont un séminariste) qui auraient été interpellés. Les morts devraient être davantage documentées pour convaincre.
Pas plus de 5 morts en définitive
Les événements du 31 janvier 2017 auront dont entraîné en tout et pour tout la mort de cinq personnes selon la PNC, la MONUSCO et la Nonciature Apostolique. Pour ces décès, certes déplorables, les membres du Comité Laïc de Coordination et l’Archidiocèse de Kinshasa ont annoncé l’organisation de ce qu’ils présentent comme une messe de « leurs » martyrs ( !)
La célébration eucharistique sera présidée par le Cardinal-archevêque de Kinshasa vendredi 12 janvier dans l’avant-midi à la Cathédrale Notre Dame du Congo à Lingwala. Mais il est inutile de se leurrer sur la nature réelle de cet office. Dans son communiqué relatif à cette messe, le CLC y invite non pas seulement les fidèles catholiques, mais aussi « les chrétiens et les hommes de bonne volonté à la résistance et à la persévérance … » contre le pouvoir en place, sans aucun doute. Tout en rappelant que « les événements horribles et inacceptables survenus (…) ont été unanimement condamnés par la communauté internationale et nationale ». Ce qui est loin de la vérité, en fait. Les expéditions politiciennes organisées, on le sait maintenant, par le Cardinal Monsengwo et ses affidés ne sont pas du goût de tout le monde, même parmi les catholiques, princes de l’église, prêtres et fidèles. La célébration eucharistique programmée vendredi prochain ne devrait pas échapper à la règle, notamment parce que l’œuvre est entachée des tares qui ont compromis la précédente. Il faudra donc s’attendre au minimum à du chahut, tant les chrétiens sont divisés au sujet de la radicalisation politique que d’aucuns trouvent outrancière du N°1 de l’archidiocèse de Kinshasa.
La nature a tué dix fois plus
En effet, trois jours après la marche étouffée organisée à l’appel du CLC, 44 personnes ont trouvé la mort à la suite de la pluie diluvienne qui s’est abattue sur Kinshasa dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 janvier 2018. 44 morts, c’est près de 10 fois plus que le nombre des morts survenues en marge des marches étouffées du 31 décembre dernier. C’est en vain que les chrétiens de la capitale ont attendu le moindre signe de compassion de l’église catholique romaine de Kinshasa jusqu’au moment où nous mettions sous presse. Ni le Cardinal, ni ses amis du CLC n’ont fait la moindre allusion à ces victimes des intempéries, pourtant beaucoup plus nombreuses. Aucune initiative de solidarité avec elles non plus.
« L’indifférence du CLC et de l’Archidiocèse de Kinshasa face à ces pertes en vies humaines est l’illustration du cynisme politique le plus abject surtout que les organisateurs de la messe des morts y invitent l’ensemble des chrétiens, parmi lesquels on peut sûrement compter des fidèles d’églises dont les membres de familles ont péri et sont donc éprouvés par les 44 disparitions minimisées au profit de 5 morts du 31 janvier », s’indigne une enseignante de la périphérie de Kinshasa. Encore une attitude discriminatoire qui va diviser les chrétiens de Kinshasa, à n’en pas douter. !!!!!!!!!Et un bras de fer en perspective avec les pouvoirs publics ainsi défiés par la hiérarchie de l’église catholique romaine de la capitale. Parce qu’il est clair pour tous que la messe pour 5 morts supposées du vendredi 12 janvier aux heures de la plus grande affluence à quelques mètres du centre névralgique de Kinshasa est une nouvelle tentative de transformer un lieu de culte en point de départ d’une vaste manifestation politique. Le gouvernement l’avait rappelé au cours d’un point de presse la semaine dernière : rien dans l’Accord de siège conclu avec le Saint Siège n’interdit aux pouvoirs publics d’investir les lieux de culte dès lors qu’ils représentent un danger public (lire le texte intégral de l’Accord en pages 8 et 9).
J.N.
FAKE NEWS : MODE DE FABRICATION
Déclarée tuée par balle, elle ressuscite
L’archidiocèse de Kinshasa, le Nonce Apostolique et tout ce que le monde compte daffide croyant parmi les médias et l’opinion l’ont annoncé : une fidèle aurait été tuée le 31 décembre 2017 à la paroisse St Dominique de Limete. Sur l’identité de la victime, rien. Seulement des affirmations faisant état d’une balle réelle tirée à bout portant, sur une fidpauvre chrétienne, selon certains commentateurs très engagés.
Seulement, l’affaire ne tient pas la route : la preuve, c’est que les catholiques eux-mêmes s’avèrent incapable de fournier l’identité de ce fidèle d’une des plus petites paroisses de la ville. La fidèle prétendument tuée sur le coup, dont les images ont fait le buzz sur la toile, a été retrouvée vivante dans un centre hospitalier de la place. Et photographiée par des confrères qui s’étaient lancées à la recherche des preuves contre les forces de l’ordre. Peine perdue.
J.N.